13/06/13

L'Energie Noire ne Varie pas au Cours du Temps

A écouter !


Le fait que l’expansion de l’Univers a commencé à accélérer il y a 7 milliards d’années est quelque chose d’accepté dans le modèle cosmologique standard actuel, même si ce qui a causé cette accélération reste aujourd’hui un mystère. L’expression « énergie noire» couvre plusieurs possibilités, et pour trier parmi celles-ci, nous avons besoin de plus d’informations, comme par exemple de savoir si cette énergie noire est constante ou bien varie au cours du temps.

Jusqu’à  présent, les astrophysiciens ont toujours été limités par le fait que la plupart des observations concernaient soit l’univers assez proche (avec un redshift z proche de 1), là où les supernovae et les galaxies sont facilement observables, ou au contraire l’univers très lointain (à z de l’ordre de 1000) avec le rayonnement fossile du fond diffus cosmologique.
 
Illustration du phénomène d'oscillations acoustiques baryoniques laissant leur empreinte dans les grandes structures de galaxies (Illustration  Chris Blake et Sam Moorfield)
Mais aujourd’hui, un programme observationnel permet de combler en partie ce trou temporel. Le Baryon Oscillation Spectroscopic Survey (BOSS) permet de mesurer l’expansion cosmique à  des redshifts de 2.3, correspondant à  une remontée dans le temps de 10 milliards d’années, soit avant le début de l’accélération de cette expansion.
Ces observations confirment bien sûr l’existence d’un terme d’ "énergie noire". Mais chose beaucoup plus intéressante, elles montrent qu’elle n’a pas varié dans les derniers 10 milliards d’années. Cette énergie noire reste cohérente avec une nature de  type "constante cosmologique" à  la Einstein, alors que cela aurait pu ne pas être le cas.

La collaboration BOSS enregistre les spectres de presque 2 millions de galaxies et de 150000 quasars grâce au télescope de 2.5 m du Sloan Digital Sky Survey , situé à  l’observatoire Apache Point au Nouveau Mexique. Leur objectif est de déterminer la distribution de la matière à  travers plus de la moitié de l’Univers observable. Cette distribution, qui n’apparaît pas aléatoire fournit de précieux renseignement non seulement sur l’énergie noire, mais aussi sur la distribution de matière noire et sur la gravitation.

Télescope de 2.5 m du Sloan Digital Sky Survey , situé à  l’observatoire Apache Point (CalTech)
Depuis sa mise évidence en 1998 par l’observation de supernovae, l’accélération de l’expansion n’a eu de cesse d’être investiguée pour essayer d’en déterminer l’origine.

Parmi les premiers paramètres utilisables se trouvent ce qu’on appelle les oscillations acoustiques baryoniques, qui sont des sortes d’ondes acoustiques se déplaçant très vite dans l’Univers très jeune et très dense et qui se retrouvent aujourd’hui comme figées, dès lors que la matière n’était plus assez dense pour leur propagation, 300000 ans après le BigB. 

Ces oscillations acoustiques se traduisent aujourd’hui par des variations de densité de matière caractéristiques, visibles au niveau des distributions de galaxies, et qui conservent l’empreinte des fluctuations primordiales de densité.
Depuis une dizaine d’années, de nombreux programmes de recherches de galaxies ultra-lointaines ont vu le jour, et tous parviennent à  voir l’échelle des OAB dans les distributions des galaxies. C’est grâce à  ces mesures que l’accélération de l’expansion a pu être confirmée sans faire appel au supernovae.

Vue schématique de l'expansion, d'abord se ralentissant puis s'accélérant (NASA Science)
L’apport du programme BOSS vient de sa prise en compte de quasars très lointains. L’équipe a utilisé ces quasars comme des lampes torches projetées vers nous pour étudier la distribution d’hydrogène qui se trouve entre les galaxies, par l’"ombre" qu’il produit (absorption de la lumière des quasars d’arrière-plan).

C’est la première fois qu’une mesure de l’hydrogène par cette méthode est utilisée pour mesurer les oscillations acoustiques baryoniques. Et c’est cette technique qui a ainsi permis de trouver les taux d’expansion les plus anciens.

D'après les résultats de BOSS, l’énergie noire est donc constante dans le temps. C’est finalement la théorie la plus simple qu’on pouvait imaginait qui semble se révéler la  bonne. 

Désormais, la balle est plutôt dans le camp des théoriciens. Alors que les techniques observationnelles peuvent toujours être améliorées et on sait comment faire,  en revanche, trouver la bonne théorie qui explique ce qu’est vraiment ce qu’on appelle par défaut "énergie noire" est une autre affaire… mais on on a au moins éliminé pas mal de pistes.


 Références :
Cosmology: Hydrogen wisps reveal dark energy
Tamara Davis 
Nature498,179–180 (13 June 2013)

A. Busca, N. G. et al. Astron. Astrophys. 552, A96 (2013)
A. Slosar, A. et al. J. Cosmol. Astropart. Phys. 026 (April 2013).

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