Deux études différentes viennent
de paraître et arrivent à la même conclusion : le milieu situé entre les
galaxies (le milieu intergalactique) est rempli d’atomes lourds, sous forme de
gaz ou grains de poussières, alors que ces atomes sont produits au cœur des
étoiles qui sont elles situées à l'intérieur des galaxies…
Illustration du phénomène d'ensemencement en métaux et la méthode d'observation (Nature) |
Tous les éléments plus lourds que
l’hélium : carbone, oxygène, azote, silicium, fer et au-delà sont appelés
par les astrophysiciens des métaux même
si ce ne sont pas tous à proprement parler des éléments métalliques. Ils sont
produits lors des réactions de fusion nucléaire qui alimentent les étoiles,
puis lors des explosions des étoiles les plus lourdes en supernovas. Comme les
étoiles se trouvent dans les galaxies, on peut s’attendre très logiquement à
trouver quantité de métaux à l’intérieur des galaxies. Mais ce qu’ont montré
les études d’une part de Michael Shull et al. parue dans The Astrophysical Journal fin décembre et celle de Joshua Peek et al.
soumise également à The Astrophysical
Journal, c’est qu’il n’en est rien : il y a également beaucoup de
métaux en dehors des galaxies, et parfois très loin, à la fois sous forme de
gaz ionisé et de molécules complexes, petits grains de poussière.
Joshua Peek |
Dès la fin des années 50,
lorsqu’on a compris que tous les éléments lourds étaient produits par les
étoiles, les astronomes ont pensé qu’ils pourraient utiliser ces éléments
lourds, ces métaux comme ils disaient, comme des traceurs de la formation
d’étoiles et des flux de gaz à l’intérieur des galaxies. En effet, il est
relativement aisé d’observer ces gaz à l’intérieur d’une galaxie : ils y
sont denses et les étoiles brillent fortement, ce qui permet d’observer
facilement la lumière réémise par les nuages gazeux en question et déterminer
leur nature par l’étude de leur spectre de lumière. Mais c’est tout différent
en dehors des galaxies ; là, les nuages ‘métalliques’ sont très peu
denses, très diffus, et on ne peut plus observer leur émission propre. Ce que
l’on peut observer, c’est l’absorption qu’ils produisent sur la lumière
d’objets situés en arrière-plan, bien plus lointains.
Non seulement cette atténuation
est très ténue, mais il se trouve que ces ions absorbent essentiellement des
longueurs d’ondes dans l’ultra-violet. Or notre atmosphère aussi absorbe les rayonnements
ultra-violet. Pour observer les spectres d’absorption provenant du milieu
intergalactique, il faut donc nécessairement utiliser des télescopes en orbite.
Et le télescope spatial Hubble fait ça très bien. Michael Shull, de l'université du Colorado, et ses collègues, ont
étudié des données spectrales du milieu intergalactique concernant certains
ions de carbone, azote, oxygène et silicium et sont remonté ensuite, à partir
de la densité d’ions dans des états ionisés particuliers, à la valeur de la
densité des éléments considérés. Ils concluent que pas moins de 5% à 15% de
tous les métaux produits depuis l’apparition des premières galaxies, se
trouvent complètement en dehors des galaxies, dans le milieu intergalactique,
les 90% restant se trouvant bien à l’intérieur mais aussi à l’extérieur proche,
à proximité immédiate des galaxies.
Michael Shull |
L’équipe menée par Joshua Peek, à l'université de Columbia, elle,
plutôt que de s’intéresser au gaz ionisé et à son absorption UV, s’est
intéressée aux métaux sous forme moléculaire, des petits grains de poussière
nano ou micrométrique, formés notamment de carbone et de silicium (silicates),
qui produisent un effet de rougissement de la lumière située en arrière-plan.
Ils ont ainsi traité des données du Sloan
Digital Sky Survey sur un peu plus de 140 000 galaxies d’arrière-plan pour
en extraire des profils de densité de poussière au voisinage de galaxies
d’avant-plan.
Avec ces profils de densité de
poussières, ils calculent ensuite la masse de poussière située au voisinage de
ces galaxies d’avant-plan. Leur conclusion en est que la majorité de ces
molécules riches en carbone et en silicium se trouve non pas à l’intérieur des
galaxies, mais à l’extérieur.
Lorsque l’on met côte à côte ces
deux études, une nouvelle image apparaît, celle d’un univers où les galaxies
expulsent dans l’immensité du vide en grande quantité une matière très riche,
celle-là même qui forme tout ce que nous connaissons sur notre planète, à
commencer par nous-même.
Il était suspecté depuis pas mal
d’années que les galaxies ne contenaient pas tous les métaux qu’elles
produisent dans leurs étoiles ; nous parvenons aujourd’hui à les localiser
et à les quantifier. Il reste désormais à mieux comprendre les phénomènes physiques
à l’origine de ce grand ensemencement cosmique ainsi que depuis combien de
temps il a lieu.
Références :
Tracing the cosmic
metal evolution in the low-redshift intergalactic medium
J. M. Shull et al.
The Astrophysical
Journal Vol. 796 Number 1 (2014)
Dust in the
Circumgalactic Medium of Low-Redshift Galaxies
J. E. G. Peek et al.
Soumis à the
Astrophysical Journal
Astronomy: Cosmic fog and smog
M. Peeples
Nature 517, 444–445 (22 January 2015)
1 commentaire :
Bonjour,
Ces études sur les métaux extragalactiques sont à rapprocher de celles sur les étoiles extragalactiques estimées autour de 10% pour les petits amas, 30% pour les gros amas, voire proches de 50% selon les données récentes de la mission Ciber sur le fond infra-rouge ; que ces étoiles aient été expulsées avec les queues de marée ou formées dans des filaments gazeux, il ne parait dès lors plus très étonnant d'observer une telle métallicité de la matière extragalactique. Je suppose que les métaux peuvent aussi être directement expulsés d'une galaxie (supernovae, trou noir central...)
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