En septembre 2021, je vous racontais la découverte de la nébuleuse Pa30 comme étant le résidu de la supernova historique SN 1181, qui était recherché depuis de nombreuses années. Depuis, les observations de Pa30 se sont poursuivies afin de mieux comprendre les caractéristiques de cette supernova un peu différente des autres (probablement une supernova de type Iax, explosion partielle de naine blanche). Tim Cunningham, du Harvard Smithonian Center for Astrophysics à Boston et ses collaborateurs viennent de publier dans The Astrophysical Journal Letters leurs observations des propriétés d'expansion de la petite coquille de gaz...
L'« Étoile invitée » observée en 1181 par des astronomes chinois et japonais est l'une des cinq seules supernovas galactiques confirmées enregistrées dans l'histoire de l'humanité. Jusqu'à récemment, SN 1181 était la plus jeune supernova galactique identifiée avec certitude mais sans résidu associé. C'est en 2013 que la nébuleuse Pa 30 a été découverte par l'astronome amateur Dana Patchick dans les archives du Wide-field Infrared Survey Explorer (WISE) mais il faudra attendre 2021 pour avoir la première preuve par Ritter et al., via l'estimation de son âge et sa localisation dans le ciel, que cette nébuleuse est bien le résidu associé à SN 1181. Cette découverte fut ensuite confirmée en 2023 par Schaefer et al.
Pa 30 est un vestige de SN unique pour plusieurs raisons. Tout d'abord, une étoile très chaude (2MASS J0053+6730), avec une température de surface d'environ 200 000 K, se trouve en son centre et présente de forts écoulements dominés par l'oxygène avec des vitesses supérieures à 15 000 km s-1 (VV Gvaramadze et al. 2019 ; F. Lykou et al. 2023). Et puis, les spectres de l'étoile centrale et de la nébuleuse ne montrent aucune trace d'hydrogène ou d'hélium, tandis qu'un spectre de rayons X de la nébuleuse révèle des cendres de combustion du carbone (LM Oskinova et al. 2020). De plus, la morphologie du résidu, révélée par des images à bande étroite du soufre ionisé, présente une structure jamais vue auparavant dans un reste de supernova, avec des filaments étroits, presque radiaux, distribués de manière sphériquement symétrique autour de l'étoile centrale.
C'est en raison de la présence d'un résidu stellaire survivant et de l'absence d'hydrogène et d'hélium dans ses filaments qu'il a été suggéré que Pa 30 était le produit d'une explosion thermonucléaire ratée d'une naine blanche, un sous-type rare de la classe Ia des supernovas appelé le type Iax. Une étude récente montre que la supernova Iax aurait été causée par une fusion de deux naines blanches (système binaire doublement dégénéré), avec un morceau survivant, et que les vents à grande vitesse à la surface du résidu seraient entraînés magnétiquement.
Il faut dire que la morphologie de la nébuleuse est étonnamment différente des structures généralement observées dans les restes de supernovas de type Ia, qui sont causées par une combinaison d'instabilités de Rayleigh-Taylor (RTI) et d'instabilités de Kelvin-Helmholtz (KHI). D'un autre côté, des exemples de structures filamentaires radiales ont déjà été observés par exemple dans les queues de novas emportées par le vent stellaire, comme dans GK Persei et DQ Herculis, et dans certaines nébuleuses planétaires sous forme de queues cométaires dans des images infrarouge. Par analogie avec ces systèmes, Fesen et al. ont suggéré en 2023 que la structure filamentaire inhabituelle de Pa30 pourrait être liée au vent à grande vitesse de l'étoile centrale, qui accélère des parties des éjectas agglomérés et de faible densité et les transforme en filaments par l'effet de l'instabilité de Rayleigh-Taylor.Pour mieux cerner l'origine de la structure étonnante de Pa30, Tim Cunningham et ses collaborateurs ont effectué une étude détaillée de la structure 3D et des vitesses d'une section radiale complète de la nébuleuse. Cette étude permet la première détermination précise du bord intérieur des filaments, fournissant une contrainte clé pour les modèles dynamiques des éjectas.
Leurs observations obtenues avec le spectrographe Cosmic Web Imager du télescope Keck, révèlent que les éjectas sont compatibles avec une origine balistique, c'est à dire avec des vitesses proches de la vitesse d'expansion libre, sans décélération ni accélération. Ils montrent que la distribution des vitesses dans les éjectas est à la fois étroite et hautement symétrique. La distribution des vitesses atteint un pic serré à environ 1000 km s-1 dans les matériaux décalés vers le bleu (ceux qui se rapprochent de nous) et vers le rouge (ceux qui s'éloignent de nous). Les vitesses maximales décalées vers le rouge et vers le bleu qui sont mesurées sont respectivement de 1440 et 1380 km s-1 , tandis que les minima sont de 650 et 510 km s-1 .
De plus, les astrophysiciens détectent une forte asymétrie dans la quantité d'éjectas le long de la ligne de visée, ce qui pourrait suggérer selon eux une explosion asymétrique. Les filaments décalés vers le rouge sont plus brillants et plus nombreux que ceux décalés vers le bleu, même si l'on s'attendrait à ce que ce soit le contraire en raison d'effets de sélection. Les astrophysiciens constatent que le flux total des filaments décalés vers le rouge est 40 % plus élevé que celui des filaments décalés vers le bleu. Pour eux, il s'agit d'une preuve convaincante de l'asymétrie de l'explosion mais ils notent qu'étant donné la zone relativement petite couverte par leurs observations par rapport à toute la surface de la nébuleuse, cette preuve pourrait ne pas être significative. D'autres observations spectroscopiques avec une couverture plus large de la nébuleuse devront confirmer s'il existe bien une asymétrie globale dans les éjectas de la nébuleuse, pour fournir des contraintes importantes sur les modèles dynamiques des éjectas.Cunningham et ses collaborateurs détectent aussi une grande cavité à l'intérieur du résidu de supernova et un bord intérieur net de la structure filamentaire, qui coïncide avec le bord extérieur d'un anneau brillant qui avait été détecté auparavant sur des images infrarouges. Tous les filaments qui apparaissent près de l'étoile centrale dans le plan du ciel présentent des vitesses dans la ligne de visée qui sont très élevées, ce qui implique que leur séparation avec l'étoile est grande sur la ligne de visée (dans un sens comme dans l'autre). En adoptant la distance de Pa30 déterminée par Gaia et qui vaut 2,3 kpc (7500 années-lumière), Cunningham et ses collaborateurs mesurent les rayons intérieur et extérieur de la coque filamentaire. Ils valent respectivement r in ≈ 0,6 pc et r out ≈ 1,0 pc. Le bord de l'anneau intérieur vu en infra-rouge avait déjà été interprété comme indiquant la position du choc inverse, car dans la région choquée, les grains de poussière auraient dû être sublimés et détruits.Enfin, et c'est un point important, l'analyse de Cunningham et son équipe fournit une forte confirmation que Pa30 provient bien d'une supernova qui a explosé aux environs de 1181, puisque la date qu'ils calculent à partir des vitesses des éjectas est 1152 avec une plage d'incertitude de +77/-75 ans. Les astronomes chinois et japonais médiévaux ont donc observé une fusion cataclysmique partielle de deux naines blanches qui avait eut lieu 7500 ans auparavant...
Source
Expansion Properties of the Young Supernova Type Iax Remnant Pa 30 RevealedIllustrations
1. Image de Pa30 dans la raie du soufre ionisé et zone des filaments étudiée par les auteurs (Tim Cunningham et al.)
2. Distribution des vitesses radiales des filaments en fonction du rayon apparent et de la distance radiale par rapport à l'étoile centrale. (Tim Cunningham et al.)
3. Comparaison de l'image des filaments avec une image de Pa30 en rayons X révélant le lien avec la cavité observée (Tim Cunningham et al.)
4. Tim Cunningham
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