Les
galaxies comme la nôtre peuvent aussi produire de puissants vents de matière à
très grande vitesse pouvant mener à réduire leur capacité à créer des étoiles.
C’est
l’observation d’une galaxie assez semblable à la Voie Lactée, nommée IRAS17020+4544,
une galaxie spirale brillante dite galaxie de Seyfert, qui a permis à une
équipe internationale de montrer la présence de fortes éjections de matière de
part et d’autre de son plan galactique. IRAS17020+4544 n’a rien de très exceptionnel
hormis cette nouvelle structure; c’est une galaxie un peu plus grosse que la
Voie Lactée, située à 800 millions d’années-lumière et arborant un trou noir
supermassif de 6 millions de masses solaires, à peine plus gros que Sgr A* qui
trône au centre de notre Galaxie.
Les
galaxies de Seyfert sont des galaxies spirales, qui ont pour signe distinctif vis-à-vis
des autres spirales d’avoir un bulbe très brillant qui rayonne dans toutes les
longueurs d’ondes, signe d’une activité du trou noir supermassif :
celui-ci n’est pas calme, il est en train d’absorber de la matière.
Vue d'artiste du phénomène de vent de matière énergétique émis par une galaxie spirale à noyau actif (ESA). |
Anna
Lia Longinotti, astronome italienne travaillant à l’Instituto Nacional de
Astrofísica de Puebla au Mexique et ses collaborateurs ont observé IRAS17020+4544
dans le domaine des rayons X avec le télescope spatial européen XMM-Newton. Ils
ont mis en évidence la présence d’un flot de gaz très énergétique en provenance
du centre de la galaxie, s’échappant à une vitesse assez impressionnante comprise
entre 23 000 et 33 000 km/s, soit environ 10% de la vitesse de la
lumière…
Lorsqu’ils
sont suffisamment puissants, ces vents de matière peuvent influencer leur
environnement de différentes manières. L’effet principal est qu’ils dépeuplent
de vastes réservoirs de gaz qui auraient pu former des étoiles, mais ils ont
aussi l’effet inverse, avec la possibilité de déclencher l’effondrement de petits
nuages de gaz et donc la formation d’étoiles. Mais jusqu’à aujourd’hui, on pensait
que de tels vents de matière n’apparaissaient que dans des grandes galaxies
elliptiques formées par la fusion de galaxies plus petites.
Ce
qu’ont observé Anna Lia Longinotti et ses collègues est que le vent produit par
le trou noir supermassif de IRAS17020+4544 échauffe suffisamment le gaz
environnant pour empêcher complètement la formation d’étoiles, une observation
inédite sur une galaxie spirale relativement normale.
Et
les chercheurs ont eu une autre surprise : alors qu’habituellement les
vents émis par les cœurs actifs de galaxies sont dominés par des atomes de fer
très fortement ionisés, celui observé sur IRAS17020+4544 est différent,
comportant beaucoup plus d’éléments légers comme l’oxygène, mais pas de fer.
Anna Lia Longinotti souligne : « J’ai été très surprise de
découvrir que ce vent était composé surtout d’oxygène parce que personne n’a
jamais vu une galaxie comme ça auparavant».
Etant
donné la ressemblance entre IRAS17020+4544 et notre Voie Lactée, on ne peut pas
s’empêcher de faire un rapprochement et se poser des questions sur son histoire
et le rôle qu’a pu jouer Sgr A*. Cette découverte indique que de telles
éjections à haute vitesse auraient pu se dérouler dans notre Galaxie dans le
passé au cours de phases actives. On sait d’ailleurs, grâce toujours à des
observations X faites par XMM-Newton, que Sgr A* a connu une phase plus active
qu’aujourd’hui il y a seulement quelques centaines d’années.
Cette
possibilité peut maintenant être pleinement considérée par les astrophysiciens,
car on sait désormais que les vents énergétiques de matière ne sont pas l’apanage
des seules galaxies elliptiques.
Source :
X-ray high-resolution spectroscopy reveals feedback in a seyfert galaxy from an ultra-fast wind with complex ionization and velocity structure
A.L. Longinotti et al.
The Astrophysical Journal Letters, Volume 813, Number 2 (2015)
http://dx.doi.org/10.1088/2041-8205/813/2/L39
http://dx.doi.org/10.1088/2041-8205/813/2/L39
2 commentaires :
On peut également faire le rapprochement avec les bulles de Fermi découvertes en 2010, et dont l'une des explications est une phase AGN de Sagitarius A* datant de quelques millions d'années, responsable d'éjections bipolaires peut-être semblables à celles constatées dans l'article récent ?
Oui, remarque très juste. Cette hypothèse pour les bulles de Fermi est renforcée par cette nouvelle observation.
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