Alors que la sonde Cassini doit survoler une dernière fois le satellite Saturnien Encelade dans quelques semaines, une étude approfondie de ses données vient de confirmer avec une très bonne certitude qu'il existe bien un vaste océan global d'eau liquide sous la croûte glacée de Encelade.
Schéma de la structure interne de Encelade, les échelles ne sont pas respectées (NASA/JPL-Caltech) |
C'est en observant de près les mouvements de Encelade au cours de ces révolutions autour de la géante aux anneaux que les chercheurs en concluent qu'il existe bien un très vaste océan d'eau liquide entre le noyau rocheux et l'épaisse croûte de glace de Encelade. Cela implique aussi la confirmation que les émissions de vapeur, de grains de sable, de sel et de molécules organiques qui s'échappent à travers de grandes fissures au pôle sud de Encelade ont bien pour origine cet océan.
Des évaluations antérieures effectuées par des mesures gravitationnelles avaient déjà laissé penser qu'il existait une vaste étendue d'eau liquide, au moins une mer, aux environs du pôle sud, avec une possibilité qu'il s'agisse d'un océan global, mais ces nouvelles mesures indépendantes, basées cette fois-ci sur l'analyse des mouvements de Encelade sur une centaine d'images prises par Cassini sur de nombreuses années viennent confirmer l'hypothèse d'un océan couvrant toute la surface rocheuse d'Encelade.
Peter Thomas, de l'Université Cornell et ses collègues de l'équipe d'imagerie de Cassini publient les résultats de leur étude cette semaine dans la revue scientifique Icarus, Ils ont analysé un peu plus de 7 ans d'images d'Encelade accumulées par la sonde. Ils ont regardé comment la rotation de Encelade variait, avec une extrême précision en prenant des points de repère sur le satellite comme certains cratères.
Les jets de vapeur d'eau du pôle sud de Encelade imagés par Cassini (NASA/JPL Caltech) |
Ils trouvent que Encelade a une très légère oscillation. Comme Encelade n'est pas parfaitement sphérique et comme il va plus ou moins vite en fonction de sa position sur son orbite autour de Saturne, il subit ce mouvement annexe provoqué par l'effet gravitationnel de la planète géante. Cette oscillation, qu'on appelle dans le jargon une libration se retrouve très intéressante pour étudier la structure interne de Encelade. Il "suffit" de modéliser le satellite en faisant varier sa composition interne pour essayer de retrouver l'amplitude de la libration observée. Les planétologues ont étudié tous les types de structure interne, jusqu'au cas extrême d'une structure entièrement solide. Le seul modèle qui colle aux observations est celui où une couche de liquide sépare un cœur rocheux d'une couche de glace externe.
La question que se posent désormais les chercheurs est "Pourquoi reste-t-il autant d'eau liquide sur Encelade ? Pourquoi n'a-t-elle pas entièrement gelé ?" Une des idées qui commence à être en vogue est que les forces de marées subies par Encelade de la part de Saturne généreraient bien plus de chaleur que ce que l'on imagine habituellement.
Encelade a réservé bien des surprises aux chercheurs depuis 2005 quand furent découverts les premiers jets de vapeur s'échappant de fractures au niveau du pôle sud. En 2014 la présence d'une grande étendue d'eau liquide était annoncée et au début de 2015, Cassini découvrit des indices forts d'une activité hydrothermale... Cette dernière découverte montre tout l'intérêt d'exploiter des sondes en orbite sur de nombreuses années, sans quoi cette dernière évaluation n'aurait jamais été possible.
Le 28 octobre prochain, la sonde Cassini a été programmée pour raser Encelade en plongeant littéralement dans ses geysers de vapeur d'eau salée du pôle sud, à seulement 49 km de sa surface ! Ce sera le clou final pour Cassini, sa dernière visite avant de quitter définitivement le plan équatorial de Saturne pour une dernière année de mission prévue pour être passée exclusivement dans l'interstice séparant Saturne et ses anneaux... avant de terminer sa vie fin 2016 en se consumant dans la belle aux anneaux.
Référence :
Enceladus’s measured physical libration requires a global subsurface ocean
P.C. Thomas et al.
Icarus, à paraître.
2 commentaires :
Est-ce qu'on a une idée de l'épaisseur de la couche d'eau liquide et de celle de glace ? Cette nouvelle modélisation permet-elle de restreindre ces paramètres ?
Merci pour ce super article et pour maintenir ce blog que je consulte régulièrement !
Merci pour votre fidélité! Cette étude de Thomas et al. ne fournit pas de valeurs numérique sur les épaisseurs. Elle conclue sur l'absence de connexion rigide entre le noyau rocheux et la croûte de glace. Mais les mesures de champ gravitationnel effectuées en 2014 concluaient sur une épaisseur d'eau liquide de 10 km pour une épaisseur de glace de 30 à 40 km...
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