Connaître
le mieux possible les supernovas de type Ia, celles qui sont produites par
l'explosion d'une naine blanche trop massive et qui ne laissent aucun résidu
compact derrière elles, est très important car ces supernovas sont utilisées
pour étudier les paramètres cosmologiques (paramètre de Hubble-Lemaître et accélération
de l'expansion). Une collaboration internationale vient de développer un nouveau modèle
qui permet d'améliorer sensiblement la description énergétique et spectrale de ces supernovas,
et donc les mesures de distances qui sont effectuées avec elles. Une
étude parue dans Astronomy & Astrophysics.
Mieux contraindre l’accélération de l’expansion pour déterminer son origine est un objectif majeur de l’astrophysique aujourd’hui. L’une des méthodes utilisées pour cela est la détermination de la distance des objets avec la plus grande précision possible. Les supernovas de type Ia sont l’outil de choix pour cela, de par leur caractère de « chandelles standards », ayant une luminosité intrinsèque connue, ce qui permet de déterminer leur distance en mesurant leur luminosité apparente. La mesure du décalage spectral (le redshift) de la galaxie où elles se trouvent permet ensuite de déterminer le taux d’expansion (vitesse de récession, déterminée par le décalage spectral, divisée par la distance).
Les
caractéristiques des supernovas Ia sont donc cruciales à maîtriser pour réduire
au minimum les incertitudes associées aux mesures de distance. Parmi ces
caractéristiques, la distribution spectrale en énergie est un élément clé. Pierre-François
Léget (Université de Clermont-Ferrand) et ses collaborateurs américains chinois
et européens, dont des chercheurs français du CNRS à Lyon, Marseille et Paris
ont développé un outil nommé SUGAR (SUpernova Generator And Reconstructor) : un
modèle empirique de la distribution énergétique spectrale pour les supernovas Ia. Les
chercheurs ont exploité des données d’observation de très nombreuses
supernovas, des données spectrales et spectrophotométriques enregistrées par la
collaboration Nearby Supernova Factory (une grosse centaine de
supernovas Ia) pour construire et entraîner leur modèle.
Dans un
premier temps, les astrophysiciens ont utilisé une méthode d’analyse dite « à
composant principal » sur 13 raies spectrales spécifiques qui sont
mesurées lors du maximum de la courbe de luminosité, dans le but de transformer
ces indicateurs trop nombreux en seulement quelques indicateurs non corrélés. C'est le coeur du modèle SUGAR. Ils en tirent les propriétés intrinsèques des supernovas, puis dans un second temps,
ils utilisent ces propriétés pour en déduire la courbe d’extinction moyenne
correspondante (induite par l'absorption par la poussière environnante). Une troisième étape
consiste ensuite à interpoler les données collectées à différentes époques de
la « vie » de la supernova pour pouvoir travailler dans un référentiel
temporel commun à toutes les supernovas Ia.
Le modèle
SUGAR combine ces différentes étapes pour construire l’évolution du spectre en
énergie des supernovas en fonction du temps. Le modèle a été « entraîné »
à l’aide d’un échantillon de 105 supernovas Ia puis validé sur un autre
échantillon de 58 spécimens.
Grâce à
ce nouvel outil d’analyse, Léget et ses collaborateurs ajoutent deux nouveaux
paramètres pour caractériser la variabilité de la luminosité des supernovas Ia.
Le premier de ces paramètres est lié à la vitesse des ejecta (la matière
éjectée lors de l’explosion) et le second est lié à des raies d’émission particulières du calcium qui sont toujours visibles dans les spectres. Au final, seulement trois
paramètres, mesurables au niveau du pic de luminosité, permettent de
prédire la luminosité des autres phases de la supernova.
Armés de
ce nouveau modèle plus détaillé que les modèles empiriques précédents qui utilisent
une paramétrisation basée sur la couleur et la forme de la courbe de luminosité
(ce que les spécialistes appellent le « stretch ») , les chercheurs
peuvent maintenant décrire plus précisément l’évolution du spectre énergétique des
supernovas Ia dans le temps, à la fois lors de leur phase de croissance de
luminosité et de décroissance après avoir atteint le pic de luminosité. Léget et ses collaborateurs ont comparé le
modèle SUGAR au modèle de supernova Ia le plus utilisé actuellement qui est
appelé SALT2, et il s’avère bien meilleur pour estimer la luminosité intrinsèque des
supernovas Ia. Le sucre est meilleur que le sel, c’est bien connu…
Ce modèle
devrait devenir sous peu un outil de référence pour les présents et futurs
grands relevés de supernovas que sont le Zwicky Transient Facility, le Vera
Rubin Observatory, ou le WFIRST (Wide Field Infrared Survey Telescope), qui pourront déterminer plus précisément la distance d'une supernova par la détermination de sa luminosité intrinsèque via son spectre...
Source
SUGAR: An improved empirical model of Type Ia
supernovae based on spectral features
P.-F.
Léget et al.
A&A Volume 636, A46 (17 April 2020)
Illustration
Le résidu de SN 1572, vu en rayons X (Chandra X Ray Observatory), la supernova observée par Tycho Brahe en 1572 était une SN Ia
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