La rotation de galaxies situées seulement 800 millions d'années après le Big Bang, c'est ce qu'ont réussi à mesurer une équipe d'astronomes avec le radiotélescope ALMA. Ces mesures montrent de manière surprenante des galaxies en rotation stable, déjà très ressemblantes à celles qui sont observées 2 milliards d'années plus tard.
C'est la première fois qu'un tel mouvement de rotation galactique est observé aussi tôt dans l'histoire cosmique : à peine 800 millions d'années après la singularité initiale. La lumière de ces galaxies a voyagé durant 13 milliards d'années avant d'arriver sur les antennes des radiotélescopes de ALMA dans le désert de l'Atacama chilien. Rentske Smit (Kavli Institute of Cosmology , University of Cambridge) et son équipe publient aujourd'hui leurs observations dans la revue Nature, et les ont parallèlement présentées lors de la 231ème réunion de l'American Astronomical Society qui a lieu cette semaine à Washington DC. Ils ont observé deux galaxies situées presque à la même distance, dans l'infra-rouge. Ces galaxies montrent un décalage spectral proche de 6,8, ce qui signifie qu'elles émettent intensément en UV. Il s'agit de petites galaxies environ 5 fois moins grandes que notre Voie Lactée, mais qui forment 20 fois plus d'étoiles que notre galaxie. Mais les chercheurs et chercheuses ont surtout été surpris de découvrir que ces deux galaxies avait une rotation bien établie, et n'étaient pas aussi chaotiques qu'ils l'attendaient.
En effet, à cette époque cosmique, le gaz contenu dans les galaxies naissantes doit produire des mouvements assez violents, conduisant à la formation de nombreuses étoiles, très vite suivies par l'explosion de supernovas, qui vont à leur tour perturber le gaz environnant et le rendre turbulent. A l'inverse, les galaxies observées par Renske Smit et ses collaborateurs apparaissent comme de jolis tourbillons assez stables, qui sont en train de grandir à grande vitesse, pour devenir les galaxies "adultes" que nous connaissons dans l'Univers local.
Les gradients de vitesses qui sont mesurés grâce au spectre infrarouge (les raies spectrales du carbone ionisé C II à 157,74 µm), interprétés comme une rotation, indiquent que ces galaxies ont des propriétés dynamiques similaires à celles des galaxies dominées par leur rotation qui sont observées 2 milliards d'années plus tard, au moment de l'essor galactique.
La taille de ces galaxies est déjà un peu étonnante, elles sont un peu grosses pour cette époque cosmique (rappelons le, 800 millions d'années après le Big Bang) , mais c'est surtout cette structure de disque en rotation qui interpelle. Est-ce que la plupart ou toutes les galaxies de cette époque sont à l'image de ces deux spécimens, ou bien existe-t-il toute une faune de galaxies aux comportements différents ? Le futur télescope spatial Webb pourra certainement apporter des réponses à ces questions, et même investiguer encore plus profondément dans la structure internes des galaxies les plus lointaines et les plus jeunes.
Il sera bientôt envisageable de mesurer les profils de vitesse de ces galaxies (leur courbe de rotation), ce qui permettra d'appréhender les relations étroites qui existent entre rayonnement, matière baryonique et matière noire.
Source
Rotation in [C II]-emitting gas in two galaxies at a redshift of 6.8.
Renske Smit et al.
Nature 553, 178–181 (11 January 2018)
Illustration
1) Image des deux galaxies observées par l'équipe de Renske Smit, les couleurs indiquent la vitese relative (en rouge : éloignement, en bleu : rapprochement) (Hubble (NASA/ESA), ALMA (ESO/NAOJ/NRAO), P. Oesch (U. Geneva) and R. Smit (U. Cambridge))
2) Image d'artiste d'un disque galactique précoce en rotation (Amanda Smith/University of Cambridge)
10 commentaires :
Bonjour,
Ce message n'est pas forcément à publier en tant que commentaire, mais c'est plutôt une question. Vous dites dans l'article : " Ces galaxies montrent un décalage spectral proche de 6,8, ce qui signifie qu'elles émettent intensément en UV". Il me semble que vous avez sans doute fait un lapsus et que vous vouliez dire plutôt "en infra-rouge", ou je e trompe ?
Bonne journée (j'adore votre site... en passant).
Bien cordialement.
Yvon.
Je précise pour répondre à une question qui m'a été posée qu'il n'y a pas de coquille : ces galaxies émettent bien dans l'UV, mais cette lumière nous parvient en infra-rouge du fait du décalage spectral considérable (z=6.8 signifie que les longueurs d'ondes sont "étirées" par un facteur 7.8 (1+z). Une longueur d'onde de 0.4 µm émise par la galaxie nous parvient à la longeur d'onde de 3,1 µm. L'UV devient de l'infra-rouge...
Je rêve toujours autant en lisant ces articles,
merci !
;-)
Bonjour Eric,
L'univers en expansion est comparé, si on retire une dimension, à un ballon que l'on gonfle. Sur lequel sont collées les galaxies.
On se dit qu'un rayon lumineux parcourt alors une spirale au cours du temps.
Serait-il possible, en observant ces galaxies lointaines, de voir... la nôtre? La lumière ayant fait un tour complet en X milliards d'années, dépendant de sa dimension.
Si non, ne doit-on pas conclure qu'il est infini?
Si oui, pourrait-on observer une sorte de "lentille cosmologique"?
Ma vision est certainement très basique, mais pouvez-vous en expliquer plus?
Merci!
Non, votre raisonnement est erroné. La lumière ne parcourt pas de spirale au cours du temps. L'Univers que nous observons est une partie seulement de l'Univers, ce qu'on appelle l'Univers observable, qui correspond aux cônes de lumière. Les galaxies que nous observons à 800 millions d'années après le Big Bang ont bien sûr évolué depuis, comme la nôtre, mais 13 milliards d'années après, elles se trouvent inobservables par nous, ici maintenant.
Bonjour,
Il me semble que Youx fait allusion à la possibilité pour un photon d'avoir une trajectoire qui se recoupe. La RG l'y autorise en principe, soit localement (cf mirages gravitationnels) soit au niveau cosmique (après un ou plusieurs tours d'un univers spatialement fermé, à courbure positive). Une autre possibilité est d'ordre topologique, avec un univers multiconnexe (cf par exemple JP Luminet, l'univers chiffonné). Mais pour avoir une chance de voir les dinausores galopper sur terre, il faudrait soit un univers monoconnexe à forte courbure positive (exclue par les observations), soit un univers multiconnexe à cellule inférieure à la taille de l'univers visible, dont on n'a pas retrouvé de signes observationnels probants (grands relevés, Planck)...De telles observations permettraient de conclure à un univers fini, mais leur absence ne permet pas de conclure à un univers infini.
Tout à fait. C'est pour ça que j'ai exclu ces hypothèses dans ma réponse... 😀
Hum, ça commence pas à devenir un petit peu louche là ?
"Within the errors, the age of HD 140283 does not conflict with the age of the Universe, but..." https://arxiv.org/abs/1302.3180
L'âge de cette étoile est affublé d'une énorme incertitude...
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