25/10/17

Des océans de magma dans des planètes du système de TRAPPIST-1


Vous vous souvenez sans doute de TRAPPIST-1, cette étoile naine rouge autour de laquelle fut découvert un système de 7 planètes rocheuses il y a quelques mois. Aujourd'hui, une nouvelle étude paraissant dans Nature Astronomy, annonce que parmi les 7 planètes, 4 pourraient être échauffées fortement par induction magnétique jusqu'à avoir, pour deux d'entre elles, des océans de magma liquide et un volcanisme très actif... 




TRAPPIST-1 est une étoile de classe M : une naine rouge assez froide, de faible masse (0,08 masse solaire), qui possède un très gros champ magnétique, et qui tourne très vite sur elle-même (une période de 3,2 jours). Elle est bien différente du soleil et elle est surtout très similaire à une grande majorité des étoiles qui peuplent notre galaxie. Les étoiles naines de type M sont connues pour avoir un champ magnétique pouvant atteindre 1000 Gauss. Celui de TRAPPIST-1 a été mesuré à 600 Gauss. Pour comparaison, le champ magnétique d'une étoile de type G comme le Soleil est de l'ordre de 10 Gauss.
Kristina Kislyakova (Université de Vienne), et ses collaborateurs, montrent que si le champ magnétique de l'étoile (l'axe de son dipôle) est désaligné par rapport à l'axe de rotation, alors un phénomène d'induction peut apparaître dans le manteau des planètes les plus proches, au moins les quatre premières, leur croûte étant faite d'une matière conductrice. C'est la variation incessante du champ magnétique vu par les planètes qui est à l'origine de cette induction. 
Pour faire leur calcul, les chercheurs estiment la dissipation d'énergie dans une géométrie sphérique, en considérant que les planètes sont des sphères constituées de couches concentriques ayant une conductivité uniforme. Ils résolvent ensuite l'équation d'induction
dans chaque couche. En connaissant le courant et la conductivité, ils peuvent calculer l'énergie dissipée dans chaque couche.
Comme les masses des planètes de TRAPPIST-1 n'ont pas encore été mesurées précisément et que l'on connaît mal quelle peut être leur conductivité, Kristina Kislyakova et ses collègues ont fait l'hypothèse d'une composition semblable à celle de la Terre, avec un profil de conductivité similaire, celui d'un manteau sec de silicates pauvres en fer. Il s'agit des hypothèses les plus raisonnables étant donné les incertitudes sur les masses de ces planètes.


La conséquence de cette induction magnétique, à l'image de ce qui se passe sur votre plaque de cuisson, est un échauffement intense et continu, ici durant plusieurs milliards d'années, qui peut produire la liquéfaction de la croûte des planètes et renforcer alors drastiquement l'activité volcanique à leur surface.
Pour la deuxième et la troisième planète du système de TRAPPIST-1, nommées TRAPPIST-1c et TRAPPIST-1d, les chercheurs calculent que la chaleur induite serait si importante qu'elle pourrait être à l'origine de la présence d'un océan de magma liquide. La chaleur produite par induction y est plus élevée de 50 à 60% par rapport à la chaleur produite par la radioactivité interne. Les autres planètes du système sont moins affectées, et les trois les plus éloignées sont même quasi pas affectées par le phénomène d'induction magnétique, du fait de leur plus grande distance de l'étoile.
TRAPPIST-1c et TRAPPIST-1d pourraient ainsi ressembler à Io, satellite de Jupiter parsemé de volcans en éruption alimentés par un océan de magma. Il est intéressant de noter que des éruptions de ce type peuvent produire une atmosphère gazeuse, principalement constituée de CO2. Les chercheurs évaluent l'augmentation de pression atmosphérique consécutive à ces phénomènes sur les planètes de TRAPPIST-1 à plusieurs dizaines de bars.

Le phénomène d'induction magnétique provoqué par les étoiles naines rouges (caractérisées par un fort champ magnétique couplé à une rotation rapide) est souvent peu considéré lorsqu'est évoquée la "zone habitable" autour de telles étoiles. Cette zone étant toujours proche de l'étoile du fait de leur faible rayonnement, c'est aussi là où l'induction magnétique est la plus importante, avec tous les effets qu'elle peut générer sur les critères d'habitabilité, qui devient alors toute relative.

Source
Magma oceans and enhanced volcanism on TRAPPIST-1 planets due to induction heating
K. Kislyakova, L. Noack, C. Johnstone, V. Zaitsev, L. Fossati, H. Lammer, M. Khodachenko, P. Odert & M. Güdel
Nature Astronomy (23 octobre 2017)


Illustrations 
1) Vue d'artiste du système TRAPPIST-1 (NASA/JPL/Caltech)
2) Schéma de la variation de l'amplitude du champ magnétique vu à la surface d'une planète, à l'origine du phénomène d'induction (K. Kislyakova et al.)

3 commentaires :

Alexis François a dit…

J'ai l'impression que plus on étudie les naines M, moins elles semblent favorable à des conditions d'habitabilité...

Alexis François a dit…

J'ai l'impression que plus on avance dans l'étude des naines M et moins elles semblent favorable à la vie...

Pascal a dit…

En effet le récent emballement pour les naines rouges autour desquelles gravitent la majorité des exoplanètes est quelque peu douché par de nombreux facteurs peu propices à une biosphère. L'induction magnétique en est un de plus, ceci étant il semble toucher surtout des planètes déjà à priori inhabitables par leur proximité avec les irradiations dures (X et UV) de l'étoile, l'emballement de l'effet de serre, la disparition de l'eau par photodissociation... Ainsi seules Trappist e,f,g étaient réputées être dans une zone habitable "naïve", alors si b,c,d sont des Io en plus d'avoir des atmosphères vénusiennes, cela ne rajoute guère à leur "inhabitabilité" !