28/01/17

La piste du méthane et de l'hydrogène pour expliquer le réchauffement ancien de Mars


Alors que la présence d'eau liquide sur Mars il y a plusieurs milliards d'années reste toujours paradoxale, des traces géologiques étant observées mais la température a priori à l'époque ne le permettant pas, une étude montre aujourd'hui que des émissions géologiques de méthane et d'hydrogène auraient pu produire un effet de serre suffisant et maintenir une température élevée.




L'équipe de la School of Engineering and Applied Sciences de Harvard menée par Robin Wordsworth, publie ses recherches dans Geophysical Research Letters, les chercheurs y montrent que les interactions entre le méthane, le dioxyde de carbone et l'hydrogène ont pu créé des périodes chaudes à même de maintenir de l'eau à l'état liquide.
On parle ici d'une époque reculée, il y a entre 3 et 4 milliards d'années. A cette époque, le soleil était environ 30% moins lumineux qu'aujourd'hui et donc autant moins de chaleur parvenait à la surface de Mars. L'atmosphère actuelle de Mars est composée à 95% de dioxyde de carbone, mais le CO2 seul ne permet pas d'expliquer les températures élevées qui ont dû exister sur l'ancienne Mars. Même en simulant une atmosphère de CO2 très dense avec une pression atmosphérique plusieurs centaines de fois la pression actuelle sur Mars, l'effet de serre induit ne produit pas la température permettant à l'eau de s'écouler à la surface en laissant des traces géologiques (érosion de reliefs ou autres formations qui sont encore observables aujourd'hui). Les planétologues américains ont donc introduit dans leur modèle autre chose que du CO2, capable de créer également un effet de serre. Et cet autre gaz n'est autre que le méthane, dont le pouvoir de rétention du rayonnement infra-rouge (l'effet de serre) est bien connu et plus important que celui du dioxyde de carbone. 
Les atmosphères des planètes rocheuses finissent toujours par perdre leurs gaz légers, qui s'échappent inéluctablement vers l'espace. Parmi ces gaz, on trouve bien sûr le plus léger d'entre eux, l'hydrogène, mais aussi le méthane.



Aujourd'hui, le méthane est très peu abondant dans l'atmosphère de Mars, quasi indétectable. Mais il y a plusieurs milliards d'années, les processus géologiques ont pu libérer de grandes quantités de méthane (CH4). Le méthane peut ensuite subir une suite de réactions chimiques avec le CO2 comme celles qui ont été observées récemment à la surface de Titan, pour former finalement de l'hydrogène qui s'échappera, et des composés organiques.
Robin Wordsworth et ses collaborateurs ont étudié en détail ces réactions chimiques impliquant méthane, dioxyde de carbone et hydrogène sous un rayonnement similaire à celui que recevait Mars à l'époque. 
Leurs calculs quantiques montrent que c'est l'absorption de rayonnement induite par les collisions des molécules CO2-H2 et CO2-CH4 (des collisions moléculaires inélastiques) qui a été significativement sous-estimée jusque là.
Ainsi, dans une atmosphère de 0,5 bar de CO2 minimum, quelques pourcents d'hydrogène ou de méthane ont pour effet d'augmenter la température moyenne annuelle de plusieurs dizaines de degrés. La température de 0° est alors atteinte sous une pression atmosphérique comprise entre 1,25 et 2 bars et avec entre 2% et 10% de H2 et de CH4.
Comme le précise Robin Wordsworth :"Cette étude montre que l'effet de serre engendré par le méthane et l'hydrogène ensemble a été largement sous-estimé, nous avons découvert que ces gaz, et leur interaction avec le CO2, ont pu induire un réchauffement beaucoup plus important que ce nous croyions auparavant."
Il semble que ce soit Carl Sagan qui fut le premier à faire l'hypothèse, en 1977, que le réchauffement induit par l'hydrogène ait pu être important sur la jeune Mars, mais c'est la première fois que des planétologues arrivent à calculer précisément cet effet, associé à celui du méthane.
Il reste maintenant à éclaircir quels sont les processus géologiques martiens qui ont pu produire du méthane en grandes quantités il y a quelques milliards d'années...


Référence 

Transient reducing greenhouse warming on early Mars
R. Wordsworth, et al. 
Geophysical Research Letters 44 (26 January 2017)
https://dx.doi.org/10.1002/2016GL071766


Illustrations

1) Mars
2) Spectres d'absorption calculés des collisions CO2-H2 et CO2-CH(R. Wordsworth, et al. 

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