lundi 7 juin 2021

Nouvelles données inédites sur un GRB et nouvelles questions


Le sursaut de rayons gamma GRB 190829A  est l'un des plus proches jamais détectés. L'analyse de l'émission gamma et X rémanente qui a suivi le sursaut durant plusieurs jours a pu être effectuée grâce au détecteur H.E.S.S (High Energy Stereoscopic System), et montre des similarités entre émissions gamma et X qui ne sont pas explicables par les modèles actuels.... Une étude publiée cette semaine dans Science sous le titre Revealing x-ray and gamma ray temporal and spectral similarities in the GRB 190829A afterglow

Le sursaut GRB 190829A a été détecté le 29 aout 2019 initialement par le télescopes spatial Fermi-GBM (Gamma ray Burst Monitor) puis 51 secondes plus tard par Swift-BAT (Burst Alert Telescope). Il est classé comme un GRB long, à ne pas confondre avec les GRB courts. Alors que les GRB courts ne durent que 1 seconde tout au plus et sont produits lors la formation d'un trou noir par une fusion d'étoiles à neutrons, les GRB longs, eux, durent plusieurs dizaines de secondes et sont produits par des effondrements gravitationnels d'étoiles très massives en rotation rapide qui forment directement un trou noir en explosant en supernova avec la production de jets relativistes. Mais la source d'un GRB ne s'éteint pas complètement après le sursaut : une émission résiduelle a encore lieu pendant une durée assez longue induite par l'interaction de l'éjecta avec le gaz environnant, qui peut atteindre plusieurs jours et plus le GRB est proche plus facilement on peut observer cette émission rémanente. C'est le cas de GRB 190829A avec sa distance de seulement 1 milliards d'années-lumière. 
Un autre effet bénéfique de la relative courte distance de ce GRB est qu'on a pu détecter des rayons gamma énergétiques qui n'ont pas pu être absorbés par le milieu intergalactique. 
C'est ainsi que le télescope gamma HESS a pu observer GRB190829A entre 4h et 56h après le sursaut et jusqu'à une énergie de 3,3 TeV, alors que le télescope Swift et son module XRT (X-Ray Telescope) était encore sur lui (XRT avait été mis en route 97 secondes après le déclenchement du GBM).
Mais HESS n'a pas pu suivre le GRB en continu bien sûr, les observations se sont déroulées en 3 nuits avec des durées consécutives respectivement de 3,6 heures, 4,7 heures et à nouveau 4,7 heures.
En effet, le télescope HESS, installé en Namibie a ceci de particulier que pour détecter des rayons gamma énergétiques, il compte sur les particules secondaires qu'ils vont produire dans la haute atmosphère et qui en se propageant en gerbes vers le sol vont créer un effet Cherenkov dans l'air. Cette lumière Cherenkov étant très faiblement lumineuse, elle n'est visible que quand le Soleil est couché. 
 
Ce qu'ont vus les chercheurs de la collaboration HESS après analyse des signaux, c'est que le spectre en énergie du flux gamma qu'ils reconstruisent a une forme tout à fait similaire à celle du spectre de rayons X : ils suivent une loi de puissance avec un indice de 2,07. Et lorsqu'ils tracent l'évolution temporelle du flux gamma de haute énergie, ils observent une courbe de luminosité qui là encore suit parfaitement la courbe de luminosité des rayons X. Or, ces caractéristiques similaires entre l'émission X et l'émission gamma de haute énergie n'est pas du tout prédite par les modèles qui décrivent les GRB longs. 

Les modèles acceptés supposent que les deux composantes de l'émission rémanente (X et gamma) doivent être produites par des mécanismes distincts (émission synchrotron pour les X et effet Compton inverse pour les gamma). Les observations de HESS de la rémanence de GRB 190829A montrent au contraire que les rayons X et rayons gamma évoluent de manière synchronisée et leur spectre en énergie est lié.  Ils doivent donc avoir été produits par un même mécanisme en même temps...
Il faut se rappeler que la très grande majorité des GRB n'a été détectée que depuis des instruments en orbite. GRB 190829A est seulement le 4ème GRB à avoir pu être détecté depuis le sol. C'est aussi l'un des rares GRB dont on a pu suivre pendant aussi longtemps la rémanence (presque trois jours). Et enfin, c'est aussi le GRB qui nous a offert les photons les plus énergétiques pour un tel phénomène, avec une énergie de plus de 3 TeV. Il n'est donc peut-être pas si étonnant que ça en a l'air de découvrir des choses surprenantes. Cela révèle certainement que les modèles qui étaient utilisés jusque là pour expliquer les GRB sont au minimum incomplets, ou bien un peu erronés, du fait qu'ils étaient fondés sur des données partielles.  Les chercheurs concluent leur étude en estimant que comme le flux de rayons gamma est cohérent avec une extrapolation du spectre synchrotron des rayons X, il est très difficile de décrire cette émission gamma avec des modèles à une seule zone d'émission. 

La traque des GRB pour un suivi le plus vite possible après leur apparition et sur une longue durée va devoir s'intensifier si on veut vraiment comprendre comment fonctionne ce phénomène parmi les plus violents de l'Univers.

Source

Revealing x-ray and gamma ray temporal and spectral similarities in the GRB 190829A afterglow
H.E.S.S. Collaboration
Science  Vol. 372, Issue 6546, (04 Jun 2021)


Illustration

Vue d'artiste du jet relativiste sortant d'une étoile massive en effondrement gravitationnel et produisant des photons gamma très énergétiques formant un sursaut long  (DESY, Science Communication Lab).

2 commentaires :

Pascal a dit…

Bonjour,

Une nouvelle page à verser dans le dossier des GRB : l'article de T. AHUMADA et al du 26/07/21 dans Nature Astronomy sur le GRB 200826A ; bien que de courte durée, 0.65 sec, le suivi panchromatique de la rémanence (X, radio, visible)a signé un spectre Ic et un mécanisme type collapsar et localisé la galaxie hôte à 6.6 gigaAL.

D'après les auteurs, ce serait une indication que la plupart des collapsars échouent à produire des jets ultrarelativistes réussissant à percer l'enveloppe stellaire ; on serait devant un cas intermédiaire où le jet réussit juste à s'extirper, et de nombreux cas semblables réaliseraient des SGRB "imposteurs"; sans compter les SGRB qui sont en fait des éruptions magnétiques géantes de magnétars...

Un bon thème pour un billet de rentrée ?
Bonnes vacances Eric

Dr Eric Simon a dit…

Merci Pascal, oui, je l'ai repéré ce papier, depuis le fin fond de la Corse où je me trouve actuellement. On en parlera peut-être dès le 15 août...