mercredi 1 août 2012

Des Planètes Habitables grâce à la Matière Sombre

Dan Hooper est un physicien amusant. Ce chercheur du Fermilab et de l'université de Chicago s'intéresse à la recherche de matière noire (pardon, de matière sombre) sous forme de particules massives interagissant faiblement avec la matière ordinaire.  Et comme il est amusant, il s'amuse à faire des calculs qui peuvent parfois donner à sourire. En partant de certaines hypothèses, par définition hypothétiques, il en déduit des résultats assez incroyables, voire à la limite de la réfutabilité et donc de la science.
 
Sans aller jusque-là (quoique), l'un de ses derniers papiers, publié la semaine dernière dans le Journal of Cosmology and Astroparticle Physics, assez friand de ce type de publications je dois dire, s'intitule « Dark Matter and the Habitabily of Planets ».

Hooper démontre que sous certaines conditions, des planètes peuvent produire suffisamment de chaleur interne par l'annihilation de WIMPs pour avoir de l'eau liquide à leur surface, et ce, sans avoir aucun besoin d'une source de chaleur externe comme une étoile. En gros, la matière noire (pardon, sombre) pourrait permettre l'existence de la vie dans l'Univers sans besoin d'étoiles.

Mais revenons à ce calcul théorique, bien évidemment invérifiable expérimentalement. Comme on le sait, la masse totale de matière sombre est considérable et représente un réservoir d'énergie non moins considérable, environ 1000 fois plus que l'énergie totale pouvant être produite par fusion de l'hydrogène dans toutes les étoiles de l'Univers. Considérable, donc. La seule façon existante pour que ces WIMPs émettent de l'énergie, c'est en s'annihilant, c'est-à-dire, étant leur propre antiparticule, lorsque deux WIMPs se rencontrent, elles produisent deux photons gamma dont l'énergie est égale à l'énergie de masse des particules initiales, qui, elles, disparaissent.
Et comme vous le savez sans doute, les WIMPs ont une masse assez importante (qu'on ne connait toujours pas), et son donc liées gravitationnellement avec tout ce qui possède une masse : elles sont attirées par d'autres masses, comme vous et moi, mais aussi (et surtout) les étoiles, ainsi que les planètes.

C'est là que ça devient intéressant. Des WIMPs peuvent ainsi être capturées à l'intérieur de planètes en restant liées gravitationnellement à l'intérieur de la croûte (rocheuse, particulièrement), en formant une sorte de halo interne qu'on imagine en rotation.
Et plus il y a de WIMPs capturées de la sorte, plus leur probabilité de se rencontrer est importante, avec à la clé production de rayons gamma. Les rayons gamma qui seraient ainsi produits à l'intérieur de la planète vont interagir classiquement comme tous les rayons gamma que nous connaissons bien et vont être absorbés et produire des ionisations ou des paires électrons-positrons, qui à leur tour feront de nouvelles ionisations, etc… C'est au final une augmentation de la température du milieu qui apparaît.
Hooper a donc commencé par calculer ce que ça donne avec notre bonne vieille Terre avec toutes ses caractéristiques. Et il trouve que la chaleur produite n'est seulement que d'un milliardième de celle nous arrivant du soleil, autant dire, rien.
Puis il a fait le calcul de toutes ces étapes en prenant  de nombreuses hypothèses sur la nature de la planète, le flux de WIMPs, la localisation de la planète au sein d'un halo galactique de matière sombre, et il en arrive à la conclusion que pour une planète rocheuse de même composition que la Terre avec un noyau de fer, mais qui aurait une masse de l'ordre de 10 fois celle de la Terre, positionnée dans un halo de galaxie à environ 10 parsecs (33 années lumières) du centre galactique, ou bien dans le cœur d'une galaxie naine sphéroïdale, là où la densité de WIMPs est 1000 fois plus importante que par chez nous et où la vitesse des WIMPs est aussi plus faible (facilitant leur « capture »), la température de surface peut finalement dépasser la barre fatidique des 273 kelvins et donc permettre à de l'eau d'être liquide.
Ce phénomène pourrait notamment concerner des planètes rocheuses très éloignées de leur étoile, ou bien des planètes errantes qui ne sont plus en orbite autour d'une étoile.
Hooper fait en outre la remarque judicieuse que non seulement ce type de planète n'a pas besoin d'étoile pour se chauffer, mais aussi possèderait une source d'énergie interne infinie ! En effet, la matière sombre dans ce scénario est toujours présente et partout, la production de chaleur interne est donc assurée pour l'éternité, même quand toutes les étoiles seront éteintes…
On le voit, la matière sombre a décidément de nombreux intérêts de nos jours, et pas seulement pour nourrir l'imagination fertile des physiciens théoriciens. Ne reste plus maintenant qu'à trouver les bons ingrédients organiques dans les mares d'eau à la surface de ces super-Terres, qui, elles, ne sont  pas si hypothétiques que cela…

Source :
Dark matter and the habitability of planets
Dan Hooper, Jason H. Steen
Journal of Cosmology and Particle Physics  07 (2012) 046

2 commentaires :

2494hm a dit…

Bonjour,

Et pour un TN nomade hypermassif traversant un halo galactique de matière sombre, ces calculs donneraient quoi ?

Un quasar ?

Dans ce cas ne devrait-il pas en exister des plus proches de nous ?

Dr Eric Simon a dit…

Les trous noirs sont remplis de matière noire ! Et oui, ils engloutissent aussi bien matière ordinaire, lumière, et matière noire...

Un quasar est simplement le cœur d'une galaxie jeune dont le TN central produit une forte accrétion et donc un rayonnement secondaire important.