mardi 2 février 2016

La plus grosse planète rocheuse découverte : 16 fois la masse de la Terre

Les planètes de notre système solaire peuvent être divisées en deux groupes distincts : les 4 petites rocheuses et les 4 grosses gazeuses. Malgré la très grande variété de systèmes stellaires découverts depuis quelques années, cette distinction en deux groupes : des petites planètes de type rocheuses et des grosses de type gazeuses, semble universelle, avec une limite entre les deux groupes située à une taille (rayon) de 1,6 fois celui de la Terre. 



Mais à toute règle il faut une exception. Et cette exception vient d'être découverte. On peut qualifier cette trouvaille de plus gros caillou jamais observé, car il s'agit d'une planète entièrement rocheuse, mais plus de deux fois plus grosse que la Terre (en diamètre).
L'étoile BD+20594 (au centre) observée par Kepler (N. Espinoza et al.)
Cette planète du nom de BD+20594b, a été trouvée par l'astronome Chilien Nestor Espinoza et son équipe grâce au télescope Kepler par la méthode du transit (la planète obscurcit très légèrement son étoile en passant devant, de manière périodique). Son diamètre mesuré vaut 2,2 fois celui de la Terre. C'est entre février et avril 2015 que Kepler a observé deux transits identiques à 42 jours d'intervalle sur l'étoile BD+20594, une étoile très semblable au Soleil.
Les auteurs estiment que les transits observés sont bien dus à une planète, avec une probabilité de 99,7%. La masse de la planète a ensuite été mesurée grâce à l'instrument HARPS (High Accuracy Radial velocity Planet Searcher) installé sur le télescope de 3,6 m à l'observatoire de La Silla au Chili , qui mesure le minuscule effet Doppler provoqué par le mouvement que la planète impose à son étoile par effet gravitationnel (une variation de vitesse de 3,1 m/s seulement!)

Connaissant sa taille, les astronomes, sur la base de planètes semblables, s'attendaient à trouver une masse d'environ 7 fois la masse de la Terre. Mais HARPS fut formel, la masse de BD+20594b est de 16,3 masses terrestres. Connaissant sa taille et sa masse, le calcul de sa densité est immédiat et conduit à une valeur de 7,89, soit bien plus que la densité de la Terre (5,5), et dans tous les cas bien différente de celle d'une planète gazeuse. Les chercheurs estiment que l'on est en présence d'une planète également différente de la Terre car ne possédant probablement pas deux couches (un cœur de fer entouré par un manteau de roches MgSiO3). BD+20594b aurait les caractéristiques d'une planète entièrement rocheuse. Une autre exoplanète montrait des caractéristiques proches mais avec une masse un peu plus faible: Kepler-10c. Ces deux planètes ont un point commun qui est leur période orbitale très courte, ce qui peut être un indice sur leur nature d'exception.

Les auteurs prédisent que BD+20594b sera un très bon laboratoire pour tester les modèles de formation planétaire, notamment celle des planètes rocheuses. Elle est pour le moment le plus gros caillou que l'on connaisse dans l'Univers...


Source : 

A NEPTUNE-SIZED EXOPLANET CONSISTENT WITH A PURE ROCK COMPOSITION
N. Espinoza et al.
soumis à The Astrophysical Journal

8 commentaires :

Pascal a dit…

N'est-ce pas un excellent candidat pour une planète chtonienne (noyau résiduel d'une planète géante dont le gaz s'est évaporé suite à sa migration)?

L6 Atmo a dit…

Bonjour,
Encore une fois, ya un truc qui j'ai pas dû comprendre correctement... :D
Si la densité de la Terre est de 5.5 avec un noyau principalement en fer (densité 7.6), comment une planète peut avoir une densité de 7.69 en étant constituée uniquement de roche?
J'ai fait l'hypothèse (sûrement erronée) que de la roche doit avoir une densité inférieure à celle du fer quasiment pur.

Dr Eric Simon a dit…

Votre remarque est tout a fait pertinente. Je précise que la densité du fer est même plus que 7,6, c'est 7,87. Et la planète dont nous parlons ici a une densité calculée de 7,89. A la lecture de l'article, on voit qu'il y a une subtilité dans la terminologie utilisée, les auteurs précisent que pour eux le terme "rocky planet" (planète rocheuse), doit être entendu selon la définition utilisée dans [Rogers, L., 2015, ApJ, 801, 41], c'est à dire une composition comprise entre 100% MgSiO3 et 100% Fe.
Effectivement, il semble qu'on soit plutôt en présence d'une planète à 100% en fer vue sa densité... Cela reste tout de même une planète rocheuse (a l'opposé d'une planète gazeuse).

Dr Eric Simon a dit…

@Pascal : C'est tout à fait possible, surtout si elle est composée à 100% de fer...

Dr Eric Simon a dit…

Je corrige ma réponse, en relisant attentivement l'article, on voit que les auteurs concluent bien à une planète de type 100% MgSiO3. Je me suis un peu renseigné sur les densités, et il faut prendre en compte ce qu'on appelle l'effet de compression gravitationnelle. Ainsi une planète 100% composée de fer n'aura pas la densité du fer telle que nous la connaissons à une pression de 1 bar et à température ambiante, mais elle sera supérieure. Par exemple, les composés de la Terre donneraient une densité de 4,4 alors qu'au final elle est de 5,51.
C'est pareil ici, et l'effet s'accentue plus la planète est massive.
L'article montre un graphe indiquant le rayon d'une planète en fonction de sa masse pour différents types de compositions, on voit bien que BD+20594b se trouve sur la courbe "100% MgSiO3". Donc belle et bien 100% rocheuse de chez rocheuse, même si la définition englobe les planètes 100% en fer...

L6 Atmo a dit…

Après une petite recherche rapide, j'ai trouvé que le noyau interne terrestre aurait une témpérature de 6000°C et une densité de 13 alors qu'il serait composé d'un alliage 80%Fe-20%Ni donc l'effet de compression gravitationnelle est effectivement très important pour la valeur de la densité du matériau considéré.
Merci pour les explications.

Dr Eric Simon a dit…

Merci d'avoir cherché cette information, qui complète utilement le propos.

Pascal a dit…

Eric, pourquoi une planète chtonienne devrait-elle être composée uniquement de fer ? L'évaporation ne devrait pas toucher les silicates, sauf extrème proximité de l'étoile ; ce n'est pas le cas ici, et dans la discussion, les auteurs de l'article estiment même que pour la distance observée, une atmosphère H-He d'au moins 1 masse terrestre accrétée par ce gros noyau ne pourrait pas être chassée par l'irradiation X et UV de l'étoile (et le vent ?); mais vu le rayon, elle n'est pas là, et il évoquent 2 alternatives : soit une formation après disparition du gaz du disque protoplanétaire, soit un impact géant.
Concernant la composition de la planète observée, je note sur le diagramme masse/rayon que l'incertitude sur la masse (10 à 22 masse terrestres), donc sur la densité, est compatible avec une proportion non nulle de fer ou/et de volatiles (c'est d'ailleurs noté dans le texte de l'article). Bref, il y a encore pas mal d'incertitudes sur la composition et l'histoire de BD+20594b.