vendredi 22 mars 2024

Anneaux de Saturne : de la glace d'eau pure et cristalline


Des planétologues ont utilisé le télescope Webb pour analyser la composition des anneaux de Saturne, ainsi que quatre de ses petites lunes (Épiméthée, Pandora, Télesto et Pallène). Les spectres dans le proche infra-rouge obtenus avec NIRSpec et MIRI révèlent une composition quasi pure en glace d'eau cristalline. Ils publient leur étude dans Journal of Geophysical Research:Planets

Un large éventail d'observations spectroscopiques avaient démontré que les anneaux principaux de Saturne sont composés de glace d'eau très pure et hautement cristalline. Bien qu'il existe des preuves que les anneaux contiennent des quantités variables de matériaux non glacés qui influencent à la fois la luminosité globale des anneaux et la forme de leurs spectres aux longueurs d'onde visibles et ultraviolettes, des modélisations détaillées des données infrarouges et radio effectuées en 2019 ont indiqué que la plupart des anneaux seraient constitués à plus de 99 % de glace d'eau (Ciarniello et al.,  2019 ; Zhang et al.,  2019 ). Alors que certaines observations de Cassini et son instrument VIMS ont indiqué qu'il pourrait y avoir de faibles traces d'hydrocarbures (∼3 %) dans la plage de longueurs d'ondes entre 3,4 et 3,6 μm vues dans l'ensemble des anneaux, des spectres de très bonne qualité de l'anneau B ne contenaient aucune caractéristique spectrale autre que celles de la glace d'eau entre 1 et 5 μm (à un niveau d'environ 1 %), mais présentaient en revanche une baisse de luminosité de 2 à 3 % autour de 4,13 μm, ce qui pourrait être du à de la glace d'eau deutérée (c'est toujours de l'eau, mais un peu plus lourde). 


Parallèlement, Cassini a aussi observé les anneaux à des longueurs d'onde comprises entre 7,2 μm et 1 mm, et ces données ont été utilisées pour contraindre la température du matériau de l'anneau par plusieurs équipes de recherche (Altobelli et al.,  2008 ; Filacchione et al.,  2014). ; Flandes et al.,  2010 ; Spilker et al.,  2006 , 2018 ). Ces estimations de température peuvent être comparées à celles extraites des observations de Webb afin d'évaluer le processus d'étalonnage actuel du télescope spatial. Les données JWST MIRI peuvent donc fournir les premières informations détaillées sur les propriétés spectrales des anneaux sur la plage de longueurs d'onde où le signal passe de la lumière solaire réfléchie à l'émission principalement thermique des anneaux eux-mêmes.

Il faut rappeler aussi que les observations de Cassini des petites lunes avaient déjà révélé que leurs spectres dans le proche infrarouge étaient également dominés par les caractéristiques de la glace d'eau.  Les lunes étudiées dans cette présente étude couvrent une large gamme de tailles, les rayons effectifs moyens de Epimethée, Pandora, Telesto et Pallène étant respectivement de 58,6, 40, 12,3 et 2,23 km. Bien que tous ces objets soient des sources ponctuelles pour le JWST, les signaux de ces quatre lunes s'étalent sur un facteur de près de 700 car le flux observé évolue avec la surface transversale. 

Matthew Hedman (université de l'Idaho) et ses collaborateurs ont donc choisi d'enregistrer des spectres dans le proche infrarouge des anneaux de Saturne et de ses petites lunes (Epiméthée, Pandore, Télesto et Pallene) avec NIRSpec, et MIRI a été utilisé pour obtenir les spectres des anneaux de Saturne uniquement. L'instrument NIRSpec a obtenu des spectres proche infrarouge des petites lunes entre 0,6 et 5,3 microns. Ils s'avèrent tous dominées par des bandes d’absorption de la glace d'eau. La forme des bandes spectrales de ces lunes suggère que leurs surfaces contiennent des mélanges variables de glace cristalline et amorphe ou des quantités variables de contaminants et/ou de grains de glace submicroniques. Dans l’ensemble, Telesto semble avoir un spectre plus cristallin qu’Epiméthée. Le spectre proche infrarouge de Pallene est également dominé par des éléments de glace d'eau, et ses bandes de glace d'eau sont similaires à celles précédemment observées sur la lune voisine et comparablement petite, Methone. Mais la forme de la bande de 2 µm de Pallene suggère que sa glace de surface pourrait être plus amorphe que celle des autres petites lunes observées par Webb, ce qui, selon les chercheurs,  peut se produire parce que la surface de Pallene est plus exposée à des doses relativement élevées de rayonnement à haute énergie.

Les chercheurs montrent que le spectre proche infrarouge de l'anneau A de Saturne présente un rapport signal/bruit exceptionnellement élevé entre 2,7 et 5 microns et qu'il est dominé par des caractéristiques dues à de la glace d'eau hautement cristalline. Le spectre confirme également que les anneaux possèdent une absorption profonde de 2 à 3 % à 4,13 microns qui est produite par de la glace d'eau deutérée, la même qui avait été précédemment observée par le spectromètre de Cassini. Cela conforte les travaux antérieurs qui suggéraient que les anneaux ont un rapport Deutérium/Hydrogène proche des valeurs terrestres (Clark et al.,  2019 ).
Le spectre en proche infrarouge ne présente aucune caractéristique spectrale claire à 4,26 μm (dioxyde de carbone) ou à 4,7 μm (monoxyde de carbone). Cependant, il pourrait y avoir une faible caractéristique autour de 3,4 μm qui serait due à des hydrocarbures aliphatiques, selon les planétologues.

L'instrument MIRI, utilisé sur les anneaux, a produit des spectres dans l'infrarouge moyen des anneaux, compris entre 4,9 et 27,9 microns, où le signal observé est une combinaison de la lumière solaire réfléchie et de l'émission thermique. Les chercheurs indiquent que cette région présente un fort pic de réflectance centré autour de 9,3 microns, qui peut être attribué là encore à de la glace d'eau cristalline. 

Les observations des anneaux en infrarouge moyen montrent une nette inversion du contraste, les anneaux A et B étant plus brillants que la division de Cassini et l'anneau C aux longueurs d'onde plus courtes, en raison de leur réflectance plus élevée, tandis que la division de Cassini et l'anneau C sont plus brillants aux longueurs d'onde plus grandes, en raison de leurs températures plus élevées.

Il se confirme donc les anneaux de Saturne ont un lien avec ses petites lunes, et leur point commun c'est l'eau, dans sa forme solide et sous forme cristalline. 
 

Source

Water-Ice Dominated Spectra of Saturn's Rings and Small Moons From JWST
M. M. Hedman et al.
Journal of Geophysical Research: Planets (09 March 2024)


Illustrations

1. Saturne et ses anneaux imagés par le télescope Hubble (NASA, ESA and E. Karkoschka (University of Arizona))
2. Images spectrales des anneaux par Webb (Matthew Hedman et al.)
3. Images spectrales de Pandora et Epiméthée (Matthew Hedman et al.)
3. Matthew Hedman

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