Il aura fallu moins d'une semaine pour annoncer la localisation à nouveau d'une nouvelle FRB ! Cette fois-ci, c'est dans Nature que l'étude est publiée, et cette nouvelle localisation d'une bouffée rapide d'ondes radio pointe à nouveau vers une grande galaxie, comme celle de la semaine dernière, et donc à nouveau très différente du cas référence de FRB 121102.
Vikram Ravi (Caltech) et ses collaborateurs exploitent un réseau de radiotélescopes du Owens Valley Radio Observatory (OVRO), qui est située dans la Sierra Nevada en Californie et qui porte le nom de Deep Synoptic Array (DSA). Grâce à cet instrument, ils ont pu déterminer une position précise pour une FRB détectée le 23 mai 2019, et qui porte donc le nom de FRB 190523. A partir de cette position, ils ont utilisé le télescope W. M. Keck à Hawaï pour voir ce qu'il y avait à cet endroit. Et ils sont tombés sur une galaxie distante de 7,9 milliards d'années.
Précisons que comme la découverte par des chercheurs australiens parue dans Science, que nous avons relatée la semaine dernière, cette nouvelle FRB est de type "classique", c'est à dire qu'elle ne s'est pas répétée. Il s'agissait d'une bouffée unique, de quelques millisecondes. Mais le réseau américain OVRO est capable de fournir une localisation sans besoin de signaux répétés, de la même manière que le réseau ASKAP australien.
Le Deep Synoptic Array est composé aujourd'hui d'un nombre d'antennes moins important que ASKAP : 10 antennes de 4,5 m, ce qui revient à une antenne virtuelle de plus d'un kilomètre de diamètre par interférométrie. Mais il n'est que dans sa version prototype et devrait grandir très vite pour arborer pas moins de 110 antennes dans deux ans.
D'après les spécialistes, le DSA deviendra une véritable usine à FRB, avec une estimation de localisation de plus de 100 FRB par an (2 par semaine!...).
L'autre point commun entre cette nouvelle FRB localisée, FRB 190523, et celle de la semaine dernière, FRB 180924, c'est le type de leur galaxie hôte. Celle-ci est certes très distante, mais tout à fait similaire à une galaxie évoluée comme notre Galaxie.
Cette découverte signifie que n'importe quelle galaxie peut produire l'objet à l'origine de telles bouffées rapides d'ondes radio. Mais cela dit aussi que le modèle qui avait été construit pour expliquer ces Fast Radio Bursts est peut-être à revoir complètement. Ce modèle qui avait fini par s'imposer met en scène une éruption de plasma intimement associée à une jeune étoile à neutron extrêmement magnétisée, ce qu'on appelle un magnétar. Ce modèle a été bâti à partir du cas emblématique de la première FRB qui avait été localisée, l'une des deux seules qui s'étaient répétées, FRB 121102, car elle se trouvait dans une toute petite galaxie en train de former des grosses quantités d'étoiles massives, et donc un grand nombre de supernovas et donc de magnétars...
Comme visiblement FRB 180924 et maintenant FRB 190523 se trouvent dans des galaxies beaucoup plus calmes, arborant a priori bien moins de magnétars, il est bien possible que l'origine des ces bouffées soit à rechercher dans un autre phénomène... Ou bien que FRB 121102 soit réellement un cas à part.
Ce qui est sûr maintenant, c'est que le mystère ne durera plus très longtemps. Les nouveaux réseaux de radiotélescopes comme ASKAP et DSA vont très vite offrir une vision de plus en plus claire sur l'environnement des FRB, ce qui mènera les astrophysiciens nécessairement sur la bonne piste. Se faisant, toutes ces FRB seront autant de sondes cosmiques qui permettront d'analyser le milieu intergalactique nous séparant de la source.
Pour la toute petite histoire, cet article a été accepté pour publication par Nature seulement 14 jours après sa réception par l'éditeur (un record de vitesse), et c'était 2 jours avant la publication de Science, le 27 juin dernier, de la deuxième localisation (un article, celui là, reçu en janvier et accepté le 19 juin). Comme si Nature savait ce qu'allait publier Science et avait essayé de les griller sur le fil... Le coup éditorial est raté, mais c'est une belle avancée pour l'astrophysique.
Source
A fast radio burst localized to a massive galaxy
Vikram Ravi et al.
Nature (02 july 2019)
Illustration
Vue partielle du réseau DSA (Caltech/OVRO/G. Hallinan)
2 commentaires :
Bonjour,
"... elle (FRB121102) se trouvait dans une toute petite galaxie en train de former des grosses quantités d'étoiles massives, et donc un grand nombre de supernovas et donc de magnétars...
Comme visiblement FRB 180924 et maintenant FRB 190523 se trouvent dans des galaxies beaucoup plus calmes, arborant a priori bien moins de magnétars..."
Plusieurs questions suite à ce passage :
- pourquoi une petite galaxie produit-elle plus de magnétars?
- pourquoi une galaxie plus calme en produit-elle moins?
- comment se fait-il que la galaxie hôte de FRB121102 distante de 3 milliards d'AL produise autant d'étoiles alors que les 2 autres galaxies hôtes plus éloignés (et donc plus vieilles et donc censées avoir plus de gaz à disposition) sont plus calmes?
Encore merci pour ce blog (encore et toujours mon préféré et la première lecture de ma journée)
Bonjour,
- Ce n'est parce qu'elle est petite qu'elle produit beaucoup de magnétars, c'est parce qu'elle produit beaucoup d'étoiles massives. Or les étoiles massives vivent très peu de temps avant de faire des supernovas dont les résidus sont pour beaucoup des pulsars à forts champs magnétiques, qu'on appelle des magnétars.
- Une galaxie "plus calme" fabrique moins d'étoiles, et donc moins de supernovas et finalement moins de magnétars.
- Il existe des galaxies à forte formation d'étoiles un peu à toutes les époques.
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