31/01/17

Saturne : la piste du KBO pour la formation des anneaux


A l’heure où la sonde Cassini est en train de frôler les anneaux de Saturne pour nous envoyer chaque jour des images plus époustouflantes les unes que les autres, les recherches sur l’origine des anneaux de Saturne sont toujours actives et pour l’instant sans réponse définitive. Une équipe franco-japonaise propose un modèle qui fait intervenir la brisure d’objets de la ceinture de Kuiper (KBO) par les forces de marée de Saturne.




L’origine des somptueux anneaux de Saturne est toujours inconnue aujourd’hui, on sait surtout qu’ils sont composés de glace d’eau à 90% voire 95%, pour une masse totale d’environ 1019 kg. On sait également que les anneaux des autres planètes gazeuses, Uranus et Neptune, sont très différents, beaucoup mois massifs et plus sombres, avec probablement une forte composante rocheuse.

D’après le modèle d’évolution du système solaire le plus accepté aujourd’hui, qu’on appelle le modèle de Nice, les planètes géantes ont pu subir une grande migration au sein du système, coïncident avec l’époque dite du Bombardement Massif Tardif (Late Heavy Bombardment). Et au cours de cette migration, Jupiter, Saturne, Uranus et Neptune ont pu rencontrer de nombreux corps de la ceinture de Kuiper primordiale. A cette époque vieille de plusieurs milliards d’années, la ceinture de Kuiper pouvait être plus massive qu’aujourd’hui et comporter des gros objets ayant une masse jusqu’à 1022 kg, la taille de Pluton.

Les chercheurs japonais et français dirigés par Ryuki Hyodo (Université de Kobe) ont simulé ce qui se passerait si un tel objet de la ceinture de Kuiper venait à passer au voisinage proche de Saturne ou d’Uranus et subissait une destruction par effets de marée gravitationnelle.


Ils trouvent qu’une fraction importante de la masse se retrouve capturée par Saturne : entre 0,1% et 10%, mais les débris forment tout d’abord des gros morceaux. Les simulations plus fines du comportement de ces blocs en orbite excentrique autour de Saturne montrent ensuite qu’ils finissent en seulement quelques révolutions autour de Saturne à se décomposer en fragments de plus en plus petits et à finalement former un anneau équatorial de faible excentricité.
La masse de l’anneau ainsi formé, selon les chercheurs, est suffisante pour expliquer non seulement les anneaux que Cassini nous fait admirer aujourd’hui mais aussi la masse des petits satellites internes de Saturne, qui se seraient formés par agglomération de cette même matière de glace.

Ryuki Hyodo et ses collaborateurs montrent que le même processus a pu avoir lieu autour d’Uranus mais avec une différence notable qui permet d’expliquer la différence visible dans la nature des anneaux des deux planètes. Etant donné que la densité d’Uranus est plus élevée (1,27) que celle de Saturne (0,69), les objets de la ceinture de Kuiper peuvent s’en approcher plus près et subir des forces de marées beaucoup plus fortes. La conséquence pour les KBO qui sont formés de plusieurs couches, un noyau rocheux et une croûte de glace, est qu’ils seraient « épluchés » plus en profondeur autour d’Uranus, jusqu’à la roche, formant alors finalement un anneau composé à la fois de glace et de roches, à l’opposé de Saturne où jusque la glace est accrétée.

Cette étude, publiée dans la revue Icarus, montre donc que les anneaux des planètes géantes peuvent être juste un sous-produit des processus de formation des planètes. Il ne fait aucun doute que les planètes géantes d’autres systèmes possèdent également un anneau  formé par les mêmes processus. Inutile de dire notre hâte de voir un jour de tels exo-anneaux et juger s’ils pourraient rivaliser avec les images de la sonde Cassini, à défaut de nous faire mieux comprendre comment ils se forment.

Référence

Ring formation around giant planets by tidal disruption of a single passing large Kuiper belt object
Ryuki Hyodo et al.
Icarus 282 (2017) 195–213
http://dx.doi.org/10.1016/j.icarus.2016.09.012


Illustrations 

1) Daphnis créant des ondes de densité sur la bordure de l'anneau A
2) Gros plan sur l'anneau B
3) La partie externe de l'anneau B, perturbée par la résonance gravitationnelle de Mimas.
NASA / JPL-Caltech / Space Science Institute

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