13/04/12

Les Rêves d'Eau sur Mars s'évaporent...

Mars a-t-elle vraiment eu de l'eau liquide à sa surface dans le passé ? Cette question récurrente trouve aujourd'hui une nouvelle réponse.

Il faut se rappeler que ce débat a débuté dès le 19ème siècle quand l'astronome italien Giovanni Schiaparelli crut voir des canaux remplis d'eau sur la planète rouge. Mars était-elle une planète humide ? On sait aujourd'hui que ces pseudo canaux n'étaient qu'illusions.
Il ne fait aucun doute sur le fait que Mars est aujourd'hui entièrement sèche, avec de maigres possibilités d'infiltrations souterraines.
Mais ces dernières années les chercheurs en sont venus à accepter l'idée que la planète Mars avait eu dans le passé des lacs ou des océans - voire des conditions favorables à la vie. C'est ce qui a provoqué une effervescence pour la planétologie martienne dans les années 1990. Mais le balancier de la science semble osciller de nouveau dans le sens contraire.
Le mois dernier, James Head, planétologue à l'Université Brown à Providence, Rhode Island, a fortement promu l'idée que Mars n'a jamais été très humide, lors de la Conférence des sciences Lunar and Planetary qui a eu lieu à Woodlands, Texas.
Surface de Mars (Nature)
Head et ses collègues ont étudié le climat passé de Mars et arrivent à une image d'une Mars qui était froide et sèche dès ses débuts, un climat ponctué tout au plus par de courtes périodes d'humidité. "L'idée de Mars couverte de palmiers s'est fortement réduite», dit Stephen Clifford, planétologue au Lunar and Planetary Institute de Houston, au Texas, qui va organiser une conférence en mai sur le climat au début de Mars.
Les premières sondes à avoir visité Mars, dans les années 1960 et 1970, ont montré une planète très seche criblée de cratères, comme la Lune.  Mais par la suite, à l'aide de caméras à haute résolution des missions en orbite telles que la sonde Mars Global Surveyor, qui fut lancée en 1997, on a pu montré des réseaux de vallées - canaux anastomosés et ramifiés environ 3,7 milliards d'années qui semblaient avoir été sculptés par de l'eau.
Puis, en 2005, un spectromètre à bord du satellite Mars Express a trouvé des preuves de la présence de minéraux (des argiles) qui témoignent de centaines, voire des milliers d'années d'exposition à l'eau...
Soudain, les géologues se sont épris à tracer les paléo-rivages de l'océan qui pourrait avoir couvert tout l'hémisphère nord la planète...

Mais Head et al. repoussent maintenant cette idée avec de forts arguments :
Le plus pertinent vient de modèles du climat martien ancien qui ne prédisent aucunes températures suffisamment élevées pour produire de la pluie, ou pour que l'eau liquide persiste sur la surface. Le jeune Soleil était plus faible que ce qu'il est aujourd'hui, et même si le
jeune Mars avait une atmosphère plus épaisse qu'aujourd'hui, l'effet de serre n'aurait pas pu réchauffer la planète à une température supérieure à zéro, précise François Forget à l'Université de Paris.
Forget fait des calculs d'effet de serre initié par du dioxyde de soufre, le gaz émis par les volcans martiens, et qui peut être à l'origine de hausses brèves et brutales de température provoquant une rapide fonte de glace et des écoulements d'eau torrentiels à même de creuser les formations observées.
Une autre hypothèse proposant une explication pour ces écoulements brefs et violents est l'impact d'astéroïdes massifs, à même de faire fondre de grandes quantités de glace.
James Head montre qu'une inspection minutieuse des réseaux de vallées indique la présence sporadique d'eau plutôt qu'un climat durablement humide. Ses études démontrent que certains de ces réseaux sont isolés à la fois géographiquement et dans le temps, certains s'étant formés à des centaines de millions d'années d'écart.

De même, les minéraux argileux ne permettent pas de conclure à une planète humide. Une équipe de planétologues, à l'aide du spectromètre de la sonde Mars Reconnaissance Orbiter a constaté qu'environ 80% des argiles sont associés avec d'autres minéraux qui se forment à des températures relativement élevées. Cela suggère que ces argiles ne sont pas formées dans l'eau de surface froide, mais plutôt sous terre, dans de l'eau réchauffée par la chaleur des restes de la formation de Mars, dit Bethany Ehlmann, planétologue à l'Institut de Technologie de
Californie à Pasadena, qui a dirigé l'étude.

Curiosity, le rover de la NASA qui devrait débarquer le 5 Août, aura l'occasion d'y voir de beaucoup plus près. Il va en effet atterrir (amarsir) dans le cratère Gale, qui possède en son centre un monticule de 5 km de haut entouré d'un mince anneau d'argile. Bien que Ehlmann annonce que ces argiles sont probablement parmi les 20% qui se sont formés avec de l'eau de surface, leur texture révélera des choses très intéressantes sur cette eau.
Les argiles martiennes ont-elles été déposées au fond d'un lac profond persistant ou bien dans des eaux peu profondes de courte durée ? Certains géologues ont même suggéré que ces minéraux pouvaient s'être formés en présence de glace.
Les spécialistes commencent déjà à dire que ce changement drastique de vision sur le climat de Mars n'exclut toujours pas la possibilité d'une apparition de vie sur Mars. Elle serait simplement non plus en surface, mais plus profondément enfouie en subsurface, à l'abri des instabilités inhérentes du climat...
Et J. Head, lui-même à l'origine de ce nouveau modèle insiste sur les similitudes pouvant exister avec certaines régions très sèches et très froides qu'on rencontre en Antarctique, dans lesquelles des lacs éphémères se forment à la saison chaude, produisant une prolifération d'algues en un temps très court, uniquement due à un mince filet d'eau de fonte. Alors que l'imaginaire associe immédiatement la vie avec climat chaud et humide, dit-il, il suffit de regarder la gamme existant sur Terre pour se dire qu'il n'y a aucune raison de soupçonner que la vie se limite à ça...

De là à dire que, quels que soient les nouveaux modèles de Mars, même de plus en plus arides, les planétologues persisteront constamment à y chercher de la vie, il n'y a qu'un pas.

sources :
Nature  484,153 (12 April 2012)
Science  13 April 2012:   Vol. 336 no. 6078 pp. 150-151


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