Le 24 janvier 2024, étrangement, le journal The Astrophysical Journal recevait deux articles scientifiques aux titres quasi identiques, provenant de deux équipes différentes. Nul doute que l'éditeur scientifique à demandé à l'un et à l'autre premier auteur de participer au comité de lecture de l'article de son concurrent, avec l'idée derrière la tête de les publier ensemble dans le même numéro. Après les révisions demandées pour ces deux papiers, le premier a été finalement été accepté pour publication le 31 mai et le second le 7 juin. Et c'est donc le 18 octobre que tous les deux ont été publiés par le célèbre journal d'Astrophysique américain dans le même numéro.
Les équipes de Alexander Dittman (université du Maryland) d'un côté et de Tuomo Salmi (université d'Amsterdam) de l'autre ont exploité des observations de longue durée du pulsar PSR J0740+6620, connu pour sa masse très élevée (2,08 masses solaires) par le télescope spatial NICER, afin de déterminer précisément son rayon, mais avec des méthodes un peu différentes.
PSR J0740+6620 est l'étoile à neutrons avec la masse la plus élevée déterminée avec précision à ce jour, déduite d'observations radio (elle vaut 2,08 ± 0,07 M⊙). Ce pulsar en rotation rapide (une période de rotation sur elle-même de 2,88 ms) se trouve à environ 4000 années-lumière. La mesure de son rayon est donc très importante pour contraindre les propriétés de la matière à haute densité des étoiles à neutrons. Trois étoiles à neutrons ont des masses élevées proches de la limite théorique, à environ 2 M⊙ : il y a PSR J1614-2230, avec une masse de 1,937 ± 0,014 M⊙, PSR J0348+0432, avec M = 2,01 ± 0,04 M⊙ et donc PSR J0740+6620, avec M = 2,08 ± 0,07 M⊙ (Cromartie et al. 2020 ; Fonseca et al. 2021 ). Les incertitudes citées désignent les régions crédibles à 68 %. Les observations de telles étoiles à neutrons massives peuvent exclure les équations d'état qui prédisent des masses maximales stables sensiblement plus faibles. De plus, les observations de l'événement d'ondes gravitationnelles GW170817 ont fourni des contraintes sur la déformabilité par marée des étoiles à neutrons, excluant les équations d'état qui indiqueraient que les étoiles à neutrons auraient des rayons relativement élevés à une masse donnée.
Dans les intérieurs des étoiles à neutrons, l'équation d'état dépend de la densité et de la composition. On peut exprimer la pression sous la forme d'une loi de la forme P ∝ ρα où ρ est la densité. Une équation d'état "rigide" (ou "dure") est une équation dans laquelle la pression augmente beaucoup pour une augmentation donnée de la densité. Un tel matériau serait plus difficile à comprimer. À l'inverse, une équation d'état souple produit une augmentation de pression plus faible pour un changement de densité et est facile à comprimer. Si α est grand, on parle donc d'une une équation d'état dure. A l'inverse, une équation d'état "molle" (ou "douce") est définie pour α < 5/3.
Dans les étoiles à neutrons, la dureté de l'équation d'état contrôle la relation masse-rayon et leur masse maximale possible. Une équation d'état plus dure donne un rayon plus grand pour la même masse et une masse maximale possible de l'étoile à neutrons plus grande.
Précédemment, Miller et al. (l'équipe de Dittman) et Riley et al. (l'équipe de Salmi) avaient rapporté des mesures du rayon de PSR J0740+6620, déjà basées sur des observations de NICER (Neutron Star Interior Composition Explorer, qui esst installé sur l'ISS) qui avaient été accumulées jusqu'au 17 avril 2020, puis un ensemble de données accumulées ensuite jusqu'au 28 décembre 2021 avait été présenté par Salmi et al. quelques mois plus tard.
NICER peut effectuer des mesures résolues en phase et en énergie des impulsions de rayons X thermiques produites par certaines étoiles à neutrons en rotation. Cette émission thermique est dominée par les régions de surface chauffées par le bombardement de particules chargées provenant d'un courant de retour magnétosphérique. Ces mesures sont utilisées pour contraindre la masse et le rayon de ces étoiles à neutrons en modélisant les impulsions de rayons X produites par les régions chaudes à la surface de l'étoile à neutrons en rotation rapide, y compris les effets relativistes.
L'ajout d'observations du télescope spatial XMM-Newton est particulièrement utile lors de l'analyse des données de NICER sur PSR J0740+6620, étant donné la faible luminosité de la source et le champ de vision encombré, car les données d'imagerie fournies par XMM-Newton contraignent le flux stellaire moyenné en phase et le fond non stellaire.Dittman et ses collaborateurs et Salmi et les siens ont ainsi produit chacun de leur côté une mise à jour de la mesure du rayon, obtenue en ajustant les modèles d'émission de rayons X de la surface de l'étoile à neutrons aux mêmes données de NICER accumulées cette fois jusqu'au 21 avril 2022, totalisant une exposition supplémentaire d'environ 1,1 Ms par rapport à l'ensemble de données analysées par Miller et al. et Riley et al. qui étaient basées sur 1,6 Ms d'exposition, ce qui fait presque deux fois plus de données.
En 2021, Miller et al. trouvaient pour PSR J0740+6620 un rayon de 13,71 km (+2,61/-1,50 km). Aujourd'hui, Alexander Dittman et ses collaborateurs trouvent 12,76 km (+1,02/-1,49 km), tandis que Tuomo Salmi et al. trouvent 12,49 km (+1,28/-0,88 km). L'étoile à neutron a donc un volume un peu petit que ce qu'on pensait depuis 2021 : 29% de moins et est donc plus compacte.
La limite inférieure du rayon est désormais également légèrement plus contrainte qu'auparavant ; un rayon inférieur à 11,15 km est dorénavant exclu à 95 % de probabilité et un rayon inférieur à 10,96 km est exclu à 97,5% pour ce pulsar. Les deux équipes en concluent la même chose : l'équation d'état de la matière nucléaire ultra-dense est légèrement plus douce que ce que laissaient entendre les données précédemment disponibles.Aujourd'hui, NICER est toujours en train d'acquérir de nouveaux photons X qui ont voyagé pendant 4000 ans en provenance de PSR J0740+6620, mais aussi d'autres étoiles à neutrons laboratoires. La relation masse-rayon devrait donc pouvoir être affinée dans le futur en réduisant encore les incertitudes, ce qui réduira par là même les incertitudes qui existent toujours sur l'équation d'état des étoiles à neutrons.
Sources
A More Precise Measurement of the Radius of PSR J0740+6620 Using Updated NICER Data
3 commentaires :
C'est quand même chouette de retrouver vos articles ! Merci d'être revenu ! 😉👍🏻
c'est pas la bonne audio
bah, si...
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