mercredi 27 novembre 2013

Le Trou Noir qui est Trop Petit

Je ne sais pas pourquoi, mais quand je vois le mot "puzzling" dans le titre d'un article, qui plus est dans Nature, et quand, en plus, le titre de l'article comporte également les mots "black" et "hole", mon œil est tout émoustillé... C'est ce qui m'arrive cette semaine encore... Voilà donc un trou noir très bizarre.
Vous me direz, les trous noirs sont par essence bizarres, je dirais même troublants (ouaf!). Certes, mais celui là, tout de même... Il s'agit d'un trou noir situé dans la célèbre galaxie M101, ce n'est pas le trou noir supermassif central de M101, non, il s'agit d'un trou noir plus petit, et pour tout dire, trop petit par rapport à ce qu'on pouvait en déduire par l'intensité de son émission de rayons X (précisons que ce n'est pas le trou qui émet ce rayonnement, mais le disque de gaz qui tourne autour à des vitesses folles).
M101 (A. Block/ University of Arizona)
Ce trou noir est justement répertorié grâce à son intense source de rayons X, c'est ce qu'on appelle une source X ultra-lumineuse (une ULX), elle est d'ailleurs dénommée simplement M101 ULX-1.

Ce qui fait que ce trou noir est si bizarre, c'est que l'on a pu mesurer sa masse grâce à une étoile compagnon qui gravite autour, et, alors que tout portait à croire que c'était un trou noir intermédiaire, ayant une masse entre 100 et 1000 masses solaires, et bien les astrophysiciens qui publient leur étude dans Nature cette semaine ont trouvé une masse comprise entre 20 et 30 masses solaires seulement!...

Il faut rappeler que les modèles de trou noir jusqu'ici donnent trois familles possibles de trous noirs : les trous noirs stellaires, ayant une masse de quelques masses solaires jusqu'à quelques dizaines de masses solaires, viennent ensuite les trous noirs intermédiaires (100 à 1000 masses solaires), puis les trous noirs supermassifs, qui peuvent avoir des masses de plusieurs millions à plusieurs milliards de masses solaires.

L'analyse de l'émission X de M101 ULX-1 possède toutes les caractéristiques qu'on attendrait pour un disque d'accrétion d'un trou noir intermédiaire. Les astrophysiciens chinois, américains et anglais qui, signent l'article se sont penché sur le spectre optique de l'étoile qui tourne autour du trou en 8,2 jours. De par la quasi absence d'hydrogène, ils en concluent et confirment de précédentes observations qu'il s'agit bien d'une étoile dite de Wolf-Rayet
Vue d'artiste du phénomène de disque
d’accrétion par un trou noir (NASA)
Connaissant son type et sa luminosité, ils en déduisent aisément sa masse, qui vaut 19 masses solaires, ce qui est tout à fait typique des étoiles de Wolf-Rayet. Ensuite, connaissant sa période orbitale, le calcul est trivial pour en déduire la masse du trou noir. C'est ainsi que la masse obtenue est apparue très étonnamment faible : moins de 30 masses solaires...

Les astrophysiciens se grattent donc la tête, ils proposent une hypothèse qui serait que l'étoile compagnon enverrait des quantités très importantes de gaz sous forme de vent solaire vers le trou qui l'accrèterait très efficacement, mais sans pouvoir expliquer comment fonctionnerait exactement le processus.

Une autre hypothèse plutôt audacieuse serait que les trous noirs de masse intermédiaire, qui  jusqu'à aujourd'hui ont toujours été inférés à partir de données de luminosité X (et non "pesés" directement par des évaluations gravitationnelles), n’existeraient tout simplement pas!...
On n'aurait pas forcément besoin d'imaginer des gros trous noirs de masse intermédiaire pour expliquer les sources X ultra-lumineuses puisque des trous noirs de masse stellaire suffisent...
Et c'est tout de même un poil embêtant quand on songe que les trous noirs de masse intermédiaires ont été imaginés notamment pour servir de "graines" à partir desquelles se seraient formés les trous noirs supermassifs...

Puzzling, en effet.


Référence : 
Puzzling accretion onto a black hole in the ultraluminous X-ray source M 101 ULX-1
Ji-Feng Liu et al.
Nature 503, 500–503 (28 November 2013)

1 commentaire :

Unknown a dit…

Génial, c'est bien de faire ça en podcast.