Lorsqu'une étoile naine blanche explose, elle produit ce qui est appelé une Supernova de type Ia (SN Ia). Se faisant, l'explosion, qui ne laisse derrière elle aucun objet compact, produit toujours la même quantité d'énergie avec la même décroissance de lumière dans les semaines qui suivent l'explosion, quelle qu'ait été la naine blanche à son origine et quelle qu'ait été la façon dont l'explosion a été déclenchée. Car il existe plusieurs façon pour faire exploser une naine blanche...
Les deux modèles qui semblent de plus en plus co-exister et non pas être en concurrence, sont appelés respectivement le canal "simple dégénéré", dans lequel il n'y a qu'une seule naine blanche au départ, et le canal "double dégénéré" dans lequel deux naines blanches sont en présence.
Vue d'artiste d'une SN Ia de type simple dégénéré (STFC/David Hardy) |
Pour comprendre pourquoi et comment une naine blanche peut exploser très violemment en éparpillant toute sa matière dans le milieu interstellaire, il faut se rappeler qu'une étoile naine blanche est déjà un objet très compact, formé principalement de carbone et d'oxygène, qui n'est stable que grâce à la pression de dégénérescence des électrons qui composent sa matière. Cette pression des électrons, qui empêche deux électrons de même spin de se côtoyer, produit une force qui contrecarre la gigantesque force de gravitation qui est à l'oeuvre et qui tend à effondrer l'étoile sur elle-même. Mais les lois de la mécanique quantique disent que cet équilibre n'est plus possible si la masse de l'étoile dépasse une certaine valeur, qui est appelée la masse de Chandrasekhar, du nom du physicien indien qui à découvert ce phénomène.
La masse de Chandrasekhar vaut 1,44 masses solaires. Toutes les naines blanches font donc moins de 1,44 masses solaires, mais si une naine blanche attire à elle de la matière et par là même se met à dépasser le seuil fatidique, l'effondrement gravitationnel l'emporte sur la pression quantique et s'en est fini de l'étoile.
Les deux voies coexistantes de formation des SN Ia correspondent simplement à deux façons de gagner de la masse jusqu'à atteindre la limite de Chandrasekhar. Quand une seule naine blanche est en jeu (dans la canal "simple dégénéré"), elle se trouve accompagnée d'une autre étoile, plus classique, qui peut être une étoile du type du soleil ou même une géante ou une supergéante, qui est suffisamment proche pour se laisser absorber du gaz de son enveloppe externe.
Dans le canal "double dégénéré", deux naines blanches, qui peuvent être de masse différente, sont en orbite l'une autour de l'autre, ou autour de leur barycentre commun, et se rapprochent lentement et inéluctablement en perdant de l'énergie gravitationnelle. Jusqu'au jour où les deux naines sont si proches l'une de l'autre qu'elles en arrivent à se toucher et si la somme de leurs masses dépasse 1,44 masses solaire, la plus grosse des deux termine sa vie avant sa sœur...
Historiquement, c'est le modèle "simple dégénéré" qui dominait pour expliquer le phénomène SN Ia, puis petit à petit depuis une décennie environ, l'idée du processus "double dégénéré" a trouvée de plus en plus de preuves observationnelles, comme celles apportées par exemple en 2011 par SN 2011fe apparue dans la belle galaxie M101, dont nous avions parlé. Les astrophysiciens ont commencé à avoir de sérieux doutes et ont commencé à pencher d'avantage vers ce processus. Or, les supernovas Ia restent des phénomènes rares et il est difficile de pouvoir clairement départager ces deux origines possibles.
Mais le 3 mai 2014, c'est une nouvelle supernova Ia qui apparut dans la galaxie IC 831 située à 300 millions d'années-lumière, et qui fut détectée par un système automatisé installé sur le télescope du Mont Palomar en Californie, appelé le Intermediate Palomar Transient Factory (iPTF) .
Après quelques heures pour confirmer qu'il s'agissait bien d'une supernova, les chercheurs emmenés par l'astrophysicien Yi Cao, eurent l'opportunité de mobiliser très vite un télescope spatial, Swift, pour observer cette supernova en ultra-violet, des longueurs d'ondes inaccessibles avec une atmosphère au-dessus de la tête. Swift mesura une intense bouffée de rayonnement ultra-violet en provenance de la supernova, augmentant avec l'intensité de lumière globale.
Vue d'artiste du télescope spatial Swift (NASA) |
Cette observation est importante car c'est une signature sans équivoque de la présence d'une étoile compagne qui n'est pas une naine blanche, mais bien une étoile plus classique, donc un système "simple dégénéré". La matière éjectée lors de l'explosion de la naine blanche est projetée sur l'étoile compagne, produisant une onde de choc qui allume la matière aux alentours, formant un cône de rayonnement UV.
Des simulations numériques d'explosions de supernovas Ia ont été menées en 2010 par un astronome de l'université de Berkeley, Daniel Kasen, et il montrait qu'il devait exister une forte bouffée de rayonnement UV lors de la collision de l'ejecta et de l'étoile compagne. Cette observation du 3 mai 2014 est la première du genre qui apparaît tout à fait conforme avec les prédictions numériques.
On est désormais un peu plus sûrs que les deux types de canaux coexistent dans les supernovas Ia, et les astronomes ont maintenant dans leurs mains une méthode infaillible pour déterminer dans quelle sous-famille se trouve une supernova à naine blanche. Malheureusement, les observations ne peuvent pas être rétroactives, on ne pourra pas réanalyser les données des quelques centaines de SN Ia qui ont pu être observées depuis quelques siècles.
Mais les prochaines SN Ia nous diront tout sur leur origine grâce aux deux ingrédients indispensables : une détection très rapide de la supernova (grâce à des télescopes robotisés) et un suivi également très rapide par un télescope spatial UV comme Swift.
Source :
A strong ultraviolet pulse from a newborn type Ia supernova
Yi Cao et al.,
Nature 521, 328–331 (21 May 2015)
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