« Alors, on y est ? », c’est la question
lancinante que se posent les scientifiques du Jet Propulsion Laboratory qui
suivent encore les faibles signaux en provenance de la sonde Voyager 1.
Depuis
leur lancement en 1977, les deux sondes jumelles Voyager 1 et Voyager 2 on
parcouru 18.2 milliards de kilomètres pour la première et 3 milliards de moins
pour la seconde.
Ce que cherchent à savoir les astronomes c’est si Voyager 1
a franchi physiquement la frontière de notre système solaire. Cette frontière
est là où le vent solaire (des particules chargées émises par le Soleil)
formant une sorte de bulle (appelée l’héliosphère) rencontre le milieu
interstellaire. Cette frontière physique porte le nom de Héliopause.
Schéma de la sonde Voyager 1 (NASA/JPL CalTech) |
Et bien sûr, la détection de l’héliopause, pour le moment
théorisée, serait une ultime cerise sur le gâteau déjà bien fourni de cette
sonde trentenaire… (les Voyager viennent de fêter leurs 35 ans le 5 septembre dernier).
Aujourd’hui, il semble que l’on soit arrivé dans une zone
quelque peu déconcertante. En effet, les dernières mesures transmises par
Voyager 1 indiquent que la vitesse des particules chargées (des protons pour la
plupart) mesurée avoisine le zéro ! La sonde jumelle Voyager 2 qui se
trouve seulement à 15 milliards de kilomètres, et dans une autre direction, n’a
pas encore observé une telle variation de vitesse particulaire…
Decker et al. avaient déjà observé le changement l’année
dernière sur des mesures de vitesses radiales, ce qui semblait signer l’héliopause,
là où les particules venant du Soleil entrent en collision avec les particules
venant des sources extérieures (supernovae, etc..)
Les particules chargées doivent alors subir une diffusion et
être déviées sur le côté. Afin d’être sûrs d’eux, les ingénieurs et astronomes
américains ont demandé à ce que Voyager
1 soit pivotée de manière à pouvoir mesurer les vitesses des particules dans
une direction orthogonale, et ce dans plusieurs directions pour plus de
données.
Il faut se rappeler que rien n’est simple pour commander une
sonde située à plus de 18 milliards de kilomètres… Le signal émis sur Terre met
17 heures pour parvenir à l’antenne de Voyager, et l’émetteur de la sonde
fonctionne avec une puissance de 23 Watts seulement, une très faible ampoule…
Schéma de l'héliopause (NASA) |
Résultat de ces mesures : la vitesse des particules est
nulle dans toutes les directions !... C’est comme si Voyager 1 se trouvait dans une sorte de zone
morte, peuplée de particules stationnaires. Et cela signifie que Voyager 1 ne
serait pas encore arrivée à l’héliopause, selon Decker qui publie ses résultats
dans le numéro de cette semaine de Nature. Ou du moins, pas à l’héliopause
telle qu’on la conçoit encore.
L’explication retenue est que Voyager se trouverait dans une
sorte de bulle d’au moins 1 milliard de kilomètres d’épaisseur.
Pourquoi les
particules y restent piégées reste un mystère et les théoriciens sont dans l’impasse.
Mais certains physiciens essayent tout de même d’expliquer
le phénomène observé sans réinventer de nouveaux modèles, en imaginant comment
peuvent se répartir les champs magnétiques le long desquels les protons se
propagent.
Même si nous n’y sommes pas encore l’héliopause devrait
bientôt être atteinte. Il se trouve que Voyager a également très récemment (au
mois de mai) détecté des bouffées de rayons cosmiques provenant de l’extérieur
du système solaire et de nouvelles bouffées en juillet, cette fois-ci à plus
basse énergie. Des signes avant-coureurs selon certains physiciens de la
proximité de l’héliopause qui pourrait être traversée selon eux avant la fin de
l’année…
Mais les explications potentielles pour ces bouffées fusent :
David McComas, un physicien du Southwest Research Institute à San Antonio, Texas,
et Nathan Schwadron, de l'Université du New Hampshire à Durham, suggèrent une
autre explication. Dans un article sous presse dans The Astrophysical Journal,
ils proposent que Voyager 1 se trouverait dans une région où les lignes de champ
magnétique qui traversent l'héliosphère externe se lient avec le champ magnétique
du reste de la galaxie.
Cela créerait des sortes de tunnels pour les rayons cosmiques galactiques,
provoquant les pics de détection observés. Des rayons cosmiques accélérés au
sein de l'héliosphère auraient tendance à se déplacer le long des lignes de
champ et Voyager ne les détecterait que lorsqu’il traverserait l’un de ces
tunnels magnétiques…
Si ce modèle est correct, disent McComas et Schwadron,
l'héliopause peut encore être à des années
de voyage.
Quoi qu’il en soit, la majorité des scientifiques estime que
Voyager 1 atteindra l’héliopause avant de perdre définitivement toute vie, en
2025, lorsque ses générateurs au plutonium ne produiront plus d’électricité
pour détecter, émettre et recevoir.
Le voyage à sens unique de Voyager aura fourni de très nombreuses
et belles surprises, et il se poursuivra alors éternellement dans le silence infini des
étoiles, porteur d’un espoir sans cesse renouvelé.
Sources :
No meridional plasma flow
in the heliosheath transition region
R. Decker et al.
Nature 489,
124–127 (06 September 2012)
Voyager’s long goodbye
Ron Cowen
Nature 489, 20-21 (06 Septembre 2012)
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