Il était à peu près établi que les rayons cosmiques galactiques (des protons très énergétiques) sont issus
des résidus de supernovæ, ces protons ayant subi une accélération lors du
phénomène de supernova. Seulement, ce processus, même généralement admis, n’a
jamais pu être mis en évidence directement, mais seulement à partir d’arguments
indirects.
Mais ça, c’était avant, car c’est
aujourd’hui chose faite ! Nous avons enfin maintenant la preuve directe
que des protons issus de supernovae sont bien accélérés à des vitesses
relativistes.
C’est à une large collaboration
internationale exploitant le télescope
Fermi-LAT (encore lui) que l’on doit ce beau résultat. Ils se sont
intéressés à deux résidus de supernova, IC443
et W44, tous les deux âgés d’environ
10000 ans (date de l’explosion) et situés respectivement à 1,5 kpc et 2,9 kpc.
Ces deux résidus sont les deux
résidus de SN les plus brillants en rayons gamma dans le second catalogue de
Fermi-LAT.
Pour détecter la présence de
protons accélérés grâce à des photons gamma, voilà comment on s’y prend :
si les protons sont accélérés à des hautes vitesses, donc des grandes énergies
cinétiques, lorsqu’ils rencontrent du gaz interstellaire (principalement de
l’hydrogène, donc d’autres protons), ils peuvent produire des réactions nucléaires
avec ces autres protons, ce qui produit des particules qu’on appelle des mésons
pi neutres (ou des pions neutres),
que l’on écrit pi0.
W44 vu en rayons X (Hershel/ XMM Newton) |
Or ces pions neutres ont la bonne idée d’avoir une durée de vie assez courte (8,4 10-17 s) : un pion neutre se désintègre dans 98% des cas en deux photons gamma, qui vont avoir chacun une énergie égale à la moitié de la masse du pi0 (la masse étant équivalente à l’énergie comme vous le savez). Comme le pi0 a une masse de 135 MeV, il suffit de rechercher parmi les photons en provenance des résidus de Supernova des photons de 67,5 MeV (dans le référentiel au repos du pion neutre)…
Et il se trouve que les deux
résidus de supernova observés sont justement entourés de zones gazeuses assez
denses, donc propices à ce genre de processus…
C’est de cette façon que l’équipe menée par M. Ackermann, physicien des astroparticules au synchrotron DESY en Allemagne, a trouvé dans les données patiemment collectées durant 4 ans, entre 2008 et 2012 par Fermi-LAT, la trace absolument non équivoque de la présence de ces protons accélérés.
A partir des spectres gamma
mesurés, les physiciens des astroparticules parviennent non seulement à prouver
qu’il existe bien des protons accélérés dans les résidus de supernova, mais ils
peuvent également reconstruire la distribution en énergie de ces protons
accélérés et fournissent ainsi des données précieuses aux astrophysiciens.
Ces derniers pourront alors mieux
étudier le phénomène d’accélération de particules par les ondes de chocs et les
ejecta en expansion des supernovae, dont on estime qu’elles peuvent transférer
aux rayons cosmiques jusqu’à 30% de leur énergie cinétique, ce qui est
considérable…
Source
:
Detection
of the Characteristic Pion-Decay Signature in Supernova Remnants
M. Ackermann et al.
Science 2013 Vol. 339
no. 6121 pp. 807-811 (15 February)
Aucun commentaire :
Enregistrer un commentaire