mardi 10 mars 2020

Mesure inédite de la taille d'une étoile à neutrons


Une équipe de physiciens et d'astrophysiciens parvient à déterminer la meilleure mesure à ce jour de la taille d'une étoile à neutrons, grâce aux observations des multimessagers, ondes gravitationnelles et électromagnétiques, de l'événement de fusion d'étoiles à neutrons GW 170817. Une étude publiée dans Nature Astronomy.



Le rayon d'une étoile à neutrons de 1,4 masses solaires vaut donc 11,0 +0,9 −0,6 km, C'est la valeur très précise qu'obtiennent Collin Capano (Albert-Einstein-Institut, Max-Planck-Institut für Gravitationsphysik) et son équipe. Pour arriver à ce résultat qui augmente d'un facteur deux la précision obtenue jusqu'à aujourd'hui, les chercheurs ont combiné une description générique du comportement de la matière des étoiles à neutrons issue de la physique nucléaire (une théorie chirale effective des champs) et les observations multiples de l'événement GW 170817. Ils ont également déployé des simulations avancées utilisant les équations de la relativité et des milliers d'équations d'état d'étoiles à neutrons pour modéliser l'interaction des deux étoiles à neutrons lors des conditions extrêmes de cette fusion afin de mieux cerner la meilleure équation d'état des étoiles à neutrons.

Les données des ondes gravitationnelles de GW 170817 fournissent une valeur maximale pour le rayon des étoiles à neutrons mais aucune pour leur rayon minimal. C'est la théorie effective des champs qui fournit cette valeur minimale, en prenant en compte que l'équation d'état doit permettre l'existence d'une étoile à neutrons d'au moins 1,9 masses solaires mais que la masse maximale ne peut en aucun cas dépasser 2,3 masses solaires, une limite déterminée par les informations obtenues par la contrepartie électromagnétique de GW 170817 et validée par la plus grosse étoile à neutrons observée à ce jour qui vaut 2,14 masses solaires (voir ici).
Les valeurs de masse et de rayon obtenues par Capano et ses collègues pour les deux étoiles à neutrons qui ont fusionné le 17 août 2017 sous nos yeux sont respectivement de 1,49 masses solaires et 11,03 km et 1,25 masses solaires et 10,94 km.


En déterminant le rayon d'une étoile à neutrons de 1,4 masses solaires, Capano et ses collaborateurs fournissent également une nouvelle vision de l'équation d'état de la matière composant ces astres fascinants. Ils en déduisent un fait très intéressant : lors d'une rencontre entre un trou noir stellaire et une étoile à neutrons, dans la plupart des cas, le trou noir ne pourrait pas détruire l'étoile à neutrons. Cette dernière doit rester compacte et être avalée par le trou noir sans laisser de trace sous forme de rayonnement, car il n'y aurait alors pas de disruption. De tels événements seraient donc détectables par les ondes gravitationnelles générées, mais sans contreparties dans le domaine électromagnétique.
D'après les astrophysiciens, c'est seulement dans les cas où le trou noir serait à la fois particulièrement petit (inférieur à quelques masses solaires) et en rotation rapide qu'il pourrait arriver à détruire l'étoile à neutrons par effet de marée gravitationnelle avant de l'engloutir, en produisant au passage une belle quantité de rayonnement.
Un trou noir de 10 masses solaires par exemple devrait avoir une rotation de 0,8 (par rapport à la valeur de spin maximal) pour produire la disruption d'une étoile à neutrons de 1,4 masses solaires, et cette rotation devrait atteindre 0,9 pour un trou noir de 20 masses solaires...
Les étoiles à neutrons, objets parmi les plus impressionnants qui existent, peuvent donc disparaître subitement, avalés par des trous noirs en ne laissant que des ondes gravitationnelles comme arme du crime.


Source

Stringent constraints on neutron-star radii from multimessenger observations and nuclear theory
Collin D. Capano et al. 
Nature Astronomy (9 march 2020)


Illustrations

1) Simulation de la fusion de deux étoiles à neutrons (Max Planck Institute for Gravitational Physics) and the BAM collaboration; Scientific : T. Dietrich, S. Ossokine, H. Pfeiffer, A. Buonanno)

2) Zones de disruption possible de l'étoile à neutrons dans l'espace [masse / rotation] du trou noir (Collin D. Capano et al. )

2 commentaires :

Anonyme a dit…

Bonjour et tout d'abord merci pour votre travail d'explication clair et sans sacrifice sur l'autel de la simplification.

J'ai une question : que se passe t-il si le rayon de l'étoile à neutron est plus grand que celui du trou noir ? Assiste t-on a la destruction de l'étoile à neutron, se fait-elle avaler sans montrer quoi que ça soit, ou bien ... ?

Encore merci et bonne continuation pour votre site !

sektor

Dr Eric Simon a dit…

Il faut savoir que le rayon d'un trou noir dépend directement de sa mase et de sa vitesse de rotation. Il est egal à 2GM/c2 pour une rotation nulle et 2 fois plus petit pour une rotation maximale. Un trou noir est donc plus petit qu'une étoile à neutrons en taille en dessous de 3,5 masses solaires quelle que soit sa vitesse de rotation. Inversement au delà de 7,5 masses solaires, le trou noir aura toujours un rayon plus grand et ce quelle que soit sa rotation. Entre ces 2 valeurs de masse, tout depend de la rotation. Dans la seconde figure que je montre vous pouvez voir que pour un petit trou noir de 3,5 masses solaire (donc plus petit en rayon que l'etoile à neutrons ), les deux phénomènes peuvent exister : absorption pure et simple (en dessous de la courbe rouge) et destruction de l'étoile à neutrons au dessus de la courbe. Tout dépend alors de la vitesse de rotation du TN.