Des nouvelles observations du réseau de radiotélescopes ALMA viennent de fournir pour la première fois une image du disque de gaz froid qui est accrété autour de Sgr A*. Ces observations offrent de nouvelles indications sur ce phénomène associé aux trous noirs.
Depuis plusieurs décennies, les astronomes commencent à avoir une image de plus en plus claire du voisinage chaotique et très peuplé du trou noir supermassif Sgr A* qui se trouve à 26660 années-lumière. On sait par exemple que cette région comporte un grand nombre d'étoiles, des nuages de poussière et un gros réservoir de gaz chaud et de gaz froid. Ces gaz doivent être en orbite autour du trou noir en formant un vaste disque d'accrétion qui s'étend à quelques dixièmes d'années-lumière de l'horizon des événements (quelques dizaines de jours-lumière).
Jusqu'à maintenant, les astrophysiciens avaient seulement réussi à imager la portion "chaude" du gaz, qui forme une zone environ sphérique sans montrer de rotation clairement définie. C'est l'émission en rayons X de ce gaz échauffé à 10 millions de kelvins qui avait permis ces observations. Mais aujourd'hui, c'est l'émission millimétrique du gaz froid qui est observée par ALMA. Ce gaz froid est tout de même à une température de 10 000 kelvins, et c'est la recombinaison incessante des électrons avec les protons dans les atomes d'hydrogène qui produit cette émission caractéristique observable à la longueur d'onde de 1,3 mm, celle-là même qu'a utilisé l'EHT lors de ses observations historiques des ombres de M87* et SgrA*, dont ALMA faisait (et fait toujours) partie.
Grâce à sa sensibilité et à sa résolution angulaire hors normes, le réseau radioastronomique installé sur le haut plateau de l'Atacama a pu détecter ce faible signal pour produire la première image de ce gaz froid jusqu'à une distance d'un centième d'année-lumière, environ 1000 unités astronomiques (distance Terre-Soleil) seulement de l'horizon, ce qui est égal à 10 000 fois le rayon de l'horizon...
Mais ce qui encore plus impressionnant, c'est que Elena Murchikova (Institute for Advanced Study, Princeton) et ses collaborateurs dont l'étude est publiée aujourd'hui dans Nature, ont réussi à observer le mouvement de rotation du gaz froid accrété autour de Sgr A*. Ils ont pour cela mesuré les décalages spectraux de l'émission radio. Alors que l'émission radio dans sa globalité est centrée sur la position de Sgr A*, mais la portion décalée vers les grandes longueurs d'ondes (vers le "rouge"), le gaz qui s'éloigne de nous, est décalée de 0,11 secondes d'arc, ce qui correspond à un écart de 0,013 années-lumière vers le nord-est, et la portion décalée vers le bleu se trouve exactement à la même distance mais à l'opposé, vers le sud-ouest. Et lorsqu'ils font l'hypothèse de la masse de Sgr A* de 4,1 millions de masses solaires, les astrophysiciens en déduisent une vitesse de rotation Keplerienne (vitesse tangentielle) de 2000 km/s. Or la vitesse qu'ils observent, d'un côté comme de l'autre du trou, n'est que de 500 km/s ! Les chercheurs en concluent deux possibilités : premièrement, le disque serait vu presque de face, en fait, avec un angle de 15°, ce qui serait cohérent avec une observation publiée l'année dernière par l'instrument GRAVITY à quelques rayons de Schwarzschild de l'horizon. La seconde possibilité pour qu'il tourne moins vite que la normale serait que le disque de gaz froid soit fortement contraint par des effets magnétiques au sein d'un plus vaste nuage de gaz chaud...
Ce que voient Elena Murchikova et ses collaborateurs, c'est que le plan du disque de gaz froid ne coïncide pas avec les plans des autres structures du centre galactique : la Galaxie elle-même, le disque circumnucléaire, la "minispirale" ou le système stellaire "clockwise" mais sa direction de rotation est globalement similaire à la leur. Les chercheurs pensent donc que ce disque pourrait être nourri par l'un de ces objets du centre galactique.
Ils notent également que l'orbite de la célèbre étoile S2 est carrément orthogonale au plan du disque de gaz...
Ce que voient Elena Murchikova et ses collaborateurs, c'est que le plan du disque de gaz froid ne coïncide pas avec les plans des autres structures du centre galactique : la Galaxie elle-même, le disque circumnucléaire, la "minispirale" ou le système stellaire "clockwise" mais sa direction de rotation est globalement similaire à la leur. Les chercheurs pensent donc que ce disque pourrait être nourri par l'un de ces objets du centre galactique.
Ils notent également que l'orbite de la célèbre étoile S2 est carrément orthogonale au plan du disque de gaz...
Les chercheurs ont aussi estimé la masse d'hydrogène dans le disque en rotation : entre 10−5 to 10−4 masse solaire, avec une densité entre 105 to 106 atomes par centimètre cube. La plage de valeurs dépend de l'hypothèse faite sur la géométrie du disque.
Etant donné que l'émission de la raie H30α à 1,3 mm semble un peu plus forte que ce qui était attendu, les astrophysiciens pensent que cette transition est amplifiée par un processus maser (amplification micro-onde par stimulation de rayonnement), l'équivalent du laser pour les ondes millimétriques ou submillimétriques.
Elena Murchikova et ses collaborateurs ont ainsi réussi à mettre en lumière le processus d'accrétion de gaz froid qui a lieu en ce moment autour de Sgr A*, qui est un bon exemple de trou noir à faible activité. Comme le processus d'accrétion de ces types de trous noirs supermassifs est complexe et encore mal cerné, ces résultats vont être précieux non seulement pour l'étude du cas particulier de notre galaxie, mais aussi pour d'autres galaxies qui abritent un trou noir aussi calme que Sgr A*...
Source
A cool accretion disk around the Galactic Centre black hole
Elena M. Murchikova, E. Sterl Phinney, Anna Pancoast & Roger D. Blandford
Nature 570, 83–86 (5 june 2019)
Illustration
Image en ondes millimétrique du disque d'accrétion autour de Sgr A* (croix), les couleurs rouge et bleu indiquent les mouvements du gaz (éloignement et raprochment respectivement) ALMA (ESO/NAOJ/NRAO), E.M. Murchikova; NRAO/AUI/NSF, S. Dagnello)
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