28/10/19

Les galaxies "mortes" ont encore d'énormes réservoirs de gaz


Presque toutes les galaxies massives "mortes" sont étonnamment encore très riches en hydrogène atomique, la matière première des étoiles. C'est ce que révèle une équipe sino-européenne dans une étude venant de paraître dans The Astrophysical Journal Letters.




La population de galaxies massives qui ont masse supérieure à 40 milliards de masses solaires contribuent à environ la moitié de la masse totale d'étoiles dans l'Univers local. Ces galaxies massives résident habituellement dans des halos de matière noire dont la masse dépasse les 1000 milliards de masses solaires et pour lesquelles un apport extérieur de gaz froid n'est pas possible selon ce que l'on comprend de l'évolution des galaxies.  
Quand une galaxie arrive au bout de son réservoir de gaz froid, elle devient "morte" ou "dormante", elle ne produit plus de nouvelles étoiles. Ainsi, inversement, les galaxies massives dormantes qui sont observées sont logiquement estimées être pauvres en gaz froid.  
Mais il n'en est rien d'après Chengpeng Zhang (Kavli Institute, Université de Beijing) et ses collaborateurs! En se basant sur les grands relevés galactiques que sont le SDSS, ALFALFA (Arecibo Legacy Fast ALFA), GASS (GALEX Arecibo SDSS Survey), et COLD GASS, et sur un échantillon de plusieurs dizaines de milliers de galaxies de masse comprise entre 40 et 100 milliards de masses solaires, les astrophysiciens démontrent que la vaste majorité des galaxies massives "mortes" situées dans l'Univers proche possèdent au contraire de grandes quantités d'hydrogène atomique. Ils montrent même que de façon étonnante, ces galaxies ont autant de gaz atomique, en proportion, que les galaxies qui forment encore beaucoup d'étoiles.  
Précisons ici que l'hydrogène atomique est encore trop "chaud" pour permettre la formation d'étoiles, il doit pour cela s'associer pour former des molécules de dihydrogène, ce qu'on appelle l'hydrogène moléculaire. Mais l'hydrogène atomique est tout de même beaucoup plus "froid" que le gaz ionisé qui ne peut pas se condenser en grumeaux pour former des étoiles.

Ce que déduisent les chercheurs, c'est que, par rapport aux galaxies formatrices d'étoiles, les galaxies "dormantes" ou "mortes" sont stoppées à cause de leur faible contenu en hydrogène moléculaire (H2), ainsi qu'un faible contenu en poussières et donc au final une efficacité de formation stellaire plus faible. 
En somme, cette découverte implique que les galaxies "mortes" (de type spirales) ont encore tout ce qu'il faut comme matière première pour fabriquer des étoiles (l'hydrogène atomique) mais elles subissent une forte inefficacité dans la conversion du gaz atomique en gaz moléculaire. La quantité de gaz moléculaire est fortement corrélée au taux de formation d'étoiles, mais pas la quantité de gaz atomique... 

C'est une nouvelle vision des processus de formation d'étoiles dans les galaxies qui voit le jour avec cette étude, et surtout des causes de l'inhibition de cette production. Zhang et ses collaborateurs proposent un scénario. Comme le gaz atomique est distribué sur des très grandes échelles au sein des galaxies, tandis que l'hydrogène moléculaire, lui, est plutôt concentré dans les zones centrales, une fois que tout l'hydrogène moléculaire est soit transformé en étoiles, soit expulsé par des vents de supernovas ou autre, ou bien simplement photo-ionisé par du rayonnement UV ou X, il faudrait énormément de temps à l'hydrogène atomique pour migrer vers le centre de la galaxie, surtout en l'absence de perturbation extérieure. L'hydrogène atomique resterait en quelque sorte stocké dans les parties externes de la galaxie (un disque externe en rotation assez rapide) sans pouvoir produire facilement l'hydrogène moléculaire nécessaire pour fabriquer des étoiles. Seule une collision avec une autre galaxie pourrait bouleverser la donne en permettant une nouvelle production d'hydrogène moléculaire et donc d'étoiles.


Source

Nearly all Massive Quiescent Disk Galaxies Have a Surprisingly Large Atomic Gas Reservoir
Chengpeng Zhang et al.
The Astrophysical Journal Letters, Volume 884, Number 2 (18 october 2019)

https://doi.org/10.3847/2041-8213/ab4ae4


Illustration

Petit échantillon de galaxies spirales : galaxies formant des étoiles (en haut) et galaxies "mortes" (en bas), leur couleur trahit leur état (Zhang et al.)

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