Même si la sonde américaine MESSENGER a terminé sa mission il y a
quelques semaines en s’écrasant sur Mercure,
les données qu’elle a recueillies ces dernières années continuent à être
exploitées et analysées. C’est le cas par exemple encore aujourd’hui avec la
publication d’une étude concluant à l’existence d’un champ magnétique très
ancien sur Mercure.
MESSENGER (Mercury Surface, Space ENvironment, GEochemistry, and Ranging),
était dotée d’un magnétomètre permettant de mesurer le champ magnétique. Ce sont les données de cet instrument que
l’équipe de Catherine Johnson de l’université de Colombie Britannique à
Vancouver, ont exploité pour étudier le champ magnétique issu de la croûte de
Mercure. En regardant de près le champ
magnétique mesuré quand MESSENGER n’était qu’à seulement 150 km d’altitude, les
chercheurs démontrent l’existence d’une magnétisation rémanante de la croûte de
Mercure, qui signe l’existence d’un champ magnétique global produit par un
processus de type dynamo apparaissant dans les couches externes du cœur fluide
de la planète, et qu’il devait déjà exister il y a 3,7 milliards d’années.
Vue d'artiste de Messenger (NASA/Johns Hopkins University) |
Il faut se rappeler que Mercure
est la seule planète tellurique, avec la Terre, à posséder un champ magnétique
issu d’un phénomène de dynamo interne. Ce champ est beaucoup plus faible que le
nôtre, son intensité ne dépassant pas 1% de celle du champ magnétique
terrestre. Il a la particularité d’être de symétrie axiale, mais asymétrique
vis-à-vis de l’équateur, indiquant une asymétrie nord-sud dans la dynamo
interne.
On connaît l’existence de ce
champ magnétique depuis quelques décennies, depuis que l’on envoie des sondes
autour de Mercure, mais sans pouvoir savoir si ce champ à toujours existé ou
depuis combien de temps il existe. C’est justement à cette question que Johnson
et ses collègues viennent de répondre, ce qui permet par ailleurs de mieux
connaître l’évolution interne de la planète.
Pour savoir que le champ
magnétique de Mercure existait déjà il y plus de 3 milliards d’années, les
planétologues ont utilisé une astuce qui est fondée sur l’existence de roches
magnétisées dans la croûte de Mercure. Ces roches ont acquis leur aimantation
lorsqu’elles étaient en fusion et qu’elles se sont refroidies : en
cristallisant, les particules ferriques ont conservé l’orientation qu’elles
avaient naturellement prises en présence du champ magnétique externe. Ces
roches magnétisées produisent leur propre champ magnétique, qui est au départ
aligné avec le champ magnétique environnant. La subtilité qu’ont su exploiter
les chercheurs est que ces roches dans leur longue durée de vie ont subi
diverses altérations, comme des activités tectoniques, des réchauffements, ou
encore des chocs ou des réactions chimiques, altérant de fait leur aimantation
et donc l’intensité ou la direction du champ magnétique interne produit. Toutes
ses variations en intensité, en direction, ou bien en épaisseur ou profondeur
de couches rocheuses produisent au final des anomalies magnétiques qui peuvent
être détectées à 150 km d’altitude par le magnétomètre très sensible de
MESSENGER.
Entre 2011 et 2014, aucune
anomalie magnétique n’a pu être mesurée par la sonde, ce n’est qu’à partir
d’avril 2014 que MESSENGER est descendu sur une orbite à moins de 200 km
d’altitude et a commencé à mesurer des variations anormales du champ
magnétique. Ces variations ont une intensité très faible, de l’ordre de
quelques dizaines de nanoteslas, mais suffisent à conclure clairement à l’existence
d’un champ magnétique à l’époque très reculée de la cristallisation des couches
rocheuses étudiées.
Les astronomes ont depuis de
nombreuses années construit des modèles thermiques de Mercure. Parmi les deux
processus pouvant être à l’origine de l’apparition d’un phénomène de dynamo,
l’un a pris fin il y a 3,9 milliards d’années et le second a débuté il y a 3,7
milliards d’années. Le premier est la phase de refroidissement superadiabatique
du cœur liquide, et le second la formation des couches internes du cœur,
associée à des effets de refroidissement et de convection.
Les planétologues en concluent donc
que le champ magnétique de Mercure a, dans tous les cas, au moins 3,7 milliards
d’années, et qu’il existait potentiellement encore plus tôt.
Source :
Low-altitude
magnetic field measurements by MESSENGER reveal Mercury’s ancient crustal field
Catherine Johnson et al.
Science
Vol. 348 no. 6237 pp. 892-895 (22 May 2015)
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