Des astrophysiciens ont trouvé une explication plausible pour un type de signal radio répétitif de longue période identifié pour la première fois il y a deux ans, mais qui apparaît désormais à de nombreux endroits dans le ciel. Ils ont identifié un tel signal périodique qu'ils ont pu clairement associer à une étoile naine rouge. Mais elle ne serait pas seule... C'est son interaction avec une naine blanche qui serait à l'origine du signal radio détecté. L'étude est publiée dans The Astrophysical Journal Letters.
Astronomie, Astrophysique, Astroparticules, Cosmologie. L'infini se contemple, indéfiniment. ISSN 2272-5768
29/11/24
L'origine d'un transitoire radio à longue période identifié pour la première fois
Des astrophysiciens ont trouvé une explication plausible pour un type de signal radio répétitif de longue période identifié pour la première fois il y a deux ans, mais qui apparaît désormais à de nombreux endroits dans le ciel. Ils ont identifié un tel signal périodique qu'ils ont pu clairement associer à une étoile naine rouge. Mais elle ne serait pas seule... C'est son interaction avec une naine blanche qui serait à l'origine du signal radio détecté. L'étude est publiée dans The Astrophysical Journal Letters.
24/11/24
Détection d'un excès de chaleur sur la planète naine Makémaké
Une équipe de planétologues a observé la planète naine Makémaké avec le télescope Webb et ont découvert un excès très important dans l'infrarouge moyen. L'excès détecté indique des températures d'environ 150 K, bien supérieures à celles que les surfaces solides à la distance héliocentrique de Makémaké pourraient atteindre par irradiation solaire. Pour les chercheurs, qui publient leur découverte dans The Astrophysical Journal Letters, cela indique que Makémaké est active, ou bien qu'elle possède un anneau de poussière carbonée... Les deux scénarios indiquent des phénomènes sans précédent parmi les objets transneptuniens, et pourraient avoir un impact considérable sur notre compréhension de ces mondes lointains.
19/11/24
Trois galaxies massives furieusement efficaces pour former des étoiles 1 milliard d'années post Big Bang
Les récentes observations du télescope spatial Webb ont révélé une abondance inattendue de galaxies massives candidates dans l'Univers jeune. Ces galaxies candidates observées avec Webb ont été interprétées comme remettant en cause la cosmologie du modèle ΛCDM, mais, jusqu'à présent, les observations n'ont pas eu de confirmation spectroscopique de leurs décalages vers le rouge. Une équipe d’astrophysiciens a effectué une étude systématique de 36 galaxies massives obscurcies par la poussière avec des décalages vers le rouge compris 5 et 9 provenant du relevé FRESCO du télescope Webb. Ils ne trouvent aucune tension avec le modèle standard dans leur échantillon. En revanche, ils ont déniché trois galaxies ultra-massives, de plus de 100 milliards de masses solaires, qui montrent une efficacité monstrueuse pour fabriquer des étoiles… L’article est publié dans Nature.
Les masses stellaires des galaxies de l’échantillon sont comparées à la masse maximale à laquelle on pourrait s'attendre à trouver une galaxie dans le volume étudié, compte tenu de la fonction de masse du halo de matière noire entourant les galaxies et de la fraction de baryons cosmique. Dans ce paradigme de type ΛCDM, Mengyuan Xiao (université de Genève) et ses collaborateurs (dont le français David Elbaz) dérivent la masse la plus grande du halo de matière noire à différents redshifts dans le volume d'étude correspondant (environ 1,2 × 106 Mpc3 à z entre 5 et 9) selon la fonction de masse du halo. La masse stellaire maximale est ensuite déduite de la masse maximale du halo de matière noire, avec une fraction baryonique cosmique fb = Ωb/Ωm = 0,158 (Ωb est le paramètre de densité baryonique et Ωm le paramètre de densité de matière), et l'efficacité théorique maximale (ϵ) de la conversion des baryons en étoiles. Xiao et ses collaborateurs considèrent deux cas possibles pour ϵ : l'efficacité la plus élevée obtenue à partir de modélisations phénoménologiques basées sur les observations (ϵ max,obs = 0,2) et l'efficacité maximale théoriquement permise (ϵ = 1).
Ils calculent ensuite les limites inférieures de l'efficacité des galaxies de leur échantillon, afin de vérifier si les galaxies massives à haut z pourraient former des étoiles avec une efficacité étonnamment élevée (ϵ > 0,2 ou même ϵ > 1). Dans cette analyse, les chercheurs supposent de manière conservatrice que chaque galaxie est située dans le halo de matière noire le plus massif.
Xiao et ses collaborateurs ne trouvent aucune galaxie avec ϵ > 1, ce qui suggère donc que l’échantillon ne présente pas de tension significative avec le modèle ΛCDM. La fiabilité de cette conclusion vient du fait que les astrophysiciens disposent à la fois de masses stellaires et de décalages vers le rouge robustes.
En revanche, il y a tout de même 5 galaxies extrêmes dans cet échantillon de 36 galaxies, qui montrent un ϵ > 0,2, c'est-à-dire une efficacité accrue dans la conversion du gaz en étoiles. Trois galaxies sont à z ≈ 5 à 6 (donc entre 0,9 et 1,2 milliards d'années après le Big Bang), et deux à z ≈ 7 -8. Xiao et ses collègues se concentrent sur les trois objets à plus faible décalage vers le rouge car les masses stellaires dérivées sont significativement moins robustes pour les objets à z ≈ 7 – 8. Les trois monstres sont nommées S1, S2 et S3. Elles ont été détectées précédemment par des observations du Submillimetre Common-User Bolometer Array 2 (SCUBA-2), mais seule S2 (aussi connue sous le nom de GN1035), avait un décalage vers le rouge et une masse stellaire fiables avant les observations de Webb.
Xiao et al. constatent que S1, S2 et S3 sont extrêmement massives (plus de 100 milliards de M⊙ en étoiles, rouges, et fortement atténuées par la poussière. Ils trouvent qu'elles ont également des taux de formation d'étoiles très élevés, spécifiquement 795 ± 40 M⊙ par an pour S1, 1030 ± 190 M⊙ par an pour S2 et 988 ± 49 M⊙ par an pour S3. Cela indique que ces galaxies sont dans un processus de production d’étoiles très efficace. L’étude des raies d'émission, de la morphologie des sources et des données multi-longueurs d'onde ne révèle aucun signe d'une contribution significative des noyaux actifs de galaxie (AGN). Par conséquent, la nature ultra-massive de ces trois galaxies est fiable. Ces galaxies ultramassives (pour l’époque où elles se trouvent) sont surnommées des « red monsters » par les astrophysiciens
En comparant les masses de ces galaxies avec les prédictions, il est clair qu’elles nécessitent une conversion en étoiles extrêmement efficace de tous les baryons disponibles d'environ 0,5 en moyenne, c’est-à-dire 2 à 3 fois l'efficacité la plus élevée observée à un redshift inférieur (ϵ max,obs ≈ 0,2). Ces 3 galaxies se situent à z ≈ 5 - 6, démontrant que l'existence de galaxies ultra-massives qui défient les modèles d'assemblage de galaxies, n'est pas limitée à l'univers le plus lointain à z > 8 mais inclut également des galaxies à des époques plus tardives qui étaient auparavant cachées par l'obscurcissement de la poussière.
L'efficacité élevée de la conversion baryons (gaz) - étoiles dans ces trois galaxies ultra-massives pourrait également être démontrée dans l'autre sens. En supposant une efficacité maximale observée de ϵ max,obs = 0,2, les masses stellaires de S1, S2 et S3 correspondent à des masses de halo de matière noire de 10 12.88 , 10 12.68 et 10 12.54 masses solaires respectivement. La densité volumique de galaxies observée est d'environ 3.0 × 10-6 Mpc-3 à z ≈ 5 - 6 dans les 124 arcmin2 des champs de l'étude FRESCO. Pour le cas le plus extrême, S1, comparé aux densités cumulées théoriques de galaxies d'environ 2,8 × 10-9 Mpc-3 ayant une masse totale de 10 12,88 masses solaires, la probabilité de détecter une telle galaxie dans un champ aléatoire aussi grand que celui de FRESCO n'est que 0,0008. En d'autres termes, si la distribution des galaxies dans l'Univers était homogène, et si ϵ = 0.2, on s’attendrait à ne détecter qu'une seule galaxie telle que S1 dans un champ 1188 fois plus grand que celui de FRESCO. Pour S2 et S3, les probabilités sont de 0,017 et 0,08 respectivement, ce qui requiert des champs 58 fois et 12 fois plus grands que le champ de l’étude FRESCO pour les détecter. Cela démontre que l'efficacité de la formation d'étoiles dans ces galaxies doit être significativement plus élevée que celle normalement trouvée à des redshifts plus faibles dans le modèle standard de formation des galaxies au sein de halos de matière noire froide.
Et Xiao et ses coauteurs calculent que les galaxies extrêmement massives contribuent de manière significative à la densité totale du taux de formation d'étoiles dans l'Univers jeune. Ils trouvent que en incluant seulement S1, S2 et S3, la densité du taux de formation d'étoiles atteint une valeur de 2,4 10-3 M⊙ par an Mpc-3 (à z=5,8). Cette valeur correspond à 17% de la densité totale du taux de formation d'étoiles à ce redshift. Selon les chercheurs, ce résultat suggère qu’il existe une proportion importante de formation stellaire extrêmement efficace dans l'Univers jeune.
Avec les mesures sûres du décalage spectral et de la masse stellaire, ces résultats fournissent des preuves solides que l'Univers primitif doit être deux à trois fois plus efficace dans la formation de galaxies massives que la tendance moyenne trouvée par des études antérieures à des époques plus tardives. La découverte de Xiao et al., ainsi que l'excès possible de galaxies lumineuses en UV à z > 8 révélé par les observations du JWST, indique que les modèles de formation des premières galaxies doivent être révisés, bien que en restant dans le cadre du modèle cosmologique ΛCDM.
Pour conclure, les astrophysiciens notent que deux des trois galaxies ultra-massives ont récemment été localisées dans une structure à grande échelle en cours de formation. Par conséquent, selon eux, les effets potentiels de la variance cosmique doivent être soigneusement pris en compte avant de concevoir des modèles. En outre, les galaxies les plus massives situées dans les régions les plus denses de l'Univers peuvent avoir une histoire de formation spécifique, ce qui nécessite des modèles uniques de formation des galaxies pour expliquer comment la formation d'étoiles est effectivement augmentée à un taux significatif dans ces régions. Pour Xiao et ses collaborateurs, des variations dans la fonction de masse initiale pourraient également reproduire les propriétés extrêmes observées dans leur échantillon. Des scénarios doivent encore être étudiés par des observations plus détaillées. Avec une plus grande résolution spatiale et/ou sensibilité, les futures observations spectroscopiques de l'Atacama Large Millimeter/submillimeter Array (ALMA), du NOrthern Extended Millimeter Array (NOEMA) et du télescope Webb pourraient aider à consolider la nature massive de ces galaxies grâce à des mesures de masse dynamique, et pourquoi pas tester différents scénarios pour leur formation avec l'analyse de la cinématique et de la composition chimique du milieu interstellaire.
Source
Accelerated formation of ultra-massive galaxies in the first billion years
Xiao, M., et al.
Nature 635, 311–315 (14 novembre 2024 )
https://doi.org/10.1038/
Illustration
1. Images des galaxies S1, S2 et S3 (Xiao, M., et al.)
14/11/24
Vous n'êtes pas prêts pour la prochaine éruption volcanique massive
Les éruptions volcaniques cataclysmiques sont rares, mais inévitables. Les gouvernements devraient urgemment, non seulement s’efforcer d’enrayer le réchauffement climatique et le déclin de la vie, mais aussi se préparer à d’autres événements extrêmes ayant des répercussions planétaires comme ces éruptions volcaniques de grande ampleur. Markus Stoffel (université de Genève) et ses collaborateurs tirent la sonnette d'alarme dans un article qu'ils publient cette semaine dans Nature, en se fondant sur l’éruption massive du mont Tambora qui a eu lieu en Indonésie en 1815 et en imaginant si cela se produisait aujourd’hui. Vous n'êtes pas prêts...
Au moment de l'éruption du mont Tambora, environ 90 000 personnes sur l'île de Sumbawa et sur l'île voisine de Lombok ont été tuées. L'éruption a ensuite déclenché des vagues d'anomalies météorologiques dans le monde entier, qui ont duré plusieurs années et ont affecté des millions de personnes supplémentaires. L'hémisphère nord s'est refroidi de 1°C en moyenne et l'année suivante a été marquée par l'absence totale d'été. Le temps anormalement froid a persisté jusqu'en 1817 en Amérique du Nord et en Europe, ce qui a entraîné de maigres récoltes. Le doublement des prix des céréales qui s'en est suivi a provoqué des troubles sociaux dans des pays comme la France et le Royaume-Uni, et a plongé les États-Unis dans leur première dépression économique. En Inde, des conditions météorologiques erratiques ont provoqué indirectement une épidémie de choléra, qui s'est ensuite propagée pour devenir une pandémie mondiale en 1817. Selon les chercheurs Gillen D’Arcy Wood et Clive Oppenheimer qui ont étudié l'éruption du Tambora en 2014 et 2015, les répercussions de l'éruption ont entraîné un nombre de morts probablement de plusieurs dizaines de millions de personnes.
Le monde a été épargné par une éruption volcanique d'une ampleur similaire depuis plus de 200 ans maintenant. Mais aujourd'hui, la question n'est pas de savoir si un tel cataclysme se reproduira, mais plutôt quand ? En effet, les preuves géologiques recueillies sur la période des 60 000 dernières années suggèrent qu'il y a une probabilité de 17% pour qu'une éruption massive similaire à celle du Tombora se produise au cours de ce siècle, comme l'ont révélé Jiamei Lin et ses collaborateurs en étudiant des carottes de glace de l'Antarctique et du Groenland.
Stoffel et ses collaborateurs précisent que si cela devait se produire dans les cinq prochaines années, les coûts seraient colossaux. Selon l'assureur Lloyd's de London, qui a évalué ces risques en mai dernier, dans un scénario extrême, les conséquences économiques pourraient coûter plus de 3600 milliards de dollars la première année et 1200 milliards de dollars de plus les années suivantes, en raison à la fois des effets des conditions climatiques extrêmes, de la baisse des rendements des cultures et de l'instabilité alimentaire.
Ces chiffres sont énormes, mais Stoffel et ses collaborateurs rappellent qu'ils sont entachés de grandes incertitudes. On comprend certes les mécanismes de base de l’influence du volcanisme sur le climat , mais pas les détails précis : le dioxyde de soufre (SO2) est propulsé dans la stratosphère, où il forme des aérosols soufrés qui réfléchissent le rayonnement solaire incident et refroidissent la surface de la Terre. L’ampleur du refroidissement dépend de la quantité, de la distribution verticale et de la taille de ces particules d’aérosols soufrés. Les effets sur les précipitations sont plus difficiles à prévoir, tout comme ceux sur l’agriculture et les marchés économiques. Et par ailleurs, tous ces détails sont affectés par le changement climatique et ont une influence sur lui. La boucle est complexe.
Pour cerner ces incertitudes, Stoffel et al. préconisent une approche en trois volets. Premièrement, les chercheurs doivent associer les modèles et les preuves géologiques des climats passés aux relevés volcaniques historiques. Deuxièmement, ils doivent étudier comment le refroidissement volcanique pourrait interagir avec le réchauffement climatique anthropique. Troisièmement, les scientifiques, les analystes et les décideurs politiques doivent concevoir des stratégies pour minimiser les effets d’une éruption catastrophique, en couplant les modèles climatiques, agricoles et de choc alimentaire.
Les géologues ne disposent malheureusement pas de suffisamment de preuves pour déduire la quantité de soufre qui a été injectée dans l'atmosphère par les volcans au cours de l'histoire, ni les effets de refroidissement de ces derniers. Les satellites ont suivi les émissions de soufre des volcans seulement depuis l'éruption du mont Pinatubo aux Philippines en 1991. Mais celles des éruptions précédentes doivent être reconstituées à partir des dépôts dans les échantillons de carottes de glace de l'Antarctique et du Groenland. Et les traces ne sont visibles que pour les grandes éruptions.
Les modèles permettent ensuite d’estimer la quantité d'aérosols soufrés ayant atteint la stratosphère. Il faut toutefois formuler des hypothèses sur les volumes injectés, la hauteur du panache et la taille des particules d’aérosols. Même pour le cataclysme du Tambora, qui était dix fois plus important que celui du Pinatubo, les niveaux d'aérosols soufrés stratosphériques reconstitués varient jusqu’à un facteur 15 selon les modèles, comme l'ont montré Marshall et al. en 2018.
Et le refroidissement correspondant est également difficile à prévoir. Par exemple, les cinq éruptions massives qui ont libéré le plus de soufre au cours des 1 500 dernières années ont toutes provoqué un refroidissement estival similaire dans l'hémisphère nord (de l'ordre de 1 à 1,5 °C en moyenne pendant 2 à 3 ans), malgré des masses de soufre libérées qui pouvaient différer d'un facteur 3.
Ces incohérences découlent des limites de la compréhension du cycle de vie des aérosols. Par exemple, les éruptions les plus importantes peuvent projeter dans l'atmosphère des particules plus grosses, qui sont moins efficaces pour diffuser le rayonnement et qui retombent de la stratosphère plus rapidement que les plus petites, ce qui entraîne un refroidissement moindre. L’influence du volcanisme sur les événements climatiques régionaux, tels qu’El Niño et les moussons, est également encore mal comprise.
Pour combler ces lacunes, des efforts internationaux de modélisation, tels que le Volcanic Forcings Model Intercomparison Project, sont développés pour étudier les facteurs limitants. Les modèles doivent examiner une gamme de rendements en soufre ainsi que la chimie des aérosols et du soufre. Ils doivent examiner comment les impacts des éruptions varient selon les climats. Et ils doivent mieux assimiler et intégrer les données des carottes de glace, des cernes des arbres et d’autres données sur les climats passés pour améliorer la précision des simulations et des prévisions.
La modélisation des éruptions passées peut nous en dire beaucoup. Mais dans un monde plus chaud, de nombreux processus physiques et chimiques dans l’atmosphère, dans les océans et sur terre changeront également dans les années qui viennent. Par exemple, le réchauffement climatique réchauffe la basse atmosphère et refroidit la stratosphère. Or, l’altération des couches atmosphériques devrait affecter la propagation des panaches volcaniques et la hauteur qu'ils atteignent, et ça va dans le mauvais sens, comme l'ont montré Aubry et al. en 2022 et Chim et al. en 2023...
Stoffel et ses collaborateurs ajoutent que les changements dans les schémas de circulation affecteront également la propagation et la croissance des aérosols. Par exemple, les flux d'air plus rapides des tropiques vers les latitudes plus élevées, qui sont déjà observés en raison du réchauffement, entravent la coagulation des aérosols issus des éruptions dans les tropiques. Or, les aérosols plus petits diffusent la lumière solaire plus efficacement et refroidissent davantage la surface de la Terre...
Et bien sûr, les océans seront également touchés. Le réchauffement climatique accroît aussi la stratification des océans, ce qui constitue une barrière au mélange des eaux profondes et peu profondes. La conséquence est que les éruptions volcaniques pourraient ainsi refroidir de manière disproportionnée les couches supérieures d'eau et les masses d'air au-dessus de l'océan.
Alors que les phénomènes climatiques extrêmes se multiplient (fortes précipitations, fonte des calottes glaciaires, élévation du niveau de la mer), les répercussions de l’activité volcanique ne feront donc que s’amplifier. Il est donc essentiel de tenter de les maîtriser dès maintenant. Il devient crucial de comprendre comment les éruptions amplifient ou atténuent le changement climatique anthropique.
Pourtant, aujourd'hui, aucun de ces détails n’est inclus dans les modèles climatiques actuels, qui supposent que le volcanisme du XXIe siècle ressemblera à l’activité passée. Or, l’éruption du Tambora se situe en dehors de la plage des relevés volcaniques historiques de 1850 à 2014 qui alimentent les projections climatiques standard, telles que les résultats du projet d’intercomparaison des modèles couplés utilisés dans le sixième rapport d’évaluation du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat. Ainsi, ces simulations sous-estiment à la fois les effets du volcanisme sur le climat et la fréquence des éruptions volcaniques massives.
Stoffel et ses coauteurs appellent les chercheurs qui développent la prochaine génération de modèles climatiques à intégrer des représentations plus précises du volcanisme. Ils doivent améliorer à la fois les modèles d’éruptions historiques non couvertes par les données satellites, les tendances futures du réchauffement climatique et les processus microphysiques de la stratosphère. Des simulations approfondies de multiples éruptions dans différents scénarios climatiques élargiraient la gamme des impacts pris en compte.
En plus de se produire dans un climat plus chaud, la prochaine éruption de type Tambora se produira dans un monde bien plus interconnecté, qui abritera huit fois plus d’habitants qu’en 1815. Les systèmes agricoles seront soudainement confrontés à des niveaux d’ensoleillement plus faibles, à des températures plus fraîches et à des régimes d’humidité modifiés, le tout en succession rapprochée. Des impacts sociétaux démesurés pourraient s’ensuivre.
Par exemple, Stoffel et ses collaborateurs rappellent que l’éruption du Pinatubo en 1991 a entraîné une baisse de 9 % des rendements mondiaux de maïs et de 5 % de la production de blé, de riz et de soja. Les mauvaises récoltes causées par une éruption plus massive toucheraient simultanément les régions qui constituent le grenier à blé du monde : la Chine, les États-Unis, l’Inde, la Russie et le Brésil, qui produisent ensemble la majeure partie du blé, du maïs, du riz et du soja du monde. La perte de récoltes perturberait la sécurité alimentaire et les chaînes d’approvisionnement mondiales, ce qui pourrait déclencher des troubles, des conflits et des migrations.
Depuis les années 1990, les simulations climatiques sont couplées à des modèles de cultures pour projeter les impacts probables du réchauffement climatique sur les rendements et le commerce des denrées alimentaires. Des ruptures synchronisées de greniers ont été envisagées à la lumière de la fréquence et de l’intensité croissantes des phénomènes météorologiques extrêmes. Pourtant, des analyses comparables manquent pour les éruptions volcaniques, pour lesquelles l’accent est resté sur les effets que des éruptions de moyenne ampleur comme celle du Pinatubo pourraient avoir sur l’agriculture mondiale. Ce manque de recherche laisse les gouvernements et les décideurs politiques dans l’ignorance. Il faut développer au plus vite un couplage entre les projections climatiques les plus récentes et les modèles agricoles pour éclairer cet angle mort, idéalement par le biais d’évaluations des chocs en cascade à fort impact. Les résultats pourraient être utilisés afin d’améliorer la compréhension et de prévoir des changements plus réalistes dans le système commercial alimentaire mondial après des perturbations majeures.
Stoffel et al. reconnaissent qu’une telle approche descendante est imparfaite et que différentes sources d’incertitude peuvent s’intensifier et se propager à chaque étape. Le moment, le lieu et la hauteur du panache de la prochaine éruption cataclysmique ainsi que l’état du climat à ce moment-là resteront imprévisibles. En raison de ces multiples inconnues, on ne peut pas se fier aux cadres conventionnels de type « prévoir puis agir », car ni les prévisions ni les incertitudes ne peuvent être quantifiées avec précision.
Les chercheurs recommandent une « approche contrefactuelle descendante », qui réimagine les événements passés connus pour construire une vision réaliste des risques futurs. Par exemple, en envisageant une éruption de l’ampleur du Tambora se produisant dans le climat actuel (coïncidant peut-être avec un El Niño), les assureurs pourraient estimer les pertes financières des systèmes connus pour avoir été affectés par des éruptions passées, comme le commerce alimentaire.
Les entreprises concernées et les autres grandes institutions financières devraient également procéder à des tests de résistance de leurs fonds propres pour étudier les conséquences macroéconomiques d'une année sans été, voire plus.
Une éruption volcanique massive est inévitable un jour ou l'autre, peut-être même l'année prochaine, ou demain. Développer très vite des modèles robustes et des tests de résistance pour un tel événement devrait être une priorité pour les gouvernements, afin que l'humanité soit préparée au mieux à ce futur cataclysme.
On sait que la Chine est déjà en train de faire des énormes réserves de toutes sortes, matières premières et céréales. L’entreprise Sinograin, détenue par l’État, annonçait au début de l’été augmenter encore ses acquisitions de blé pour remplir ses silos. Selon le département américain de l’Agriculture, les réserves de blé et de maïs chinois pourraient représenter, respectivement, 51 % et 67 % des réserves mondiales à la fin de la saison, soit 5 à 10 points de plus qu’en 2018. C'est sans doute une initiative sage, même si on peut penser que ce n'est malheureusement pas par peur des conséquences d'une éruption volcanique massive...
Source
The next massive volcano eruption will cause climate chaos — and we are unprepared
Markus Stoffel et al.
Nature 635 (12 november 2024)
https://doi.org/10.1038/d41586-024-03680-z
Illustrations
1. Le volcan Taal aux Philippines, entré en éruption en janvier 2020. (Domcar C. Lagto/Pacific Press via Zuma Wire)
2. Grandes éruptions historiques avec un impact significatif sur le climat (M. Sigl & M. Toohey PANGAEA, Nature)
3. Vallée recouverte de cendres volcaniques près du mont Pinatubo (Philippines) après son éruption en 1991 (Marc Schlossman/Panos Pictures)
4. Le volcan Sundhnúkur en Islande en juin 2024 (John Moore/Getty)
5. Markus Stoffel (université de Genève)
09/11/24
Les sursauts radio rapides préfèrent les galaxies massives
Les sursauts radio rapides (FRB) sont de brefs éclairs d’ondes radio suffisamment énergétiques pour être observés depuis la Terre même lorsqu’ils proviennent de galaxies lointaines. Bien que la source de ces sursauts soit encore mal cernée, la découverte d’un signal de type FRB émanant d’un magnétar de la Voie Lactée nous a fourni un indice clé en avril 2020. Mais ce FRB galactique était considérablement plus faible que les autres FRB connus, et un autres FRB confirmé provenant lui d’une vieille population d’étoiles a ajouté un autre facteur de confusion, car les magnétars sont des jeunes étoiles à neutrons et très énergétiques. Dans un article publié dans Nature cette semaine, Kritti Sharma (CalTech) et ses collaborateurs rapportent l'étude qu'ils ont effectuée sur les environnements des galaxies d’où proviennent les FRB, et leurs résultats suggèrent que ces sursauts radio pourraient provenir de magnétars créés de manière non conventionnelle...
04/11/24
Absence de grosse exoplanète autour de Véga (pour l'instant)
Il n'existe aucune preuve évidente de l'existence d'une ou plusieurs grandes exoplanètes traversant le disque de débris encerclant Véga, l'une des étoiles les plus brillantes du ciel nocturne. C'est la conclusion que fait une équipe d'astrophysiciens qui a observé Véga à la fois avec Hubble et Webb. Ils publient deux articles dans The Astrophysical Journal, chacun avec son télescope spatial.
- Vega semble avoir un halo très étendu dans la lumière diffusée détectée entre 80 et 208 UA. Le niveau élevé de dispersion dans un disque de face indique une population importante de petits grains (<3 μm). La forme de ce halo semble suivre le grand halo étendu observé dans l'émission thermique dans l'infrarouge (de 24 μm jusqu'à 500 μm),
- Bien qu'on avait pensé que les systèmes de débris de Vega et de Fomalhaut étaient jumeaux, en lumière diffusée, ils apparaissent en fait très différents. Autour de Fomalhaut, la lumière est confinée à l'étroite ceinture de débris extérieurs, tandis qu'autour de Vega il existe une distribution beaucoup plus étendue. Cette différence dans la structure du disque de débris suggère une différence dans l'architecture des systèmes planétaires autour de ces étoiles : les planètes peuvent être absentes ou avoir des propriétés très différentes dans la région extérieure du système de Véga.
- La population de poussière observée peut provenir d'un taux très élevé de collisions dans la ceinture extérieure du système, mais les détails de son origine ne sont pas certains.
- Le disque externe défini comme s'étendant entre 10″ et 22″ autour de Véga (∼78 − 170 UA) correspond directement à la large ceinture planétésimale observée par ALMA où les collisions actives entre les planétésimaux restants génèrent continuellement de petits grains de poussière par le biais de cascades de collisions. Une fois que les grains nouvellement générés deviennent suffisamment petits, la pression de radiation intense de Véga les pousse sur des orbites hautement elliptiques ou hyperboliques, formant un halo de disque étendu pouvant atteindre des centaines d'UA.
- Le disque interne, défini comme la zone inférieure à 4″ de l'étoile, présente un comportement de profondeur optique accru, contrairement à la région de transition entre la ceinture planétésimale externe et le disque interne. Le creux apparent dans toutes les images MIRI se trouve dans la région de transition, représentant la zone de profondeur optique la plus faible à l'intérieur de la ceinture planétésimale externe.
- En utilisant une modélisation paramétrique simple sur les profils radiaux du disque interne et une photométrie infrarouge bien calibrée pour contraindre la température de la poussière interne, un bord interne à environ 3 à 5 UA de l'étoile est indirectement déduit. Ce bord intérieur se trouve bien en dehors du rayon de sublimation de la poussière pour les compositions de poussière réfractaire typiques, et le place physiquement séparé de la composante chaude en excès qui avait été détectée par des mesures interférométriques antérieures dans le proche infrarouge. Selon les chercheurs, la limite intérieure des débris chauds pourrait indiquer l'existence d'une planète à moins de 3 UA, qui aurait une masse inférieure à celle de Neptune et qui guiderait ce bord.