25/05/16

Les montagnes étonnantes de Io mieux comprises


Io, le troisième des quatre satellites galiléens de Jupiter en taille, possède une particularité étonnante : ses montagnes. Elles sont à la fois très hautes (pouvant atteindre jusqu’à 18 000 mètres), et très différentes de ce que l’on connaît ailleurs, apparaissant souvent comme des grands blocs abrupts plantés au milieu de plaines. Leur formation, longtemps mystérieuse, est aujourd’hui un peu mieux comprise.



Io est connu pour ces nombreux volcans qui indiquent des processus tectoniques et qui produisent un renouvellement continu de sa surface à raison d’environ 1 cm de lave par an. Pour tenter d’expliquer la formation des montagnes peu communes de Io, deux géologues américains, William McKinnon et Michael Bland, ont construit un code de simulation et parviennent à reproduire l’apparition de montagnes très similaires avec ce qui est observé sur Io.
La communauté des planétologues estimait depuis quelques années que les montagnes de Io pouvaient être liées au fait que le satellite a des éruptions constantes de lave sur toute sa surface et en s’écoulant, cette dernière produit des forces de compression qui augmentent avec la profondeur. C’est pour tester cette hypothèse que les chercheurs américains ont développé leur modèle géologique de Io. Ils ont reproduit le comportement de la surface et du sous-sol qui se comporte à la manière d’une boîte de carton que l’on pourrait tordre par ses côtés comme un accordéon, selon l’auteur principal de l’étude.
Ils montrent que les contraintes se concrétisent en  une fracture unique, une faille, qui apparaît à grande profondeur dans la lithosphère du satellite et remonte vers la surface. Lorsque la faille atteint la surface, elle produit une large falaise escarpée qui étire la surface se trouvant en surplomb. Ce processus permet en outre d’expliquer pourquoi des éruptions récentes sont souvent vues à proximité des montagnes sur Io. Les forces de compression en profondeur dans la croûte de Io sont extrêmement élevées et seraient donc à l’origine de l’apparition de ces hautes falaises.

Le modèle développé permet également de mieux comprendre pourquoi les montagnes de Io sont souvent associées avec des dépressions irrégulières appelées des patera : lorsque l’environnement change, une chambre magmatique peut se former dans la croûte et lorsque le magma s’est écoulé, la croûte en surplomb peut s’effondrer et former ces patera.
Et le modèle de McKinnon et Bland permet d’expliquer encore d’autres phénomènes atypiques rencontrés à la surface de Io comme la présence de montagnes littéralement coupées en deux parties qui s’éloignent l’une de l’autre, et l’existence d’une anti-corrélation entre montagnes et volcans. Lorsque l’on regarde une carte de Io, on voit très nettement une concentration de montagnes d’un côté et une concentration de volcans de l’autre. Les planétologues expliquent que cette répartition n’est pas uniquement dûe à une différence de masse de lave qui induirait une plus forte compression de la croûte de Io, mais c’est aussi en partie lié à une différence de température. La température élevée en profondeur tend à produire une expansion des roches, qui produit alors une compression supplémentaire et les forces qui vont avec.
Tant que les volcans sont en  éruption, ils permettent de libérer la chaleur interne, et le stress thermique de la croûte est alors relativement faible, réduisant la formation de montagnes. Mais dès que le volcanisme s’arrête, la croûte s’échauffe telle une cocote minute, la pression interne augmente et des montagnes se forment par le mécanisme décrit.
« C’est un mécanisme de formation de montagnes qui n’a jamais été vu ailleurs dans le système solaire », assure William McKinnon. D’après les auteurs, qui publient leur étude dans la revue Nature Geoscience, il se pourrait qu’un tel mécanisme ait existé sur la Terre lorsqu’elle était très jeune et recouverte d’un océan peu profond. Ces types de reliefs étonnants auraient ainsi pu former les premières terres émergées de notre planète.
https://source.wustl.edu/2016/05/mathematical-mountains-like-jupiters-moon-io/

Source : 
Mountain building on Io driven by deep faulting
Michael T. Bland & William B. McKinnon
Nature Geoscience (16 may 2016) 

Images :
(1) Mongibello Mons, montagne de 8600 m apparaissant sur une plaine volcanique de Io, imagée par la sonde Galileo (NASA/JPL/University of Arizona)
(2) Io, imagé en totalité par Galileo. Le satellite ne montre aucun cratère d'impact, sa surface étant continuellement renouvelée par des écoulements volcaniques (NASA/JPL/University of Arizona).

2 commentaires :

Youx a dit…

Bonjour Eric,
Ces montagnes d'Io me font penser au Sentinel Range, en Antarctique.
Mêmes reliefs taillés à la serpe dans des paysages plats.
Pourrait-il y avoir une similitude dans leur histoire?
Michel

Dr Eric Simon a dit…

Bonjour,

Je ne sais pas... Comme je le disais, les auteurs de l'étude sur Io pensent que la Terre aurait pu connaître les mêmes phénomènes, mais je ne sais pas si ça peut concerner l'Antarctique, et surtout si de tels reliefs anciens pourraient encore être visibles aujourd'hui...