13/02/25

Détection du neutrino le plus énergétique de tous les temps


Les astrophysiciens des particules qui exploitent le télescope neutrino sous-marin KM3NeT (Cubic Kilometre Neutrino Telescope) ont observé le neutrino le plus énergétique jamais observé. La particule, qui provient probablement d'une galaxie lointaine, a été détectée il y a pile deux ans, le 13 février 2023, mais les chercheurs n'ont remarqué la détection qu'au début de l'année 2024, lorsqu'ils ont terminé la première analyse de leurs données après la première mise en route du réseau de photomultiplicateurs. L'année dernière, lors d'une conférence à Milan, ils avaient annoncé qu'il s'agissait d'un événement potentiellement record, mais n’avaient pas divulgué de détails. C’est aujourd’hui chose faite dans Nature, évidemment.

On le rappelle, les neutrinos sont des particules électriquement neutres de la famille des leptons, plus d'un million de fois plus légères qu'un électron. Ils sont généralement produits lors de réactions nucléaires telles que celles qui ont lieu au centre du Soleil, d'où ils émergent avec des énergies de l'ordre du mégaélectronvolt (MeV).

Mais depuis plus de dix ans, les chercheurs détectent des neutrinos d'une énergie sans précédent, notamment avec IceCube en Antarctique, pouvant atteindre plusieurs pétaélectronvolt (PeV, 1015 eV), qui proviendraient de galaxies lointaines. Électriquement neutres et interagissant uniquement par le biais de l'interaction faible, les neutrinos ne sont pas déviés par les champs magnétiques et sont rarement absorbés par la matière interstellaire : leur direction indique que leur origine cosmique pourrait se situer aux confins de l'Univers. Rappelons aussi que la particule la plus énergétique jamais détectée, avec 320 000 PeV, n'était pas un neutrino, mais une particule chargée massive (surnommée la particule Oh-My-God).

KM3NeT est constitué de chaînes de détecteurs de lumière sensibles ancrés au fond de la mer à une profondeur d'environ 3 500 mètres au large de la côte de Sicile (le réseau ARCA), ainsi que dans un second réseau plus petit près de Toulon à 2400 m de profondeur (ORCA). Ces photomultiplicateurs captent la lumière émise par des particules chargées électriquement et à haute énergie, telles que les muons qui sont produits lorsque des neutrinos interagissent avec l’eau ou la croûte terrestre.

Les muons de haute énergie peuvent parcourir plusieurs kilomètres dans l'eau de mer avant d'être absorbés. Ces muons perdent de l'énergie au cours de leur propagation, principalement en raison de processus radiatifs stochastiques tels que le rayonnement de freinage (bremsstrahlung), la production de paires et les réactions photonucléaires. La perte d'énergie moyenne par unité de longueur de trajet est proportionnelle à l'énergie du muon. Les cascades électromagnétiques résultent de ces pertes d'énergie stochastiques et le nombre de particules chargées secondaires qui produisent un rayonnement Cherenkov dans les cascades est proportionnel à la quantité d'énergie perdue par le muon au cours du processus. Le temps d'arrivée enregistré et le temps de dépassement du seuil des signaux sur les photomultiplicateurs sont utilisés pour reconstruire la direction et l'énergie du muon.

Bien que les neutrinos atmosphériques soient plus abondants à des énergies plus basses (≈TeV), les neutrinos cosmiques devraient devenir dominants à des énergies supérieures à 100 TeV. L'énergie des neutrinos est donc un paramètre crucial pour établir une origine cosmique. La collaboration IceCube a annoncé la découverte de neutrinos cosmiques de l’ordre du PeV en 2013. Les neutrinos les plus énergétiques rapportés à ce jour sont un antineutrino électronique de 6,05 ± 0,72 PeV observé à l'énergie de la résonance de Glashow et un neutrino muonique de plus de 10 PeV issu de l'observation d'un muon de 4,4 PeV.

Les chercheurs de la collaboration KM3NeT ont évalué l’énergie primaire de l'événement du 13 février 2023 : le muon transportait une énergie de 120 (+110 /-60) PeV. La trajectoire de la particule était proche de l'horizontale par rapport à la surface de la Terre et s'est dirigée vers l'est, en direction de la Grèce, plus précisément avec un angle de 0.6° au-dessus de l’horizon et un azimuth de 259.8°. L’incertitude sur la direction est estimée à 1.5°, dominée par l’incertitude systématique sur l’orientation absolue du détecteur. Ce neutrino hors norme a été baptisé KM3-230213A.

Les chercheurs expliquent que des neutrinos atmosphériques pourraient atteindre le détecteur, mais leur nombre diminue considérablement au-dessus des énergies de l’ordre du PeV. Le taux attendu de neutrinos atmosphériques au-dessus de 100 PeV est de l'ordre de 1 à 5 × 10-5 événements par an, dominé par la composante atmosphérique rapide due à la désintégration des hadrons à courte durée de vie provenant des interactions avec les rayons cosmiques dans l'atmosphère. La probabilité que KM3-230213A soit d'origine cosmique est beaucoup plus grande que n'importe quelle hypothèse impliquant une origine atmosphérique, selon les chercheurs. Les hypothèses au-delà du modèle standard sur son origine n'ont pas été examinées par les auteurs.

L'énergie du muon qui est mesurée sert donc de limite inférieure à l'énergie du neutrino entrant. Compte tenu de l'énergie estimée du muon et de son incertitude, l'énergie médiane du neutrino qui produit un tel muon dans les simulations du détecteur ARCA est de 220 PeV 68% des événements simulés sur l'ensemble du ciel se situent dans la gamme d'énergie entre 110 et 790 PeV  (et 90% sur une plage plus large entre 72 PeV et 2,6 EeV), en supposant que le spectre d'énergie des neutrinos entrants varie comme l’inverse de l’énergie  au carré.


Un flux isotrope de neutrinos à des énergies très élevées donnerait effectivement lieu à des événements détectés près de l'horizon : les neutrinos descendants sont cachés dans un arrière-plan écrasant de muons atmosphériques, tandis que le flux de neutrinos ascendants est sévèrement supprimé, parce que les neutrinos d'énergies aussi importantes interagiraient dans la Terre. La direction d'arrivée de KM3-230213A correspond donc à ce scénario.

Compte tenu de l'énergie très élevée de la particule et de sa trajectoire quasi horizontale, les chercheurs concluent ainsi que le muon n'était très probablement pas produit par des rayons cosmiques, mais par un neutrino, un neutrino qui serait donc plus de 20 fois plus énergétique que tous ceux observés jusqu'à présent (le record précédent était d’environ 10 PeV).

On ne sait pas encore avec certitude d'où proviennent les neutrinos de très haute énergie, mais les possibilités vont des trous noirs supermassifs aux explosions stellaires produisant des sursauts gamma. On s'attend également à ce que certains neutrinos soient créés dans le milieu interstellaire lorsque des protons entrent en collision avec les photons du fond diffus cosmologique (photons dans le domaine des micro-ondes).

Lorsque KM3NeT a observé le neutrino record, il disposait de 21 chaînes de détecteurs. Depuis, l'équipe en a déployé 12 de plus, augmentant ainsi le nombre d'événements que le télescope peut détecter et la précision de ses données. À ce jour, les physiciens disposent d'un financement suffisant pour porter le nombre de chaînes de détecteurs à 120, et ils espèrent atteindre un total de 230 pour ARCA et 115 pour ORCA.

Le premier télescope à neutrinos suffisamment grand pour détecter les neutrinos cosmiques a été l'observatoire de neutrinos IceCube, situé sous le pôle Sud géographique en Antarctique. Après plus d'une décennie d'observations, IceCube a donné lieu à plusieurs analyses qui ont permis d'accumuler des preuves solides de l'existence des neutrinos cosmiques. IceCube a également détecté des preuves d'émission de neutrinos dans notre propre galaxie et dans plusieurs jeunes galaxies à formation d'étoiles, ce qui constitue des sources astrophysiques plausibles pour près de 15 % des signaux de neutrinos cosmiques observés. Le reste du flux de neutrinos cosmiques reste d'origine inconnue.

Le neutrino, baptisé KM3-230213A, est une découverte remarquable. Il existe une probabilité de 0,5 % que le sous réseau ARCA de KM3NeT ait pu observer un neutrino avec une telle énergie, une chance infime, mais plausible.

Comme l'énergie de cet événement est beaucoup plus élevée que celle de tous les neutrinos détectés jusqu'à présent, selon les chercheurs, cela suggère que le neutrino pourrait provenir d'un accélérateur cosmique différent des neutrinos de plus basse énergie, ou qu'il pourrait s'agir de la première détection d'un neutrino cosmogénique, résultant des interactions entre les rayons cosmiques de très haute énergie et les photons de fond dans l'Univers.

En tous cas, les tentatives des chercheurs de la collaboration internationale pour trouver des sources potentielles de KM3-230213A dans les catalogues d'objets astrophysiques connus n'ont pas donné de résultats concluants. Mais cela n'est pas surprenant, étant donné l'erreur substantielle associée à l'estimation de la direction de la particule par les auteurs ; plusieurs sources astrophysiques connues se situent dans les limites de cette erreur. Il faut savoir que de nombreuses détections de neutrinos cosmiques ne présentent pas de fortes corrélations avec des objets catalogués, ce qui indique peut-être des populations de sources très éloignées ou un type d'objet astrophysique qui n'a pas encore été découvert.

KM3-230213A est finalement arrivé très tôt dans la construction de KM3NeT, alors même que la compréhension du détecteur est encore en cours, tout comme les méthodes de reconstruction des événements qu'il observe. L'erreur mesurée sur la direction de l'événement montre une performance encore inférieure aux performances attendues des télescopes à neutrinos à base d'eau. La fin du déploiement prévue des réseaux ORCA et ARCA de KM3NeT réduira considérablement l'incertitude associée à la détermination de la direction des neutrinos détectés dans le futur, ce qui, combiné à des estimations d'énergie plus sophistiquées et aux signaux provenant des autres télescopes à neutrinos dans le monde, permettra d'observer d'un œil nouveau les neutrinos astrophysiques.

Même s'il faudra du temps pour comprendre pleinement les origines de KM3-230213A, c’est un message de bienvenue extraordinaire pour KM3NeT. Globalement, la détection d'un neutrino muonique d'une énergie supérieure à 100 PeV apporte la preuve de l'existence de neutrinos de très haute énergie dans la nature.

 

Source

Observation of an ultra-high-energy cosmic neutrino with KM3NeT

The KM3NeT Collaboration

Nature volume 638 (12 février 2025)

https://doi.org/10.1038/s41586-024-08543-1


Illustrations

1. Visualisation de l'événement KM3-230213A dans le réseau de photomultiplicateurs ARCA (KM3NeT Collaboration)

2. Trajectoire du neutrino ultra énergétique détecté par KM3NeT (Aiello, S. et al.) 

3. Mise à l'eau d'un module de détection de KM3NeT (KM3NeT collaboration)

05/02/25

Les microquasars de faible masse sont aussi des sources de rayons cosmiques


Des chercheurs ont trouvé pour la première fois la preuve que même les microquasars contenant une étoile de faible masse sont des accélérateurs de particules efficaces, ce qui a un impact significatif sur l'interprétation de l'abondance des rayons gamma dans notre galaxie et au-delà. Ils publient leur étude dans The Astrophysical Journal Letters.

La production et l'accélération des rayons cosmiques les plus énergétiques (des particules chargées, essentiellement des protons) reste un sujet mal connu en physique des astroparticules. Une accélération très efficace des particules semble se produire dans les jets des microquasars. Mais, jusqu'à présent, ce phénomène n'a été observé que dans de rares systèmes de microquasars de masse élevée. A ce jour, une vingtaine de microquasars ont été identifiés, dont trois seulement ont été détectés avec certitude dans le domaine des rayons gamma de l’ordre du GeV.

Les écoulements de matière en mouvement rapide (ou « jets ») lancés par les trous noirs constitueraient un site idéal pour l'accélération des particules, mais les détails sur la manière et les conditions dans lesquelles les processus d'accélération peuvent se produire ne sont pas clairs. On sait que les jets les plus puissants à l'intérieur de notre galaxie se produisent dans les microquasars, qui sont des systèmes composés d'un trou noir de masse stellaire et d'une étoile « normale ». Les deux objets orbitent l'un autour de l'autre et, lorsqu'ils sont suffisamment proches, le trou noir commence à avaler lentement sa compagne. En conséquence, des jets sont lancés depuis la région proche du trou noir.

Ces dernières années, il est devenu de plus en plus évident que les jets des microquasars sont des accélérateurs de particules efficaces, mais on ne sait pas exactement dans quelle mesure ils contribuent, en tant que groupe, à la quantité totale de rayons cosmiques dans la galaxie. Pour répondre à cette question, il faut savoir si tous les microquasars sont capables d'accélérer les particules ou seulement certains.

Les microquasars sont généralement classés, en fonction de la masse de l'étoile qui les compose, en systèmes de « faible masse » ou de « forte masse », les systèmes de faible masse étant beaucoup plus abondants. Et, jusqu'à présent, les preuves de l'accélération des particules n'ont été trouvées que pour les systèmes de masse élevée. Par exemple, le microquasar SS 433, dont il a été récemment révélé (il y a un an) qu'il était l'un des plus puissants accélérateurs de particules de la galaxie, contient une étoile d'une masse d'environ dix fois la masse du Soleil.

Par conséquent, on pensait généralement que les microquasars de faible masse n'étaient pas assez puissants pour produire des rayons gamma. Guillem Martí-Devesa, de l'Università di Trieste, en Italie et Laura Olivera-Nieto, du Max-Planck-Institut für Kernphysik à Heidelberg, en Allemagne, viennent de faire une découverte qui ébranle ce paradigme. Ils ont utilisé 16 années de données provenant du télescope gamma spatial Fermi LAT de la NASA pour détecter un faible signal de rayons gamma correspondant à la position de GRS 1915+105, un microquasar dont l'étoile est plus petite que le soleil.

Le microquasar GRS 1915+105 a été détecté pour la première fois en tant que source de rayons X par l'instrument WATCH à bord de l'observatoire GRANAT en 1992. Des observations complémentaires avec le Very Large Array et MERLIN en 1999 dans la bande radio ont révélé une contrepartie très variable avec des éjections bilatérales apparemment superluminales. Il s'agissait de la première observation de mouvements relativistes dans un objet situé à l'intérieur de notre galaxie, ce qui impliquait des vitesses intrinsèques pour les éjectas proches de la vitesse de la lumière. Ces résultats avaient établi la présence d'un jet avec une vitesse v ∼ 0,8c et un angle par rapport à la ligne de visée θ ∼ 63°, ce qui faisait du système un microquasar.

Des mesures récentes de parallaxe ont abouti à une estimation de la distance de GRS 1915+105  d = 9,4 ± 0,6 ± 0,8 kpc. La masse du trou noir a fait l'objet de débats, avec une affirmation initiale de 14 M⊙ en 2001, qui a ensuite été révisée à des valeurs plus basses allant de 10 M⊙ en 2013 à 12 M⊙ en 2014 puis 2023.

Le signal gamma que Martí-Devesa et Olivera-Nieto ont mesuré est à des énergies supérieures à 10 GeV, ce qui indique que le système pourrait accélérer des particules à des énergies encore plus élevées. Aucune périodicité ou variabilité n'est trouvée dans la source gamma, ce qui indique une source persistante. Pour les chercheurs, les propriétés de l'émission sont compatibles avec un scénario dans lequel les protons accélérés dans les jets interagissent avec le gaz proche et produisent des rayons gamma. Martí-Devesa et Olivera-Nieto trouvent que si le jet a fonctionné à une moyenne de 1% de la limite d'Eddington pendant 10% du temps que GRS 1915+105 a passé dans son état de transfert de masse, 10% de la puissance disponible transférée aux protons serait suffisants pour atteindre les ∼3 × 1049 erg nécessaires pour expliquer le signal observé de quelques GeV.

Pour arriver à cette conclusion, les astrophysiciens des particules ont également utilisé les données du radiotélescope de 45 mètres de Nobeyama, au Japon, ce qui leur a permis de montrer qu'il y a suffisamment de gaz autour de la source pour que leur scénario soit possible.

Ce résultat montre donc que même les microquasars abritant une étoile de faible masse sont capables d'accélérer les particules. Comme il s'agit de la classe la plus nombreuse dans les microquasars, ce résultat a des implications significatives sur la contribution estimée des microquasars au contenu en rayons cosmiques de notre galaxie.

Dans la conclusion de leur article, Martí-Devesa et Olivera-Nieto précisent que bien qu’ils ne puissent pas totalement écarter une association avec la source de rayons X proche 4XMM J191551.2+105814, beaucoup plus faible, ou bien avec un blazar inconnu qui serait vu à travers le plan galactique, ils notent qu'il n'y a pas de preuve d'une coupure dans le spectre GeV de la source gamma, ce qui suggère que l'émission pourrait s'étendre à des énergies de rayons gamma encore plus élevées. Une détection dans la bande multi-TeV exclurait définitivement une origine extragalactique et confirmerait l'association avec GRS 1915+105, une détection faisable avec des télescopes Cherenkov. La validation ferme que ce microquasar est un émetteur de rayons gamma permettrait d'établir que les binaires X à faible masse sont bien des accélérateurs de particules de haute énergie et de contraindre leur contribution au contenu en rayons cosmiques de notre galaxie.


Source

Persistent GeV Counterpart to the Microquasar GRS 1915+105

Guillem Martí-Devesa and Laura Olivera-Nieto

The Astrophysical Journal Letters, Volume 979, Number 2 (28 january 2025)

https://doi.org/10.3847/2041-8213/ada14f


Illustrations

1. Vue d'artiste d'un microquasar (NASA)

2. Le spectre des rayons cosmiques, la première cassure, le genou (knee) se situe à environ 4 PeV (4. 106 GeV) (Blümer et al.)

3. Guillem Martí-Devesa


30/01/25

Des supernovas et des mutations génétiques


Une équipe d’astrophysiciens a calculé l’impact de la supernova qui a eu lieu à proximité de la Terre il y a 2,5 millions d’années et dont on observe toujours aujourd’hui les traces dans le spectre du rayonnement cosmique et dans les dépôts de fer radioactif dans la croûte terrestre. La dose de radiations a été suffisamment importante et sur une longue durée pour avoir un effet mutagène non négligeable sur les organismes vivants. Ils publient leur étude dans The Astrophysical Journal Letters.

La Terre se trouve à l'intérieur d'une bulle vide de 300 pc de large qui a été creusée par une série d'explosions de supernovas qui se sont produites il y a plusieurs millions d'années, repoussant le gaz interstellaire et créant une structure en forme de bulle.

Les pics temporels de dépôts de 60Fe qui ont été trouvés dans la croûte terrestre des grands fonds marins ont été interprétés comme des empreintes laissées par les éjectas d’explosions de supernovas survenues il y a environ 2,5 et 5,5 millions d'années. Il est probable que le pic de 60Fe situé à environ 2-3 Mégannées dans le passé provienne d'une supernova survenue dans l'association Scorpius Centaurus (à une distance de 140 pc) ou bien dans l'association Tucana-Horologium (à une distance de 70 pc), alors que le pic datant de 5 à 6 Mégannées est plutôt attribué à l'entrée du système solaire dans la bulle.

On sait que la vie sur Terre évolue constamment sous l'effet d'une exposition continue aux rayonnements ionisants d'origine terrestre et cosmique. Alors que la radioactivité de la roche diminue lentement sur des échelles de temps d'un milliard d'années, les niveaux de rayonnement cosmique fluctuent au fur et à mesure que notre système solaire se déplace dans la Voie Lactée. L'activité des supernovas à proximité a le potentiel d'augmenter les niveaux de rayonnement à la surface de la Terre de plusieurs ordres de grandeur, ce qui devrait avoir un impact profond sur l'évolution de la vie. En particulier, on s'attend à ce que les niveaux de rayonnement augmentent lorsque notre système solaire passe à proximité d'associations OB. Les vents associés à ces usines stellaires devraient initialement gonfler des superbulles de plasma chaud, et peuvent être le lieu de naissance d'une grande partie des explosions par effondrement du cœur. Or, il se trouve que le système solaire est entré dans une telle superbulle, communément appelée la Bulle Locale, il y a environ 6 mégannées et réside actuellement près de son centre.

La présence de radioisotopes fraîchement synthétisés détectés près de la surface de la Terre accrédite l'idée que notre système solaire s'est infiltré dans une région très active en supernovas au sein de notre galaxie. La variation temporelle de la concentration de l’isotope radioactif  60Fe (demi-vie de 2,6 millions d’années) dans des sédiments et des régions de la croûte terrestre impose des contraintes strictes sur les positions et les âges des événements de type supernova les plus proches. Il faut se rappeler que la probabilité d'occurrence d'une supernova proche est accrue parce que le système solaire est entré récemment dans la Bulle Locale. On estime que quinze explosions de supernova ont dû avoir lieu pour gonfler la Bulle Locale au cours des 15 derniers millions d'années. La reconstruction de l'histoire de Bulle Locale nous apprend qu'au moins 9 supernovas ont explosé au cours des 6 derniers millions d'années. Cela donne environ une supernova tous les ≈ 660 000 ans à une distance inférieure à 150 pc (490 AL). Ce taux donne environ un événement tous les 50 ans dans notre Galaxie.

Caitlyn Nojiri (université de Californie) et ses collaborateurs ont combiné les résultats récents sur les propriétés de la Bulle Locale et la détection de 60Fe dans les sédiments marins profonds pour prédire le flux de rayons cosmiques attendu d'une supernova à effondrement du coeur proche de la Terre. Ils parviennent à montrer qu'une source locale unique de type PeVatron, provenant probablement des associations stellaires Scorpius-Centaurus ou Tucana-Horologium, a été responsable de la production de la majeure partie du pic de 60Fe fraîchement synthétisé il y a 2,5 mégannées. Ils calculent ensuite le flux de rayons cosmiques associé. Leur résultat est renforcé par des mesures récentes du spectre des rayons cosmiques, ainsi que de sa composition et de son anisotropie à grande échelle. Leur objectif final est de fournir une estimation robuste des variations temporelles des doses de rayonnement cosmique subies par les habitants de la Terre, en utilisant toutes les contraintes observationnelles disponibles.

Les chercheurs montrent que la supernova responsable de la synthèse des dépôts de 60Fe il y a environ 2 à 3 Mégannées peut expliquer de façon cohérente le spectre actuel des rayons cosmiques et leur anisotropie à grande échelle entre 100 TeV et 100 PeV. Le « genou » qui est observé dans le spectre pourrait selon eux être attribué entièrement à une seule source proche. La correspondance entre l'intensité et la forme du spectre des rayons cosmiques permet d'imposer des contraintes strictes sur le contenu énergétique des rayons cosmiques provenant de la supernova ainsi que sur le coefficient de diffusion des rayons cosmiques. En utilisant ces contraintes, Nojiri et ses coauteurs fournissent une estimation robuste de la variation temporelle des niveaux de rayonnements cosmiques ionisants sur Terre.

Pour arriver à leur résultat, les astrophysiciens ont ajusté la région du genou du spectre des rayons cosmiques, avec un spectre plus difficile à ajuster aux données que dans les études précédentes sur le même sujet (avec un indice spectral α = 1.6-1.7), et une énergie dans les rayons cosmiques N0 ≈ 1049 erg pour un coefficient de diffusion D0 = 1027 cm2 s-1 (ou bien N0 ≈ 1050 erg pour D0 = 1028 cm2 s-1, respectivement), ce qui est similaire à la luminosité γ dans les restes de supernovas, et un seuil de rigidité à 5 PV (pour capturer efficacement le genou).

Dans leur modèle, le « genou » dans le spectre des rayons cosmiques, qui est dû à une supernova proche, est donc une structure éphémère. Cette structure est essentielle pour imposer des contraintes strictes sur le contenu énergétique des rayons cosmiques du PeVatron ainsi que sur le coefficient de diffusion des rayons cosmiques. Les chercheurs peuvent même faire des prédictions : ils prévoient que l'anisotropie dans la gamme du PeV devrait être dans la direction de l'une des associations stellaires proches qui est responsable de l'hébergement de la supernova proche. Ils prévoient également que la direction et l'amplitude de l'anisotropie des rayons cosmiques ne devraient pas changer entre 100 TeV et 100 PeV, car c'est à cette énergie que commence la transition entre le galactique et l’extragalactique.

Ensuite, pour calculer les doses qui sont reçues sur Terre, les chercheurs prennent en compte que la forme spectrale varie avec le temps. Ils arrivent à des doses moyennes de 10 mGy an-1 pendant les 10 000 premières années après l'explosion d'une supernova dans Tucana-Horlogium et ≈ 2 mGy an-1 si elle était située dans Scorpius-Centaurus, en supposant que le coefficient de diffusion des rayons cosmiques est D0 = 1027 cm2 s-1. Pour D0 = 1028 cm2 s-1, on l’a vu, il faut un contenu énergétique plus important dans les rayons cosmiques pour décrire efficacement les observations, typiquement autour de 1050 erg. C’est plus en accord avec les modèles d'accélération des rayons cosmiques où environ 10% de l'énergie du choc est transférée dans l'énergie des particules accélérées formant le rayonnement cosmique. Dans ce cas, la dose moyenne calculée est d’environ 100 mGy an-1 pendant les 10 000 premières années après l'explosion d'une supernova dans Tuc-Hor et de 30 mGy an-1 si elle était située dans Sco-Cen.

Les effets biologiques de telles doses de rayonnement peuvent être important, d’autant plus que ces niveaux auraient persisté sur des milliers d’années et donc sur beaucoup de générations successives. L'étude des populations vivant au Kerala, en Inde, la zone la plus radioactive sur Terre, où le niveau de rayonnement naturel de fond varie jusqu’à 45 mGy par an, a montré qu’une dose moyenne de 5 mGy par an pourrait être la dose seuil pour l'induction de cassures double brin de l’ADN (V. Jain et al. 2016). Les cassures double-brin de l'ADN peuvent potentiellement entraîner des mutations et des sauts dans la diversification des espèces. En outre, Costa et al. ont montré en 2024 que le taux de diversification des virus dans le lac Tanganyika, en Afrique, s'est accéléré il y a 2 à 3 millions d'années… Curieuse coïncidence. Il serait intéressant de mieux comprendre ça peut être attribué à l'augmentation de la dose de rayonnement cosmique qui est calculée par Nojiri et ses collaborateurs.

Les chercheurs précisent en conclusion que la dose calculée induite par une supernova se produisant dans Tuc-Hor, dont les propriétés peuvent expliquer le pic de concentration de 60Fe il y a 2,5 Mégannées et décrire le spectre et la composition des rayons cosmiques dans la région du genou, n'induirait certainement pas une extinction de masse (en même temps, on s’en serait rendus compte en paléontologie…), mais elle pourrait entraîner une réelle diversification des espèces par le biais d'une augmentation du taux de mutation.

À titre de comparaison, ils calculent quelle serait la dose reçue pour une supernova se produisant à une distance de seulement 10 pc (32,6 AL), (en considérant le même taux que précédemment, ce qui donne un événement environ tous les 150 mégannées), et en supposant un coefficient de diffusion de 1027 cm2 s-1 et une énergie totale de 1049 erg dans les rayons cosmiques. Ils arrivent à une valeur moyenne d'environ 500 mGy an-1 (moyenne sur les 10 000 premières années).

Une supernova située à 200 pc (ce qui correspond à peu près à la distance de Bételgeuse) augmenterait la dose de rayonnement cosmique entre 1 mGy an-1 et 30 mGy an-1, en fonction du coefficient de diffusion local. Dans le premier cas, l’impact ne serait pas très important, mais dans le second cas (D0 = 1028 cm2 s-1), la dose reçue sur Terre aurait un effet bien plus important sur les animaux et les plantes. Et  Nojiri et al. précisent que la valeur de D0 qui a été utilisée dans les études antérieures est plutôt un peu supérieure à 1028 cm2 s-1 (M. Kachelrieß et al. 2018 ; N. de Séréville et al. 2024).

Pour les chercheurs, il est donc important de pouvoir mieux comprendre la structure de notre turbulence magnétique locale et de mieux contraindre la valeur du coefficient de diffusion local pour mieux estimer les flux de rayons cosmiques et donc les doses de rayonnement reçues sur Terre.

Pour les chercheurs, il est en tout cas certain que le rayonnement cosmique est un facteur environnemental clé dans l'évaluation de la viabilité et de l'évolution de la vie sur Terre, et la question cruciale concerne le seuil à partir duquel le rayonnement est un déclencheur favorable ou nuisible dans l'évolution des espèces. Le seuil exact ne peut être établi qu'avec une compréhension claire des effets biologiques du rayonnement cosmique, en particulier les muons qui dominent au niveau du sol, ce qui reste encore très peu exploré aujourd’hui.

 

Source

Life in the Bubble: How a Nearby Supernova Left Ephemeral Footprints on the Cosmic-Ray Spectrum and Indelible Imprints on Life

Caitlyn Nojiri et al.

The Astrophysical Journal Letters, Volume 979, Number 1 (17 january 2025)

https://doi.org/10.3847/2041-8213/ada27a


Illustrations

1. Diagramme donnant la dose reçue sur Terre par an entre 10000 et 100000 ans après l'explosion de supernova en fonction de la distance de la supernova pour différentes valeurs des paramètres du modèle (Caitlyn Nojiri et al.)

2. Caitlyn Nojiri


24/01/25

Découverte d'une troisième radiogalaxie géante avec MeerKAT

Des astronomes viennent de publier la découverte d’une nouvelle radiogalaxie géante qui arbore des jets de plasma 32 fois plus grands que la taille de notre galaxie. Elle a été nommé « Inkathazo », qui signifie ‘problème’ en Xhosa et en Zulu, tant il est difficile de comprendre cet objet avec la physique dont on dispose. La découverte est publiée dans Monthly Notices of the Royal Astronomical Society.


3,3 millions d'années-lumière d'un bout à l'autre (1,29 Mpc), c’est la longueur de cette radiogalaxie que Kathleen Charlton (université de Cape Town) et ses collaborateurs ont mesurée avec des observations du radiotélescope MeerKAT.

Les radiogalaxies ne sont pas à proprement parler des galaxies. Certes, il y a bien une galaxie au centre de l’objet, mais ce qu’on dénomme « radiogalaxie », c’est l’ensemble de l’émission radio qui est associée à cette galaxie centrale. L’étendue qui peut être considérable est avant tout peuplée de plasma ionisé (électrons et protons), baignant dans un champ magnétique. Les radiogalaxies géantes (RGG) présentent des jets et des lobes de plasma synchrotron qui s'étendent sur plus de 700 kpc en longueur linéaire projetée. Leurs jets et lobes relativistes étendus peuvent jouer un rôle important dans l'évolution de leur galaxie hôte et de son environnement via la rétroaction des noyaux actifs de galaxie en mode jet. Dans ce mode de rétroaction, les jets de plasma des AGN se déplacent dans le milieu interstellaire, perturbant et chauffant le gaz environnant. On pense que cela empêche le refroidissement du gaz et stoppe l'accrétion sur le trou noir supermassif, stoppant ainsi sa croissance. Dans les RGG, en raison de la taille des jets, ce processus s'étend plus loin dans le milieu intergalactique et le milieu inter-amas. Ainsi, les RGGs pourraient être des sondes idéales de l'impact de l'activité des AGNs sur le milieu intergalactique et pourraient fournir des informations sur la nature de l'environnement lui-même.

Jusqu'à récemment, on pensait que les RGG étaient assez rares. Mais, une nouvelle génération de radiotélescopes, comme MeerKAT en Afrique du Sud, a renversé cette idée. La plupart des radiogalaxies géantes connues ont été découvertes à des latitudes boréales par des télescopes européens, tandis que le ciel austral restait relativement inexploré en ce qui concerne ces objets géants. Inkathazo est la troisième RGG repérée dans un petit coin de ciel, de la taille de cinq pleines lunes, que les radioastronomes appellent COSMOS. Les deux premières ont été observées avec MeerKAT en 2021. Le fait que les chercheurs ont dévoilé trois RGG en pointant MeerKAT sur une seule parcelle de ciel montre qu'il existe probablement une énorme quantité de RGG non découvertes dans le ciel austral.

Et Inkathazo  (alias MGTC J100022.85+031520.4 ou GRG3) ne présente pas les mêmes caractéristiques que beaucoup d'autres radiogalaxies géantes. Par exemple, les jets de plasma ont une forme inhabituelle : au lieu de s'étendre en ligne droite d'un bout à l'autre, l'un des jets est courbé. Inkathazo vit également au cœur d'un amas de galaxies, plutôt que dans un isolement relatif. Sa galaxie centrale est même la galaxie la plus brillante de l’amas. Normalement, cela devrait empêcher les jets de plasma d'atteindre des tailles aussi énormes.

Charlton et ses collaborateurs estiment que la découverte d'une galaxie géante dans l'environnement d'un amas soulève des questions sur le rôle des interactions environnementales dans la formation et l'évolution de ces galaxies géantes. Pour tenter de mieux comprendre cette énigme, les chercheurs ont tiré parti des capacités exceptionnelles de MeerKAT pour créer ce qu’on appelle des cartes d'âge spectral à la plus haute résolution jamais réalisées pour les RGG. Ces cartes permettent de suivre l'âge du plasma dans différentes parties de la radiogalaxie, ce qui donne des indices sur les processus physiques à l'œuvre.

Les chercheurs montrent que la distribution des âges au sein des RGGs permet d’illuster l'histoire de leur évolution. Les deux premières RGGs, qu’ils ont également observées, ont pu croître dans des environnements relativement isolés et présentent donc la distribution d'âge attendue, avec l'âge le plus jeune dans le noyau et le plus vieux dans les lobes. Mais GRG3 (Inkathazo), elle, montre plus de complexité, probablement parce qu'elle se trouve dans un environnement d'amas plus dense et qu'elle a plus d'interactions avec son environnement.


D'un point de vue dynamique, Inkathazo correspond à une galaxie avec une puissance de jet de 1036 W qui serait âgée de 950 Mégannées, alors que GRGs 1 et 2 correspondent à des galaxies âgées de 800 et 700 Mégannées avec des puissances de jet de 1038 W. Ces âges sont plusieurs fois plus grands que les estimations qui sont faites à partir des spectres, ce qui indique selon les chercheurs qu'il y a des processus qui ne sont pas pris en compte dans les estimations spectrales ou dynamiques de l'âge.

Cette étude démontre donc les diverses limitations des calculs de l'âge spectral et les divergences entre les âges spectraux et les âges dynamiques. Mais elle montre également que les âges relatifs déterminés par le vieillissement spectral sont utiles pour déterminer la dynamique et l'évolution des RGGs grâce à la distribution des âges des électrons dans l'ensemble d’une radiogalaxie.

Les résultats révèlent en outre des complexités intrigantes dans les jets d'Inkathazo, certains électrons semblant recevoir des « poussées » inattendues. Les chercheurs pensent que cela peut se produire lorsque les jets entrent en collision avec du gaz chaud dans les vides entre les galaxies d'un amas. Les résultats suggèrent que nous ne comprenons pas encore la majeure partie de la physique complexe des plasmas qui est en jeu dans ces galaxies extrêmes.

 

Source

A spatially resolved spectral analysis of giant radio galaxies with MeerKAT

Kathleen Charlton et al.

Monthly Notices of the Royal Astronomical Society, Volume 537, Issue 1, February 2025,

https://doi.org/10.1093/mnras/stae2543

 

Illustration

1. La radiogalaxie Inkathazo  (alias MGTC J100022.85+031520.4) (Kathleen Charlton et al.)

2. Kathleen Charlton


19/01/25

L'amas de Coma renforce encore la tension de Hubble


Il y a quelques mois, la collaboration DESI (Dark Energy Spectroscopic Instrument) a mesuré une relation étroite entre la constante de Hubble-Lemaître (H0) et la distance à l'amas de galaxies de Coma, en utilisant la relation dite du plan fondamental (FP) sur l'échantillon le plus profond et le plus homogène de galaxies de type précoce. A partir de cette relation indépendante du modèle cosmologique, on peut déterminer une valeur de H0 si on mesure la distance de l'amas de Coma. Inversement, en considérant une certaine valeur de H0, on peut en déduire la distance de l'amas et la comparer avec des valeurs obtenues autrement, de quoi tester la tension existante sur la constante de Hubble-Lemaître. Une équipe d'astrophysiciens vient de faire ce test en mesurant pour la première fois la distance de l'amas de Coma grâce à 13 supernovas de type Ia, des chandelles standard. La distance qu'ils obtiennent mène à une valeur de H0 de 
76,5 ± 2,2 km s-1.Mpc-1, renforçant encore la tension sur le taux d'expansion actuel de l'Univers, et le besoin de réviser le modèle standard.

La « tension de Hubble » fait référence à l'écart qui est observé dans la valeur de la constante de Hubble-Lemaître, H0, entre plusieurs mesures de distance locale et de décalages vers le rouge (regroupées autour de H0 ~ 73 km s-1.Mpc-1) par rapport à la valeur déduite des mesures du fond diffus cosmologique et le modèle standard de la cosmologie ΛCDM (trouvée autour de H0 ~ 67,5 km s-1.Mpc-1). Comme il n'existe pas encore de théorie acceptée de nouvelle physique pour expliquer cet écart, on est toujours en train d'élaborer de nouvelles méthodes de mesures indépendantes pour mieux caractériser ce phénomène.

Il y a quelques mois, la collaboration Dark Energy Spectroscopic Instrument (DESI) (K. Said et al. 2024) a déterminé la relation du plan fondamental (FP) de l'échantillon le plus profond et le plus homogène de galaxies de type précoce dans l'amas de Coma (DESI Collaboration et al. 2024 ), ce qui permet de relier la distance et la valeur de H0. Ce qu'on appelle la relation FP, c'est une relation connue depuis 1987 pour les galaxies de type précoce entre leur dispersion de vitesse, leur luminosité de surface et leur rayon apparent, qui ajoute un paramètre et resserre la relation de Faber-Jackson de 1976 entre leur vitesse et leur luminosité. La mesure de la collaboration DESI consiste en des décalages vers le rouge et des distances FP non étalonnées pour 4191 galaxies de type précoce dans le flux de Hubble et 226 distances FP de ce type au sein de l'amas de Coma. DESI a mesuré le flux de Hubble pour des redshifts compris entre  0,023 et 0,1, et Coma ne leur sert que de lieu de référence, riche en galaxies de type précoce, où les distances FP non étalonnées peuvent être ensuite étalonnées à partir de la connaissance de la distance réelle de l'amas de Coma. Avec la distance de Coma qu'ils ont utilisée, les astrophysiciens de DESI trouvaient H0 = 76,05 ± 0,35 (statistique) ± 0,49 (FP systématique) ± 4,86 ​​(étalonnage FP) km.s-1.Mpc-1.

L'estimation de H0  à partir de la relation FP de DESI dépend bien sûr de la connaissance de la distance réelle de Coma. Les chercheurs de DESI l'ont estimée à partir d'une mesure de fluctuation de luminosité de surface d'une galaxie de Coma qui a été faite en 2021, à DComa  = 99,1 ± 5,8 Mpc. L'incertitude totale de la mesure de DESI sur Hest modeste à ±1,3 km.s-1.Mpc-1 (elle est dominée par la mesure de la relation FP sur 226 galaxies de Coma). L'incertitude dans l'estimation de Hpar DESI est vraiment dominée par la connaissance de la distance à Coma.

En voyant cela, Daniel Scolnic (Duke University) et ses collaborateurs, dont le nobélisé Adam Riess,  on cherché à améliorer cette incertitude en remesurant la distance à Coma avec cette fois un nouvel échantillon d'une douzaine de supernovas de type Ia dans l'amas et en exploitant d'autres mesures de distance du télescope spatial Hubble et du télescope spatial James Webb pour améliorer la contrainte sur H0.

Il faut dire que Coma a une longue histoire de mesures de distance à partir des objets qu'il contient. Une compilation historique des mesures de distance a été présentée en 2020 on y retrouve l'utilisation de diverses méthodes, qui donnent une moyenne pour la valeur de distance de Coma d'environ 95 Mpc. Le HST Key Project a par exemple étalonné la relation FP dans des amas proches (Virgo, Fornax et Leo I) et Coma, ce qui a donné une distance mesurée de 86 ± 8 Mpc. L'amas de Coma est trop éloigné pour utiliser directement des indicateurs de distance primaires (c'est-à-dire les Céphéides, les étoiles de la pointe de la branche des géantes rouges (TRGB), les Miras, les étoiles de la branche des géantes asymptotiques de la région J (JAGB), ou les étoiles supergéantes bleues). En revanche il est riche en galaxies de type précoce, qui sont des cibles idéales pour les méthodes basée sur la fluctuation de luminosité ou basées sur les galaxies comme la relation FP.

Et les supernovas Ia offrent un outil particulièrement efficace pour calibrer la distance de l'amas de Coma. Avec des taux canoniques d'une supernova par galaxie tous les 100 ans, on peut s'attendre à ce que de l'ordre d'une dizaine de supernovas dans Coma aient été découverts par diverses études au cours de la dernière décennie. L'effort le plus récent pour collecter des supernovas Ia dans Coma provient d'une étude de 1990 (M. Capaccioli et al. 1990 ), qui a rassemblé cinq supernovas Ia des années 1960 et 1970 remontant aux travaux de Fritz Zwicky en 1961. Malheureusement, la qualité de ces données selon les normes modernes est assez médiocre. Une mesure précise de la distance nécessite plusieurs supernovas Ia dont les courbes de lumière et les spectres respectent la qualité contemporaine des systèmes photométriques bien caractérisés. Jusqu'à la dernière décennie, Coma n'était pas continuellement recherchée pour des phénomènes transitoires, de sorte que de nombreuses supernovas Ia passées auraient été manquées. La compilation Pantheon+ de 2022 ne contient que deux supernovas Ia situées dans Coma. Par contre, des relevés récents comme l'Asteroid Terrestrial-impact Last Alert System (ATLAS) et le Zwicky Transient Facility (ZTF) ont couvert de grandes fractions du ciel incluant la zone de l'amas de Coma et il se trouve que les requêtes de leurs bases de données indiquent qu'ils ont trouvé plus de 10 supernovas Ia autour de Coma au cours des dernières années.

Scolnic et ses collaborateurs ont donc utilisé les courbes de lumière de ces supernovas pour mesurer une distance précise de Coma en se basant sur les étalonnages de la luminosité absolue des supernovas Ia. Daniel Scolnic et ses collaborateurs parviennent à mesurer la distance la plus précise de Coma à partir de 13 supernovas de type Ia dans l'amas. Leur étalonnage de la magnitude absolue des supernovas Ia avec l'échelle de distance déterminée avec le télescope Hubble leur donne une distance DComa = 98,5 ± 2,2 Mpc, la valeur de distance la plus précise à ce jour et une valeur très proche de celle obtenue par la collaboration DESI, et qui est tout à fait cohérente avec la valeur canonique comprise entre 95 et 100 Mpc. Et donc, en appliquant ensuite la relation FP de DESI, cette distance donne H0  = 76,5 ± 2,2 km s-1.Mpc-1

L'inversion de la relation FP en l'étalonnant sur la valeur de H0 de Planck+ΛCDM (67,4 km km s-1.Mpc-1) implique une distance beaucoup plus grande : DComa  = 111,8 ± 1,8 Mpc, ce qui est 4,6 σ au-delà de la  mesure directe. Indépendamment des supernovas, la relation FP du projet HST Key telle que calibrée par les Céphéides, la pointe de la branche des géantes rouges (avec le JWST) ou les fluctuations de luminosité de surface dans le proche infrarouge (avec le HST) donnent toutes une distance D Coma  < 100 Mpc...

Selon les chercheurs, à partir d'un large éventail d'estimations de distance compilées depuis 1990, il est difficile de voir comment l'amas de Coma pourrait être situé aussi loin que la prédiction issue de la valeur de Hde Planck+ΛCDM, supérieure à 110 Mpc. En étendant le diagramme de Hubble à Coma, qui est un endroit bien étudié dans notre voisinage dont la distance était en bon accord bien avant la tension de Hubble, DESI indique donc un conflit plus marqué entre notre connaissance des distances locales et ce que prédit le modèle cosmologique. Cette surtension est confirmée par cette nouvelle étude qui fournit une nouvelle valeur de distance indépendante. 

Alternativement, Scolnic et ses collaborateurs se sont amusés à combiner les mesures de distance locale non corrélées à Coma avec la mesure de DESI, et ils trouvent H0  = 76,9 ± 2,0 km s-1.Mpc-1 , soit 4,6 σ au delà de la valeur de Planck issue du CMB avec le modèle cosmologique standard. Cette nouvelle voie de mesure, le diagramme de Hubble par la distance de Coma et avec  DESI, offre ainsi un autre point de vue sur la tension de Hubble, observée ici à partir d'une gamme encore plus large d'indicateurs de distance locale, et indépendante des supernovas Ia mesurant le flux de Hubble. 

Il n'y a plus qu'à attendre encore un peu les futurs programmes qui affineront la distance de l'amas de  Coma et d'autres plus proches pour aider à éclairer cette nouvelle fenêtre locale sur la tension de Hubble. Scolnic et ses collaborateurs précisent en conclusion qu'il existe de bonnes perspectives d'amélioration de leur résultat à court terme. Les programmes JWST à venir ont par exemple ciblé Coma pour des mesures intensives au cours du cycle 3 (2025). De plus, un suivi spectroscopique et photométrique dédié des supernovas dans l'amas de Coma pourrait facilement améliorer le résultat actuel. Il est probable que d'ici quelques années, l'incertitude sur H0 via une échelle de distance basée sur Coma ne sera pas dominée par les incertitudes des mesures au sein de l'amas mais plutôt par l'étalonnage de ces mesures ailleurs dans cette nouvelle échelle de distance.

La tension de Hubble n'a jamais été aussi tendue. Combien de temps encore tiendra la théorie sous-jacente du modèle standard face aux observations ?


Source

The Hubble Tension in Our Own Backyard: DESI and the Nearness of the Coma Cluster

Daniel Scolnic et al.

The Astrophysical Journal Letters, Volume 979, Number 1 (15 january 2025)

http://doi.org/10.3847/2041-8213/ada0bd


Illustration

1. Localisation des supernovas utilisées dans l'amas de Coma

2. Daniel Scolnic


16/01/25

Observations de la naissance d'étoiles massives dans le Grand Nuage de Magellan


Une équipe d'astronomes a fait une découverte sur la formation des jeunes étoiles dans le Grand Nuage de Magellan, en utilisant le télescope spatial Webb et le Grand Réseau Millimétrique/Submillimétrique ALMA. Leur étude, publiée dans 
The Astrophysical Journal, donne un nouvel aperçu des premiers stades de la formation d'étoiles massives en dehors de notre galaxie.

La formation d'étoiles massives joue un rôle essentiel en influençant la chimie et la structure du milieu interstellaire. La formation des étoiles se déroule dans des amas, les étoiles massives dominant la luminosité de l'ensemble. Aux premiers stades de leur formation, les vents à grande vitesse provenant des flux et des jets peuvent chauffer et comprimer le gaz environnant. Cela peut ensuite déclencher ou éteindre une nouvelle formation d'étoiles, en fonction de la distribution de densité du gaz comprimé. Et aux stades ultérieurs, le rayonnement ultraviolet de ces étoiles massives ionise le milieu interstellaire environnant. 

Il y a 6 à 7 milliards d’années, les superamas d’étoiles étaient le principal moyen de formation des étoiles, produisant des centaines de nouvelles étoiles par an dans notre galaxie. Ce type de formation d’étoiles est en déclin, et les superamas d’étoiles sont très rares dans notre Univers local. On ne connaît aujourd’hui que deux superamas d’étoiles dans la Voie Lactée et un dans le LMC, tous deux vieux de plusieurs millions d’années. Ochsendorf et al. ont étudié en 2017 les jeunes objets stellaires (ce qu'on appelle des YSO : Young Stellar Objects) dans le LMC en utilisant la photométrie avec les télescopes spatiaux Spitzer et Herschel et ils ont trouvé deux principales régions de formation d'étoiles : la première est 30 Doradus, l'hôte du superamas d'étoiles R136, et la seconde est N79, hôte du candidat superamas H72.97-69.39, qui serait âgé d'à peine 100 000 ans. On sait que 30 Doradus a connu quatre épisodes de formation d'étoiles au cours des 25 derniers millions d'années, tandis que N79 est en train d'intensifier son activité de formation d'étoiles et pourrait un jour rivaliser avec le taux de formation d'étoiles et la luminosité élevée de 30 Doradus.

Le LMC est une galaxie satellite de notre Voie Lactée, et est situé à près de 160 000 années-lumière de la Terre. Cette distance relativement proche et son orientation face en font un laboratoire idéal pour étudier la formation d’étoiles extragalactiques. Omnarayani Nayak et ses collaborateurs ont utilisé l’instrument MIRI (Mid-Infrared Instrument) de Webb pour observer 11 YSO isolés dans la région N79 du LMC pour mieux comprendre l'effet des vents stellaires à grande vitesse, des chocs à faible vitesse des flux sortants, du rayonnement UV, du rayonnement retraité de la poussière et de la pression du gaz ionisé chaud sur le nuage moléculaire géant parental.

Comme l’abondance d’éléments lourds dans le LMC est deux fois moindre que celle de notre système solaire, il montre des conditions de formation d’étoiles similaires à celles qui existaient il y a 6 à 7 milliards d’années dans notre galaxie. Cela donne aux astrophysiciens un aperçu de la manière dont la formation d’étoiles aurait pu se dérouler dans l’univers jeune.

Nayak et ses collaborateurs observent une variété d'YSO à un stade précoce et tardif. Ils ont en particulier examiné en détail les caractéristiques spectrales de six YSO, à savoir les raies d'émission de l' H2 (hydrogène moléculaire), les raies d'émission d'hydrocarbures polyaromatiques (HAP), les raies d'absorption du silicate et celles de glace en phase solide et gazeuse. 

Les raies de H2 dans l'IR moyen proviennent soit du rayonnement UV des étoiles massives, soit de l'excitation collisionnelle due à des chocs chauffant le gaz moléculaire. Les mêmes photons UV entrent en collision avec les molécules de HAP, ce qui conduit à l'excitation de divers modes de flexion et d'étirement et décompose les molécules de HAP de grande taille en molécules plus petites. Les électrons éjectés des molécules de HAP peuvent alors chauffer davantage le gaz local. Une émission de H2 excédentaire par rapport aux raies d'émission de HAP a déjà été observée dans les noyaux galactiques actifs en 2010 et dans des galaxies ultralumineuses en 2006, et on pense qu'elle provient des chocs.

La présence de raies d'absorption de silicate et de glace avec peu ou pas de H2 et des raies d'émission à structure fine, indique des très jeunes protoétoiles intégrées dans leur nuage de gaz natal, où les photons UV de l'étoile centrale n'ont pas encore ionisé le gaz environnant. Les différentes raies d'émission et d'absorption identifiées dans un spectre indiquent en fait l'âge de la protoétoile centrale ainsi que la distribution granulométrique et l'ionisation des HAP, ainsi que l'origine des chocs. 

Les images de MIRI obtenues par Nayak et ses collègues montrent que les étoiles les plus massives se rassemblent près de l'amas stellaire H72.97-69.39, et que les moins massives se répartissent à la périphérie de N79, un processus qu'on appelle la ségrégation de masse. Et ce que l'on pensait jusqu'alors être une seule jeune étoile massive s'est révélé être un amas de cinq jeunes étoiles. L'une des cinq jeunes étoiles est plus de 500 000 fois plus lumineuse que le Soleil, et est entourée par plus de 1 550 jeunes étoiles.

ALMA a aussi apporté des contributions significatives à l’étude des YSO dans le LMC, en particulier dans la région N79. Les précédentes observations effectuée avec ALMA dans cette région ont notamment révélé la collision de deux filaments de poussière et de gaz de plusieurs parsecs. C'est pile au point de collision que se trouve le superamas d'étoiles H72.97-69.39, qui abrite la protoétoile la plus lumineuse identifiée par le télescope Webb. La collision de filaments de gaz moléculaire pourrait ainsi être le catalyseur nécessaire à la création d’un superamas d'étoiles, selon les chercheurs. Les observations d’ALMA fournissent un contexte crucial pour comprendre l’environnement à plus grande échelle dans lequel ces YSO se forment. Cette étude permet par exemple aux astronomes d’étudier la relation entre les structures de nuages ​​moléculaires à grande échelle et la naissance des protoétoiles et des amas.

Nayak et ses collaborateurs montrent que les masses respectives pour les amas d'étoiles qu'ils ont nommés E1, S1 et S2 sont respectivement de 18,3 ± 2,7, 25,4 ± 3,2 et 15,7 ± 4,5 M⊙. Selon eux, dans E1, c'est l'YSO Y2 qui est probablement la source dominante, Y4 est la source dominante dans S1 et Y9 est celle qui domine dans S2. 

Les YSO observés présentent une variété de raies d'émission de HAP. Mais l'YSO Y4, la source ionisante centrale du candidat amas H72.97-69.39, ne présente aucune caractéristique de HAP, probablement en raison du rayonnement intense et des forts vents stellaires qui détruisent les hydrocarbures polyaromatiques environnants.

Les six étoiles YSO présentent en tous cas toutes plusieurs raies d'émission de l'hydrogène moléculaire H2. Y2 présente 16 raies d'émission H2 , soit le plus grand nombre de raies d'émission parmi toutes les sources étudiées dans cette étude. Y3, l'YSO le plus jeune, présente cinq raies H2. Les raies d'absorption importantes qui sont observées dans le spectre de Y3 indiquent quant à elles que cette protoétoile est enveloppée de poussière et qu'elle n'a pas encore commencé à ioniser le gaz environnant. Pour Nayak et son équipe, les raies H2 observées dans les spectres de Y3 pourraient aussi être dues à la source dominante, Y2, qui excite le H2.

Une autre caractéristique remarquable sont les raies d'émission [Ne II], [Ne III ], [Ar II ], [Ar III ] et [Fe II]. Elles indiquent la présence de chocs à grande vitesse (> 70 km s-1) dans Y1, Y2, Y4, Y6 et Y9. Des chocs à faible vitesse sont également présents dans ces YSO, car Nayak et al. identifient de fortes raies d'émission H2 et [Cl II]. Alternativement, les raies d'émission [Ne II ] et [Ne III ] peuvent aussi provenir d'YSO de masse élevée à proximité photoexcitant le gaz avec des photons UV et X extrêmes.

Les raies d'émission H I sont souvent observées lors de l'accrétion protostellaire et sont généralement abondantes dans les régions H II. Les taux d'accrétion de masse de Y1, Y2, Y4 et Y9 varient entre 1,22 × 10-4  et 1,01 × 10-2 M⊙ an-1 . Des taux d'accrétion de 10-4 M ⊙ an-1 ont été mesurés pour des étoiles de faible masse dans la Voie lactée. Selon Nayak et ses collaborateurs, la raison de ces taux d'accrétion élevés pour les YSO de N79 pourrait être soit que la force gravitationnelle domine dans les YSO de masse élevée, conduisant à un taux plus élevé, ou soit que les chocs et les vents contribuent au flux HI mesuré, conduisant à ce que les calculs des taux d'accrétion de masse soient des limites supérieures.

Concernant les caractéristiques d'absorption en phase solide et gazeuse, elles sont observées dans les spectres de Y1, Y3, Y4, Y6 et Y9. Mais l'YSO Y2 n'a aucune caractéristique d'absorption. Les astrophysiciens donnent une explication possible des caractéristiques d'absorption en phase gazeuse de HCN et de CO2 dans Y6 et Y9 : des vents à grande vitesse chaufferaient le gaz environnant à 100 K ou plus, ce qui conduirait à une augmentation de leur abondance. Les chercheurs notent que Y3 et Y9 ont également la caractéristique du doublet du CO2, Y3 ayant les raies d'absorption les plus importantes. Cet YSO a a des raies d'absorption importantes, probablement parce qu'il a moins de 10 000 ans, d'après Nayak et ses coauteurs.

Les astrophysiciens ont donc désormais observé des étoiles géantes à différents stades d’évolution, depuis de très jeunes protoétoiles jusqu’à des objets plus évolués ionisant leur environnement. Ces données fournissent aujourd'hui des informations sur la chimie complexe qui se produit dans ces pépinières d’étoiles, notamment la présence de molécules organiques et de poussière, ce qui relie la formation des étoiles à l’histoire plus vaste de la répartition des éléments et des composés dans l’univers. 

Source

JWST Mid-infrared Spectroscopy Resolves Gas, Dust, and Ice in Young Stellar Objects in the Large Magellanic Cloud

Omnarayani Nayak et al.

The Astrophysical Journal, Volume 963, Number 2 (4 march 2024)

https://doi.org/10.3847/1538-4357/ad18bc


Illustration

1. Vue d'artiste d'un superamas d'étoiles avec des YSO (NSF/AUI/NSF NRAO/S.Dagnello)

2. Omnarayani Nayak