modélisation de l'effet d'un trou noir (Alain Riazuelo) |
Carlo Rovelli est un physicien théoricien éminent. Professeur à l'Université de Aix-Marseille et directeur de recherche au CNRS (Centre de Physique Théorique de Luminy). Il a inventé à la fin des années 1980 avec Lee Smolin la gravité quantique à boucles, l'une des voies peut-être les plus prometteuses pour unifier gravitation et physique quantique. Il s'est également spécialisé dans l'étude de la nature du Temps et a proposé des idées très innovantes sur ce que peut être le Temps, si il existe (voir là)...
Aujourd'hui, accompagné d'une jeune chercheuse italienne elle-aussi, il vient de proposer une toute nouvelle idée sur les trous noirs, et leur fin... Et Carlo Rovelli et Francesca Vidotto démontrent que les trous noirs ne sont peut-être pas du tout ce que l'on pense.
Voilà : il n'y a pas de singularité et il n'y en a jamais eu. Le puits gravitationnel qui s'est formé par l'effondrement de l'étoile massive concentre la masse mais la densité ne devient jamais infinie. Une densité maximale est atteinte et cette densité est la densité de Planck. En fait, quand l'étoile s'effondre, il arrive dans une durée très courte dans le temps propre de l'étoile (mais qui peut être très long pour un observateur extérieur) que la pression gravitationnelle quantique (c'est comme ça que Rovelli l'appelle) s'oppose à l'effondrement, ce qui produit un violent rebond. Comme je le disais, cela se déroulerait en un temps très court dans le temps propre de l'étoile, mais comme ce phénomène se passe dans un puits gravitationnel très profond, au delà de l'horizon des événements, où le temps est donc extrêmement dilaté, pour les observateurs extérieurs que nous sommes, cette durée nous semble durer (sic) très longtemps, des millions ou milliards d'années...
Carlo Rovelli |
Comme les effets de gravitation quantique sont gouvernés par la densité d'énergie et non la taille d'un objet, Rovelli précise que l' "étoile", qu'avec Francesca Vidotto ils appellent une étoile de Planck (Planck Star) peut tout a fait avoir une dimension plus grande que la longueur de Planck.
Qui plus est, comme les trous noirs s'évaporent par rayonnement Hawking, les théoriciens italiens montrent que l'étoile de Planck, qui contient toute l'information du trou noir, finit par perdre un tiers de sa masse par rayonnement Hawking, laissant un résidu macroscopique, avec un horizon qui disparaît alors. A ce point, la pression gravitationnelle quantique peut alors disloquer le résidu et l'information emmagasinée dans le trou noir s'échapper à l'infini.
Pour résumer, l'image que Rovelli et Vidotto donnent est celle d'une étoile qui s'effondre gravitationnellement jusqu'à atteindre très vite une taille qui lui donne la densité de Planck, et alors apparaît un rebond à cause de la répulsion gravitationnelle quantique produite par les propriétés quantiques de l'espace-temps.
Le rebond se fait en une durée très courte pour l'étoile, de l'ordre du temps mis par la lumière pour parcourir le rayon de l'étoile, mais du fait de l'énorme potentiel gravitationnel, le temps est très fortement dilaté et cette courte durée apparaît très longue pour l'observateur extérieur, comme un film vu en extrême ralenti.
Un trou noir ne serait ainsi rien d'autre que l'effondrement puis le rebond d'une étoile, le tout vu au ralenti. La durée de l'ensemble du processus (collapse plus rebond) est donnée par Rovelli et Vidotto comme étant proportionnelle à la masse du trou noir au cube.
Francesca Vidotto |
La bonne nouvelle c'est qu'il existe des implications astrophysiques observationnelles à cette théorie, car au moment où l'étoile de Planck réapparaît à la fin de son rebond une fois l'horizon disparu, il se passe des choses... Rovelli et Vidotto montrent que l'étoile de Planck doit disparaître littéralement en émettant toute sa masse résiduelle en rayonnement gamma. Et ils font le calcul.
Partant du principe que l'Univers primordial a produit une grande quantité de trous noirs de toutes masses, ils calculent que les trous noirs/étoiles de Planck qui devraient arriver aujourd'hui au terme de leur vie "cachée" sous horizon, soit des objets âgés de 13,7 milliards d'années, doivent avoir une masse de 1000 milliards de kilogrammes. Ce faisant, cela fait une taille de l'ordre de 10^-14 cm.
Le rayonnement produit par le phénomène de gravité quantique impliqué doit avoir une longueur d'onde du même ordre de grandeur que cette dimension. Transformant la longueur d'onde calculée en énergie (E=hc/lambda), cela donne une énergie de l'ordre du GeV, des énergies tout à fait détectables par nos télescopes gamma préférés, comme Fermi-LAT par exemple...
Les GRB qu'on observe si fréquemment et dont on a bien du mal à déterminer l'origine seraient-ils des signatures d'étoiles de Planck ?
Planck Stars
Carlo Rovelli, Francesca Vidotto
arXiv:1401.6562v3
(February 3, 2014)
7 commentaires :
Je suis pas sûr d'avoir très bin compris mais ça a l'air d'être du lourd merci.
Ce rebond m'a l'air tout à fait analogue à ce qui a été proposé pour les scénarios de Big Bounce en "Loop quantum cosmology". Tiens c'est presque étonnant que le filon n'ait pas été exploité plus tôt pour les trous noirs !
Cette proposition sort quelques jours après celle de Stephan Hawkins sur les trous noirs. Est-ce que les deux théories sont complémentaires ou bien radicalement opposées?
Stephen Hawking... Les deux théories n'ont pas grand chose à voir. Hawking revisite la nature de l'horizon des événements d'un trou noir en postulant qu'il a un aspect chaotique.
La théorie de Rovelli/Vidotto s'intéresse à ce qui se passe dans le trou noir.
Ces deux théories ont néanmoins un point commun : elles éliminent le paradoxe de l'information et le paradoxe du firewall.
Pourquoi pas... mais dans ce cas pourquoi les trous noirs géants, uniques, au centre de TOUTES les galaxies et qui ont 13 milliards d'années n'ont toujours pas explosé ?
@Fimo : Dans cette théorie, l'"explosion" est un processus extrêmement long car le temps est très dilaté dans la trou noir. De plus la durée de l'ensemble du processus (collapse plus rebond) serait proportionnelle à la masse du trou noir au cube.
Les trous noirs supermassifs peuvent faire plusieurs milliards de fois la masse d'un trou noir stellaire...
Je rebondi sur cet article (désolé pour le jeu de mot) dont j'ai découvert cette théories il y a peu de temps. C'est l'explication la plus probable pour ma part pour la simple raison c'est que ça me parait logique. Une étoile qui explose au ralenti pour un observateur du à son champs gravitationnel extrêmement dense, pourquoi pas ?! En tout cas ça me plait bien :)
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