08/12/24

Un pas de plus vers la compréhension de la formation des galaxies


Une équipe internationale d'astrophysiciens a découvert des preuves montrant que les anciennes galaxies elliptiques de l'univers peuvent se former à partir d'une intense formation d'étoiles au sein des premiers noyaux de galaxies. Cette découverte publiée dans Nature approfondit notre compréhension de la façon dont les galaxies ont évolué depuis l'Univers primitif.

Les galaxies de l'Univers actuel sont de morphologies diverses et peuvent être grossièrement divisées en deux catégories : les galaxies spirales jeunes, en forme de disque, comme la Voie Lactée, qui forment encore de nouvelles étoiles, et les galaxies elliptiques plus anciennes, dominées par un renflement central, et qui ne forment plus d'étoiles et qui manquent généralement de gaz. 

La plupart des étoiles de l'Univers actuel résident dans ce qu'on appelle des sphéroïdes, qui sont des renflements de galaxies spirales et de galaxies elliptiques. Leur formation est toujours un problème non résolu aujourd'hui. Les astrophysiciens ont longtemps soupçonné que les galaxies brillantes en infrarouge et ondes radio submillimétriques, à décalage vers le rouge élevé, étaient liées à la formation de sphéroïdes. Mais la preuve de ce lien a été jusqu'à présent entravée par un important obscurcissement par la poussière ou par des méthodologies limitées.

Qing-Hua Tan (Observatoire de la Montagne Pourpre, académie des sciences chinoise) et ses collaborateurs (dont les français Fréderic Bournaud, David Elbaz et Jérôme Pety) ont avancés vers cette preuve en découvrant des sites de naissance de galaxies elliptiques géantes par l'analyse des données du réseau ALMA sur plus de 100 galaxies brillantes dans le domaine submillimétrique avec des décalages vers le rouge les situant à l'ère du « midi cosmique », lorsque l'univers avait entre 1,6 et 5,9 milliards d'années, et que de nombreuses galaxies formaient activement des étoiles. Cette étude fournit la première preuve observationnelle solide que des sphéroïdes peuvent se former directement par formation intense d'étoiles au sein des noyaux de galaxies à flambée d'étoiles de l'Univers primitif. 

Dans cette étude, les chercheurs ont utilisé une analyse statistique de la distribution de la luminosité de surface induite par les émissions de poussière, combinée à une nouvelle technique d'analyse. Ils ont découvert que les émissions submillimétriques de la plupart des galaxies échantillonnées sont très compactes, avec des profils de luminosité de surface s'écartant considérablement de ceux des galaxies à disques. Pour Tan et ses collaborateurs, cela suggère que ces émissions submillimétriques proviennent de structures qui sont déjà de type sphéroïde. 

D'autres preuves de cette forme sphéroïdale proviennent d'une analyse détaillée de la géométrie 3D des galaxies. La modélisation montre que le rapport entre le plus court et le plus long de leurs trois axes est, en moyenne, de 0,5 environ et augmente avec la compacité spatiale. Cela indique que la plupart de ces galaxies à forte formation d'étoiles sont intrinsèquement sphériques plutôt qu'en forme de disque. Autrement dit, la plupart de ces galaxies sont entièrement triaxiales plutôt que des disques plats. Appuyée par des simulations numériques, cette découverte montre que le mécanisme principal à l’origine de la formation de ces galaxies tridimensionnelles (les sphéroïdes) serait l’action simultanée de l’accrétion de gaz froid dans des flux non coplanaires ainsi que des interactions et des fusions entre galaxies. Selon les chercheurs, ce processus aurait été assez courant dans l’Univers primitif, à l’époque où la plupart des sphéroïdes se formaient. 

Ils calculent la densité numérique des formations stellaires pour des galaxies ayant un taux de formation d'étoile supérieur à 620  M⊙ par an et situées à un redshift z  = 2,7 (qui sont les valeurs médianes de leur échantillon) et dont la densité est de 4 × 10-5 galaxies par Mpc3. L'échantillon de Tan et al. couvre 1,5 milliards d'années de temps cosmique, ce qui correspond à 2,7 10-5 événements de formation de sphéroides par Mpc3  et par gigannée. Les chercheurs calculent que le produit final de leur  échantillon est à peu près le double de sa masse stellaire médiane de 100 milliards  M⊙, en supposant que 50 % des fractions de gaz sont en place au moment de l'observation. Les astrophysiciens évaluent ensuite le taux de formation des galaxies quiescentes de plus de 200 milliards  M⊙. Ils trouvent que cela nécessite également environ 2 10-5 événements de formation de sphéroides par Mpc3 et par gigannée, un valeur stable sur la plage de redshift comprise entre 1,5 et 3,5. Cela suggère selon eux que les sursauts de formation stellaire brillants en ondes radio submillimetriques qui forment des sphéroïdes pourraient être un canal de formation dominant à l'époque du "midi cosmique".

Tan et ses collaborateurs expliquent en outre que les vents stellaires qui sont provoqués par ces flambées de formation de sphéroïdes empêcheront probablement toute nouvelle formation d'étoiles substantielle et pourraient induire une extinction par rétroaction, au moins dans le noyau galactique. Ainsi, pour les sphéroïdes se formant directement à l'intérieur des galaxies brillantes en submillimétrique, une extinction de la formation d'étoiles devrait suivre leur assemblage. Pour les chercheurs, les disques extérieurs déjà vieillissants pourraient finalement contribuer aux halos étendus des galaxies aux profils de Sérsic élevés dans les galaxies elliptiques si l'accrétion s'arrête. Et alternativement, des spirales de type précoce pourraient se former dans les disques qui continuent d'être alimentés par du gaz froid entrant.

Cette avancée aura en tous cas un impact significatif sur les modèles d'évolution des galaxies et approfondit notre compréhension de la façon dont les galaxies se forment et évoluent à travers l'Univers.

Source

In situ spheroid formation in distant submillimetre-bright galaxies

Qing-Hua Tan, et al.

Nature volume 636 (5 december 2024)

https://doi.org/10.1038/s41586-024-08201-6


Illustration 

1. Exemple de galaxies exploitées dans cette étude (Tan et al.)

2. Classification des galaxies par leur morphologie triaxiale (Tan et al.)

3. Qing-Hua Tan

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