mercredi 23 mai 2012

Des Rayons Gamma pour Etudier la Jeunesse de l'Univers

Incroyablement lointains et puissants, les flashs très brefs de rayonnement de haute énergie connus sous le petit nom de Bursts de rayonnement gamma (ou GRB pour l’acronyme anglosaxon) étaient depuis longtemps l’un des plus grands mystères de l’astrophysique. Mais aujourd’hui, ils deviennent un nouvel outil très intéressant et puissant. Grâce aux observatoires en orbite comme les fameux Fermi et Swift  de la NASA qui scrutent quotidiennement ces bouffées de rayons gamma, les astrophysiciens commencent à faire des plans pour les utiliser comme des lampes torches pour scruter d’obscurs détails de l’Univers jeune…


Illustration d'un GRB (credit ESO)
Observés quasi quotidiennement maintenant, et dans toutes les directions de l’espace, les GRBs sont aujourd’hui estimés être le signal d’un effondrement gravitationnel d’un cœur d’étoile se transformant en trou noir. Leur intense lumière peut traverser la totalité de l’Univers observable, pouvant ainsi servir de témoin des chapitres les plus anciens de l’histoire de l’Univers. La compréhension de ces flashes par les théoriciens est encore en cours d’évolution, mais lors de la conférence Fermi/Swift qui eut lieu il y a deux semaines à Munich, les astrophysiciens ont discuté sérieusement de comment ils pourraient utiliser les GRB pour cartographier l’évolution chimique de l’Univers du fait de la filtration de cette lumière des GRB au travers le gaz des galaxies qui les abritent.

Volker Bromm, de l’université du Texas, parle même de pierre de Rosette cosmique au sujet des GRB, car ils pourraient porter de l’information sur la composition des toutes premières étoiles de l’Univers, seulement quelques centaines de millions d’années après le BigB.

Avec les galaxies lointaines et les quasars (ces cœurs de galaxies jeunes abritant des trous noirs supermassifs), les objets à l’origine des GRBs font partie des plus lointains de l’Univers. En tant que messagers de l’Univers jeune, les GRB possèdent un gros avantage sur les deux autres : ils sont bien plus brillants que les galaxies, ce qui signifie qu’un spectrographe peut beaucoup plus facilement décomposer les lignes d’absorption spectrales permettant de révéler la nature chimique du milieu traversé… Les quasars quant à eux sont encore plus brillants mais leur luminosité est bien plus erratique et leur spectre bien plus compliqué, rendant  l’extraction d’information spectrale beaucoup plus délicate…
Le GRB 990123 pris en flagrant délit par Hubble (NASA/ESA)
Le gros challenge est que par définition, les GRBs sont à la fois imprédictibles et brefs. Ils durent typiquement quelques secondes seulement aux plus hautes énergies. Leurs flashes éphémères sont suivis par une rémanence qui peut être mesurée à de plus grandes longueurs d’ondes, mais les observatoires terrestres doivent réagirent très rapidement si ils veulent suivre le signal de rémanence aussitôt qu’une détection a été faite par un télescope en orbite… C’est tout de même faisable. Une bouffée gamma détectée en 2005 par Swift était si brillante que le télescope Subaru de 8 m situé à Hawaï a eu le temps de détecter la rémanence et obtint un spectre plus de trois jours après. Avec un redshift mesuré de 6.3, ce GRB est estimé avoir eu lieu quanf l’Univers avait moins de 7% de son âge actuel… Le spectre obtenu, très riche de détails, montra que la réionisation du gaz d’hydrogène – un point crucial dans l’histoire de l’Univers après son refroidissement – avait été complète.

Mais les astrophysiciens et cosmologistes veulent aller encore plus loin dans le passé, évidemment. Il faut savoir que les GRB existent depuis la formation des premières étoiles, dans un Univers très jeune, où les premières étoiles étaient probablement très massives, très brillantes et de courte durée de vie. La lumière de telles étoiles quand elles explosaient violemment en GRB devaient offrir de belles empreintes du gaz environnant, la principale matière constituant l’Univers jeune.
En analysant les GRB dans les galaxies  à différentes époques, les astrophysiciens devraient être capables de tracer l’évolution de la composition de l’Univers jeune, quand les premières générations d’étoiles brûlaient les quantités d’hydrogène et d’hélium primordiales pour les convertir en éléments plus lourds appelés en astrophysique des « métaux » (même si il ne s’agit pas de métaux à proprement parler).

Le système GROND sur le télescope de 2.2 m de La Silla, Credit : ESO
Les spécialistes veulent savoir à partir de quand les grosses étoiles ont commencé à fabriquer ces métaux.  Afin de permettre des observations de GRB lointains, une équipe d’astronomes allemands ont construit le Gamma-Ray Burst Optical/Near-infrared Detector (GROND) et l’ont installé auprès d’un télescope de 2,2 mètres exploité par l’ESO à La Silla au Chili. GROND a la capacité de répondre très rapidement à des alertes lancées par le satellite Swift et prend alors le contrôle du télescope de l’ESO. Ce système automatique peut faire une estimation rapide de la distance d’un burst. Si le candidat est suffisamment éloigné, l’équipe allemande, menée par Jochen Greiner, prévient les astronomes du VLT situé non loin de là, qui possède des instruments permettant de faire de la spectroscopie très fine. Et tout le problème réside dans le fait qu’ils doivent réagir en quelques minutes tout au plus… 

Il est aussi inquiétant de savoir que Swift va bientôt arriver en fin de vie, initialement prévu pour rester 2 ans en activité en orbite. Mais d’autres astronomes sont confiants dans les télescopes terrestres qui pourraient effectuer le même travail que Swift avec seulement plus de spectrographes. 

Il faut maintenant attendre le bon GRB, celui qui permettra de nous mener au plus près du trop fameux BigB. Les astrophysiciens n’ont pas encore eu cette chance pour l’instant…

Source : Nature 485, 290–291 (17 Mai 2012)


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