15/11/20

Détection d'une kilonova anormalement lumineuse


Une nova est le résultat visible d'une explosion thermonucléaire de surface sur une naine blanche. Une supernova est le résultat, 1 million de fois plus brillant, d'une explosion complète de naine blanche (supernova de type Ia) ou de l'effondrement gravitationnel du coeur d'une étoile massive (supernova de type II). Une kilonova, quant a elle, est un phénomène qui se situe entre les deux en terme de luminosité, 1000 fois plus brillante qu'une nova (d''où son nom) mais d'origine très différente puisqu'elle est est associée à la collision de deux étoiles à neutrons. Et aujourd'hui, une équipe d'astrophysiciens vient de détecter une kilonova qui est 10 fois plus lumineuse en infra-rouge que les kilonovas habituelles... Ils rapportent leur découverte dans un article à paraître dans The Astrophysical Journal.


Les collisions d'étoiles à neutrons sont généralement la source de sursauts de rayons gamma de courte durée, ce que les spécialistes nomment des GRB courts. C'est un tel GRB qui a été détecté le 22 mai 2020 par le satellite Swift, qui fut donc baptisé GRB200522A. Les astrophysiciens s'attendent à voir une kilonova dans les heures et les jours qui suivent l'apparition d'un GRB court. La forte luminosité d'une kilonova (dans le visible et l'infra-rouge) est normalement produite par l'énergie dissipée par la radioactivité des nombreux éléments lourds qui ont été formés lors de la collision des deux étoiles à neutrons. Wen-Fai Fong (Northwestern University) et ses collaborateurs montrent dans leur étude que les observations qu'ils ont pu faire avec le télescope Hubble moins de trois jours après l'apparition du sursaut gamma, ne collent pas avec l'explication classique des kilonovas associées aux GRB. La luminosité intrinsèque qui est mesurée dans le proche infra-rouge est entre 8 et 17 fois plus forte que ce qui avait été observé dans la kilonova du 17 août 2017 rendue célèbre par sa détection simultanée par des ondes gravitationnelles (la puissance dissipée ici vaut 1,5 ×1042 erg s−1.).
Pour connaître avec exactitude l'énergie qui est en jeu pour produire la luminosité observée dans cette kilonova inhabituelle, les astrophysiciens devaient connaître précisément la distance à laquelle se trouve cet objet extrême. Ils ont pour cela utilisé deux spectrographes montés sur des télescopes de l'Observatoire Keck et les ont pointé vers la localisation de GRB200522A. Ils trouvent là une jeune galaxie très lointaine, située à 5,5 milliards d'années-lumière (à un redshift z de 0,5536) et peuvent dire que la fusion d'étoiles à neutrons a eu lieu près du centre de cette galaxie à fort taux de formation d'étoiles (à environ 1 kpc de son centre).
Pour mieux comprendre comment une telle énergie pouvait rayonner dans la rémanence du sursaut gamma, les astrophysiciens ont effectué un suivi dans différentes longueurs d'ondes, depuis les rayons X avec Swift jusqu'aux ondes radio avec le VLA en passant par l'infra-rouge avec le télescope de Las Cumbres.


Les caractéristiques observées, la combinaison de la couleur de la contrepartie du GRB et de sa luminosité ne peuvent clairement pas être expliquées par un échauffement radioactif seul. Après une analyse fine de ces différentes observations, Fong et son équipe proposent une explication possible à cette très forte luminosité infra-rouge, dans le cadre des processus d'une kilonova : Les chercheurs font l'hypothèse que la fusion des deux étoiles à neutrons n'aurait pas formé un trou noir, ce à quoi on s'attend généralement, mais qu'elle aurait produit une étoile à neutrons très massive et aussi très fortement magnétisée, ce qu'on appelle un magnétar. Ils calculent que l'énergie magnétique du magnétar injectée dans le milieu des débris de la collision peut effectivement produire cette luminosité démultipliée. 
Ils montrent même que s'il s'agit bien d'un magnétar avec les propriétés qui ont été déduites, une production d'ondes radio par la coquille de débris devrait apparaître d'ici quelques mois à quelques années. Un suivi régulier dans le temps de ce nouvel objet devrait donc pouvoir valider définitivement le scénario qui est proposé.
A l'image de la kilonova associée à la fusion d'étoiles à neutrons détectée le 17 aout 2017 (événement GW170817), la kilonova de GRB200522A a dû produire une grosse quantité d'ondes gravitationnelles. Mais la fusion se situait hélas bien trop loin pour être détectée par LIGO/Virgo. Fong et ses collaborateurs indiquent qu'une telle kilonova pourrait être vue en association avec des ondes gravitationnelles (avec la sensibilité actuelle de nos interféromètres gravitationnels) jusqu'à une distance de 800 millions d'années-lumière (seulement...) 


Source

The Broad-band Counterpart of the Short GRB 200522A at z=0.5536: A Luminous Kilonova or a Collimated Outflow with a Reverse Shock?
W. Fong et al. 2020. 
accepté pour publication dans The Astrophysical Journal,


Illustrations

1) La kilonova associée au GRB 200522A (NASA / ESA / W. Fong, Northwestern University / T. Laskar, University of Bath)

2) Schéma de la séquence menant de la collision de deux étoiles à neutrons à la création d'un magnétar qui dépose ensuite une grande quantité d'énergie dans l'ejecta, menant à une kilonova très lumineuse (NASA / ESA / D. Player, STScI)

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