vendredi 22 novembre 2013

Atmosphère, atmosphère….

Bien sûr, sans elle, nous ne serions pas là. Bien sûr. Nous la respirons, nous l’expirons. Et nous la haïssons aussi. Nous autres, astronomes, amateurs ou non, n’aimons pas cette couche de gaz à forte teneur en azote. Et nous aimons encore moins ces gouttelettes d’hydrogène et d’oxygène qu’on appelle de l’eau et qui forment ces masses grisâtres et informes qu’on nomme des nuages.
Sans atmosphère et sans nuages, nous serions au paradis de l’astronomie : des observations possibles tous les jours, une qualité de ciel plus que parfaite… Je ne dis pas cela uniquement parce que je me suis levé tôt ce matin pour rien, non, pas seulement. Oui, ce matin, j’avais prévu de jeter un œil à la comète, vous savez… Mais il y avait beaucoup trop de molécules d’eau regroupées en gros nuages tout pourris à l’horizon convoité… (les nuages sont toujours pourris pour l’astronome, sauf peut-être quand il est aussi agriculteur ou jardinier, ce qui n’est pas vraiment mon cas).

Il faut rappeler ici aux curieux du ciel que vous êtes, que même sans la moindre couverture nuageuse, l’atmosphère terrestre est un sérieux obstacle à la pratique astronomique.
Alors que plus un télescope possède un grand diamètre, plus on peut théoriquement atteindre un pouvoir de séparation important, une bonne résolution de l’image vue à l’oculaire, c’est malheureusement la présence de l’atmosphère qui vient limiter ce pouvoir de résolution.

Les professionnels ont résolu ce problème depuis longtemps en envoyant leurs télescopes au-dessus de l’atmosphère ou bien en transformant leurs énormes miroirs en structures mouvantes et adaptables au moindre coup de vent faisant danser la lumière… C’est effectivement le mouvement des masses d’air (du chaud vers le froid), source du vent, qui va induire des petites variations locales de l’indice de réfraction de l’air, qui dépend de sa densité, qui elle-même dépend de la température… Si l’indice de réfraction varie, le chemin de la lumière est modifié (vous avez tous fait l’expérience de regarder un objet dans l’eau et de le voir là où il n’est pas en réalité). Or l’atmosphère est épaisse de plusieurs kilomètres d’air, et la température y est tout sauf uniforme, non seulement dans la hauteur, mais aussi horizontalement bien sûr.
Une étoile initialement quasi ponctuelle, qui devrait le rester sans atmosphère, nous apparaît ainsi à nous autres pauvres amateurs même pas jardiniers, comme une vulgaire tâche.
Observatoire du Pic du Midi (source)
Le seul remède à cela, est de réduire la quantité d’air au-dessus de la zone d’observation, et si on peut par la même occasion limiter la présence des nuages, c’est encore mieux. Monter en altitude. Investir les hauts sommets. Les pros l’ont compris depuis aussi longtemps que les amateurs qu’ils étaient avant de le devenir, pros.
Oui, mais bon. On n’a pas forcément le Mont-Blanc sous la main. Alors il faut vivre avec et tester la qualité du ciel avant de chercher à faire de belles observations. La qualité du ciel se mesure. Il existe des paramètres bien particuliers que connaissent tous les astronomes amateurs. Vous les entendrez par exemple parler de seeing, ou de turbulence ou encore de transparence.

La transparence est le paramètre qui permet d’évaluer la pureté du ciel (absence d’humidité, de pollution lumineuse, etc). Elle est quantifiée en mesurant ce qu’on appelle la magnitude visuelle limite à l’œil nu (mvlon) : quelle est la magnitude de l’étoile la plus faible que vous pouvez voir dans la région située au zénith du lieu d’observation. Pour cela, il suffit de consulter une carte du ciel où les magnitudes des étoiles sont indiquées et de vérifier quelle valeur a celle la plus faible que vous pouvez voir. Il faut bien sûr s’être acclimaté les yeux à l’obscurité avant de faire ce petit exercice (rester dans la nuit sans éclairage autre que rouge durant une demi-heure).
Tâche de diffraction (Takahashi)
Le paramètre de transparence est réparti en 5 familles, du meilleur ciel au plus mauvais :

T1 : mvlon > 6.5. Il s’agit d’un ciel extrêmement pur. Le ciel des grands observatoires, mais aussi de certains coins « normaux » sous des conditions atmosphériques particulières. Le graal.
T2 : 6 < mvlon < 6.5 : Bon ciel, que l’on peut trouver en rase campagne. L’objectif réaliste.
T3 : 5 < mvlon < 6 : ciel moyen, souvent à proximité d’un village ou d’une ville. On peut tout de même observer de nombreux objets du ciel profond (amas d’étoiles, galaxies, nébuleuses, …). On peut faire avec, mais bon.
T4 : 4 < mvlon < 5 : ça commence à être mauvais… Là on est en banlieue d’une grande ville probablement. Les galaxies ne sont plus visibles. Même la voie lactée a disparu. Des amas ouverts sont encore accessibles.
T5 : 2 < mvlon < 4 : le ciel est dans ce cas inexploitable pour l’astronomie du ciel profond. On peut cependant encore observer les planètes et la Lune.

La turbulence atmosphérique (ou seeing) est le second paramètre important. La turbulence est dûe à ce que je disais plus haut au sujet des masses d’air. Elle est mesurée en quantifiant la taille et la forme de la tâche vue pour une étoile.
Dans un télescope parfait sans présence de turbulence, une étoile n’apparaîtrait pas ponctuelle, mais comme un petit disque entouré de cercles concentriques, la tâche d’Airy, phénomène de diffraction propre au système optique de miroirs utilisés. Plus la turbulence atmosphérique est importante, plus cette tâche d’Airy sera déformée. Il suffit donc de pointer une étoile (l’étoile polaire est une bonne candidate) et de défocaliser de manière à voir la tâche de diffraction à l’oculaire.


Le paramètre de turbulence est lui aussi réparti en 5 familles :
S1 (classe V) : turbulence très faible. Image quasi parfaite, les anneaux d’Airy sont à peine agités. Le but recherché.
S2 (classe IV) : turbulence encore bonne, les anneaux sont complets mais assez agités. On fait avec.
S3 (classe III) : turbulence moyenne : les anneaux sont parcourus d’ondulations, parfois brisés et agités. Très bof.
S4 (classe II): turbulence mauvaise, la tâche est très déformée, avec des anneaux très brisés. On peut remballer le matos.
S5 (classe I) : turbulence très mauvaise : anneaux non observables, image très agitée. Pourquoi on est sorti ?


Bon, allez, paraît que la météo est bonne pour demain matin. On a plus qu'à y retourner...



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