mercredi 20 décembre 2017

Des détails de 120 millions de km observés à la surface d'une étoile à 530 années-lumière


J'ai du mal à me faire à l'idée que c'est devenu normal. Après Bételgeuse, après Antarès, voilà donc une nouvelle image de la surface d'une étoile, toujours une géante rouge bien sûr, mais quand même. Nous voyons aujourd'hui des détails à la surface d'étoiles qui sont situées à plusieurs centaines d'années-lumière... Celle-ci s'appelle Pi1 Gruis, et elle montre des motifs granulaires d'à peine 120 millions de km...




Comme son nom l'indique, Pi1 Guis se trouve dans la constellation australe de la Grue. Elle est distante de 530 années-lumière et fait partie d'un système binaire visible dans le ciel austral. Même si son volume est beaucoup plus imposant que celui du Soleil, sa masse est similaire, juste 1,5 fois plus élevée. Il s'agit d'une vieille étoile en fin de vie qui a gonflé comme le fera notre étoile dans 5 milliards d'années.

L'équipe d'astronomes qui publie cette observation aujourd'hui dans Nature est composée d'astronomes d'institutions françaises, belges, autrichiennes, allemandes, suédoise et anglaise. Ils ont utilisé le télescope européen VLT (Very Large Telescope) associé à l'instrument PIONIER (Precision Integrated-Optics Near-infrared Imaging ExpeRiment ), qui offre la possibilité de faire de l'interférométrie en proche infra-rouge en exploitant les quatre télescopes de 8 m du VLT . On peut d'ailleurs préciser que l'interféromètre PIONIER a été conçu à l'Institut de Planétologie et d'Astrophysique de Grenoble. Les détails que les chercheurs parviennent à imager à la surface de cette grosse étoile 350 fois plus imposante que le Soleil s'étalent sur 27% de la surface, soit près de 120 millions de kilomètres.

Claudia Paladini (Université libre de Bruxelles) et ses collègues montrent par leurs observations interférométriques en infra-rouge à très haute résolution la présence de gros granules à la surface de Pi1 Gruis, formant un contraste de 12% et qui semblent être des vastes cellules convectives.
C'est la première fois que nous voyons des détails aussi fin à la surface d'une étoile autre que le Soleil. Les cellules convectives occupent chacune environ un quart de la surface observée, alors que dans le cas d'une étoile comme le Soleil, leur nombre peut avoisiner plusieurs millions pour une taille individuelle typique de 2000 km. La différence de taille des cellules convectives est attribuée par les astrophysiciens à la grosse différence de gravité surfacique qui existe entre les géantes rouges et les étoiles de la séquence principale de masse équivalente.

Les granules visibles sont produits par des courants de convection qui parcourent l'enveloppe de la géante. Des mouvements de gaz de l'intérieur vers l'extérieur de l'enveloppe se développent en se refroidissant lors de leur montée et en se réchauffant en descendant. Cette convection permet d'évacuer la chaleur interne de l'étoile vers sa surface.
Pi1 Gruis est actuellement en train d'éjecter de grandes quantités de matière dans son voisinage. Une région gazeuse a notamment été observée il y a quelques années à moins d'une année-lumière de l'étoile, une phase d'éjection intense qui remonterait à 20 000 ans. 

Il va falloir s'y faire, avec les techniques interférométriques, les étoiles ne seront plus des points dans le ciel.


Source

Large granulation cells on the surface of the giant star π1 Gruis
C. Paladini et al., 
Nature (21 décembre 2017)

Illustrations

1) Image reconstruite de Pi1 Gruis (ESO)

2) L'instrument PIONIER (ESO & B. Lazareff (LAOG))

3) Les quatre télescopes du VLT sur le Mont Paranal au Chili (ESO)

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