Une équipe d'astronomes hispano-française vient de trouver la trace de l'origine de près de la moitié des étoiles formant le disque de notre galaxie : ils ont identifié une énorme bouffée de formation d'étoiles qui se serait passée il y a environ 3 milliards d'années, probablement à cause de la rencontre avec une autre galaxie.
Roger Mor (Universitat de Barcelona) et ses collaborateurs espagnols et français ont exploité les données très riches du télescope Gaia : distances, couleurs (types spectraux) et magnitude de plusieurs millions d'étoiles du disque. Ils montrent dans leur étude qui est publiée dans Astronomy and Astrophysics que la formation stellaire s'est emballée il y a entre 5 et 1 milliards d'années.
Pour arriver à cette conclusion, les chercheurs ont produit une analyse multiparamétrique sur les millions d'étoiles du catalogue exploité, sur pas moins de 15 paramètres, comportant notamment la fonction de masse initiale (l'IMF), qui donne le spectre des masses des étoiles à leur naissance, et aussi ce que les astronomes appellent l'histoire de formation stellaire (ou SFH en anglais). Ils ont utilisé un modèle de formation galactique qui est nommé le Besançon Galaxy Model (développé à l'observatoire de Besançon vous l'aurez compris), auquel ils ont associé un algorithme d'analyse Bayésienne.
La formation stellaire est dirigée par la quantité de gaz disponible dans une galaxie. Elle est très forte dans les débuts puis diminue au fur et à mesure que le gaz devient de plus en plus rare. Les astrophysiciens montrent dans leur étude que c'était bien le cas entre 10 et 6 milliards d'années dans le passé, mais qu'à partir de -5 milliards d'années, un véritable "baby boom" d'étoiles a eu lieu à la faveur de l'apport de gaz frais, très probablement venu de l'extérieur, c'est à dire d'une galaxie naine riche en gaz qui aurait été absorbée.
On ne parle pas de quelques millions d'étoiles mais bien de plusieurs milliards. Les chercheurs parviennent à déterminer que le disque galactique a commencé à être perturbé il y a environ 5 milliards d'années, et le baby-boom s'est arrêté il y a environ 1 milliard d'années après avoir duré particulièrement longtemps, 4 milliards d'années.. Le taux de formation d'étoiles actuel est redescendu à environ 1 masse solaire par an, après avoir atteint une valeur presque 10 fois supérieure i l y a 3 milliards d'année lors du maximum.
Les modèles cosmologiques prédisent que des galaxies comme la nôtre grossissent par fusion avec d'autres galaxies. Une de ces fusions aurait donc été particulièrement productive en formant de très grandes quantités d'étoiles. En même temps, les observations de Gaia confirment indirectement le modèle cosmologique de formation et d'évolution des galaxies.
Les résultats du télescope astrométrique européen Gaia, ont induit depuis la dernière publication de données en avril 2018, ce qu'on appelle la DR2 (la Data Release numéro 2) plus de 1200 articles couvrant de nombreux domaines de l'astrophysique, depuis la détection de nouveau amas d'étoiles, de nouveaux astéroides, la découverte d'étoiles d'origine extragalactique, en passant par l'évaluation de la masse de la Galaxie, jusqu'à la mesure de la constante de Hubble-Lemaitre, et donc maintenant l'histoire mouvementé de notre galaxie. Roger Mor et ses collègues espèrent bien encore pouvoir affiner leur analyse avec les prochaines données de Gaia qui offrira encore plus d'étoiles avec des paramètres toujours plus précis.
L'ESA a approuvé récemment une extension de la mission de Gaia jusque fin 2020, une année supplémentaire par rapport à ce qui était prévu, mais le satellite aurait encore suffisamment de carburant pour poursuivre sa mission jusqu'à 2024...
Source
Gaia DR2 reveals a star formation burst in the disc 2-3 Gyr ago
R. Mor, A. C. Robin, F. Figueras, S. Roca-Fàbrega and X. Luri
Astronomy and Astrophysics, Volume 624, April 2019.
Illustrations
1) Zone de la Galaxie ayant permis de mettre en évidence la bouffée de formation d'étoiles avec Gaia (ESA/GAIA/DPAC)
2) Distribution des 3 millions d'étoiles mesurées par Gaia utilisées dans cette étude (Université de Barcelone)
3) Evolution dans le temps du taux de formation stellaire inféré par l'analyse des données de Gaia (Mor et al.)
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