jeudi 24 mai 2018

Les ondes radio d'un pulsar amplifiées 80 fois par du plasma


Une équipe d'astrophysciens vient de démontrer dans une étude parue cette semaine dans Nature que du plasma entourant un pulsar peut amplifier jusqu'à 80 fois son signal d'ondes radio. Le phénomène pourrait être l'origine des événements FRB (Fast Radio Bursts) encore énigmatiques. 



C'est le pulsar nommé PSR B1957+20 que Robert Main (Université de Toronto) et ses collaborateurs ont étudié. Il s'agit d'un pulsar accompagné d'une étoile dans un système binaire très resserré, avec une période orbitale de 9,2 h. L'étoile à neutrons est si proche de sa compagne que son vent de particules arrache de la matière à l'étoile compagne produisant ainsi un nuage de gaz ionisé, du plasma. C'est sans doute la raison pour laquelle ce pulsar est parfois appelé le pulsar de la Veuve Noire, en référence à l'araignée cannibale du même nom.
Et ce que montrent Robert Main et ses collaborateurs, c'est que le signal radio émanant de la magnétosphère de l'étoile à neutrons, en traversant le nuage de plasma, est extrêmement amplifié. Le plasma joue le rôle d'une véritable lentille électromagnétique. Il se trouve que, de notre point de vue, dans sa course dans le système binaire, le pulsar se retrouve éclipsé une fois par orbite par le nuage de plasma. Et en observant ce signal radio avec le radiotélescope de 305 m d'Arecibo (Puerto Rico), les astrophysiciens ont pu regarder en détail l'évolution temporelle du signal radio sur une échelle de seulement quelques microsecondes. Ils observent une augmentation importante du signal toujours aux mêmes endroits de l'orbite : au niveau des bords du nuage de plasma, juste avant et juste après que le pulsar soit complètement éclipsé. Durant quelques millisecondes à chaque fois, le signal se retrouve amplifié par un facteur de 70 à 80 pour certaines fréquences.
Les chercheurs en concluent que les bords du nuage de plasma agissent comme de véritables lentilles. Dans un volume important de plasma, la direction des ondes radio est en effet modifiée et les ondes qui provenaient de directions différentes peuvent se retrouver toutes pointant vers la même direction, nous en l’occurrence, produisant une forte amplification du signal. Le point brillant produit dans ce processus est appelé une caustique, et ce même phénomène peut être observé avec la lumière visible dans le fond d'une piscine sous le soleil par exemple. 

En observant en détail comment l'effet de lentille change en fonction du temps (et en fonction de la fréquence des ondes radio), Main et ses collaborateurs arrivent à déduire des détails incroyables, de l'ordre de la dizaine de kilomètres, sur la région d'origine des ondes radio du pulsar (sa magnétosphère, qui s'étend seulement à 100 km au dessus de la surface de l'étoile à neutrons). Il faut rappeler que cet astre se trouve à une distance de 1017 km de nous. Cela revient, pour comparer, à voir un cheveu sur la surface de Mars! 
Le phénomène de lentille électromagnétique causée par du plasma n'est pas inédit. Certaines variations de l'intensité des ondes radio émises par des quasars distants ont été attribuées à de possibles amplifications par des structures de plasma dans notre galaxie.  Des variations dans le signal radio pulsé du pulsar du Crabe ont également été expliquées par la présence des filaments de plasma dans l'entourage du pulsar.

Mais l'observation de Robert Main et ses collègues offre aussi une solution très pertinente qui pourrait résoudre l'énigme des Fast Radio Bursts (FRB), ces brusques bouffées d'ondes radio très courtes, qui ont été détectées depuis une dizaine d'années et dont l'origine demeure très incertaine. 
En effet, les structures en fréquence amplifiées par la lentille qui sont mesurées sont très similaires à ce qui a été observé sur la plus célèbre bouffée rapide d'ondes radio :  FRB 121102 dont nous avons abondamment parlé ici. 
Les FRB  pourraient donc n'être que des émissions radio de pulsar amplifiées subrepticement par du plasma dans leur voisinage ou dans leur galaxie hôte. On sait déjà par exemple que FRB121102 a pour origine une région de formation stellaire potentiellement riche en plasma d'une petite galaxie et qu'une autre FRB, FRB110523 montre un signal qui a été visiblement diffusé au sein de sa galaxie hôte avant de nous parvenir, un autre indice. Selon Main et ses collaborateurs, la présence d'effet de lentille par du plasma peut tout à fait expliquer les caractéristiques qui ont été observées dans les FRB : l'amplification variable, les structures étroites en fréquence, les temps d'arrivée regroupés et la forte amplification (qui les rend observables un court instant).

Le résultat de l'équipe de Robert Main ouvre de belles perspectives. De telles lentilles électromagnétiques pourraient servir pour cartographier la magnétosphère des pulsars avec une précision inouïe. Mais cette technique requiert cependant de connaître en détail le nuage de plasma qui fait lentille. Ce n'est qu'un début...


Source 

Pulsar emission amplified and resolved by plasma lensing in an eclipsing binary
Robert Main, I-Sheng Yang, Victor Chan, Dongzi Li, Fang Xi Lin, Nikhil Mahajan, Ue-Li Pen, Keith Vanderlinde & Marten H. van Kerkwijk
Nature  557, pages 522–525 (23 May 2018)


Illustrations

1) Schéma illustrant le phénomène de lentille sur les ondes radio du pulsar par le plasma entourant le système binaire (Nature)

2) Le radiotélescope d'Arecibo (GDA/AP IMAGES)

1 commentaire :

Pascal a dit…

Bonjour,

A propos du mécanisme invoqué à l'origine de FRB : PSR 1957+20 est à 5000 AL, et les plus lointains pulsars détectés sont dans les nuages de Magellan, à environ 10^5 AL, alors que FRB 121102 est estimé être situé à 3.10^9 AL ; soit 30 000 fois plus loin ; ne faut-il pas alors une amplification considérable, de l'ordre du milliard, pour expliquer la détection de pulsars aussi lointains sous la forme des FRB ?