Des minéraux hydratés ont été détectés en abondance par la sonde Dawn dans la croûte de Cérès, le plus gros astéroïde du système solaire, laissant penser qu'il aurait eu un océan global dans un lointain passé... Deux études différentes concluent dans le même sens.
Des planétologues analysant les données de la sonde Dawn, dont la mission autour de Cérès vient d'être prolongée, trouvent que sa croûte est un mélange de glace, de sels et de matériaux hydratés, tout ce qu'il faut pour représenter un ancien océan. L'équipe de Anton Ermakov (Jet Propulsion Laboratory) a utilisé les données du champ gravitationnel de Cérès mesuré par Dawn pour en déduire la structure interne et la composition de l'astéroïde. Ces mesures très délicates ont été effectuées en observant les très faibles changements de vitesse de la sonde grâce à son suivi de haute précision par le Deep Space Network de la NASA. Les planétologues publient leurs résultats dans Journal of Geophysical Research, ils y montrent que Cérès est très probablement active géologiquement, soit actuellement ou bien très récemment. Les trois cratères Occator, Kerwan et Yalode, ainsi que le relief étonnant Ahuna Mons paraissent tous associés à des "anomalies de gravité", qui peuvent être liées à la présence de structures de subsurface. Par exemple, dans le cas du cratère Occator et de Ahuna Mons, les chercheurs penchent très fortement vers du cryovolcanisme. Ils trouvent que la densité de la croûte est relativement faible, plus proche de la glace que de la roche. Mais la croûte paraît aussi plus dure que de la simple glace, ce qui laisse perplexe plus d'un spécialiste.
C'est pour tenter de répondre à cette énigme que Roger Fu (Harvard) et ses collaborateurs ont étudié la topologie de Cérès pour estimer les caractéristiques de sa croûte et de ses couches plus profondes. Un corps très rocheux, dur, peut rester quasi inchangé durant plusieurs milliards d'années, tandis qu'un corps riche en glace et en sels doit se déformer sensiblement dans le temps. Roger Fu et son équipe, qui eux publient leur étude dans Earth and Planetary Science Letters, ont modélisé comment la croûte de Cérès se transforme dans le temps. Ils trouvent aussi qu'il ne peut s'agir que d'un mélange de glace, de sel et de roche, ainsi que d'hydrate de clathrate, un ensemble de molécules d'eau formant une sorte de cage retenant une molécule de gaz. L'hydrate de clathrate est beaucoup plus dur que ne l'est la glace "classique", 100 à 1000 fois plus, mais pourtant avec une densité très proche. Ils estiment aussi que Cérès devait avoir beaucoup plus de structures de surface (montagnes et vallées) mais qu'elles se sont aplanies au cours du temps. Ce comportement implique que la croûte doive se situer au dessus du couche bien plus déformable. Roger Fu et ses collaborateurs vont même jusqu'à interpréter que les couches de subsurface contiennent actuellement du liquide.
L'idée des chercheurs est que la plus grande partie de l'ancien océan de Cérès est aujourd'hui gelé et constitue sa croûte, mais pas entièrement gelé, et qu'il resterait des zones d'eau liquide, peut-être importantes, en profondeur.
Les mesures de Dawn ne peuvent hélas qu'être indirectes mais l'extension de sa mission qui devrait lui faire faire des survols rapprochés de la surface de Cérès, pourra peut-être fournir d'autres indices très utiles.
Sources
Constraints on Ceres’ internal structure and evolution from its shape and gravity measured by the Dawn spacecraft
A. I. Ermakov, R. R. Fu, J. C. Castillo-Rogez, C. A. Raymond, R. S. Park , F. Preusker, C. T. Russell, D. E. Smith, M. T. Zuber
à paraître dans Journal of Geophysical Research
A. I. Ermakov, R. R. Fu, J. C. Castillo-Rogez, C. A. Raymond, R. S. Park , F. Preusker, C. T. Russell, D. E. Smith, M. T. Zuber
à paraître dans Journal of Geophysical Research
The interior structure of Ceres as revealed by surface topography
R. Fu et al.Earth and Planetary Science Letters Volume 476, 15 October 2017, Pages 153-164
https://doi.org/10.1016/j.epsl.2017.07.053
R. Fu et al.Earth and Planetary Science Letters Volume 476, 15 October 2017, Pages 153-164
https://doi.org/10.1016/j.epsl.2017.07.053
Illustration
Cérès imagé par la sonde Dawn. Les zones d'anomalie de gravité sont représentées en couleur (NASA/JPL-Caltech/UCLA/MPS/DLR/IDA)
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