25/06/18

Observation d'une précession de l'axe d'un jet de trou noir


Le jet de plasma produit par un trou noir supermassif au coeur d'une galaxie peut subir un mouvement de précession, c'est ce qu'une équipe internationale vient de découvrir en observant la galaxie OJ 287, et ce qui explique la variabilité de luminosité de ces gigantesques jets de particules observés à très grande distance.




Silke Britzen (Max Planck Institute für RadioAstronomie) et son équipe se sont intéressés au noyau actif de la galaxie OJ 287, située à 3,5 milliards d'années-lumière (trajet lumière) et qui est connue pour être la meilleure candidate pour abriter non pas un mais deux trous noirs supermassifs dans son centre, très proches l'un de l'autre. Ils ont exploré les données en ondes radio de OJ 287 obtenues avec le réseau interférométrique VLBA entre 1995 et 2017 à la fréquence de 15 GHz. En analysant finement l'évolution dans le temps de l'émission radio associée au jet du trou noir (ou de l'un des trous noirs), les astrophysiciens déduisent très clairement la présence d'un mouvement de l'axe du jet, une précession avec une échelle de temps caractéristique de 22 ans. 
La précession d'un axe de rotation est un mouvement qui modifie l'orientation de l'axe. La Terre, par exemple, voit son axe de rotation subir une précession avec une période de 26000 ans, elle est produite par les effets gravitationnels (effets de marée) combinés de la Lune et du Soleil.

Ce mouvement de rotation de l'axe du jet dans OJ 287, selon les chercheurs, permet d'expliquer enfin la variabilité du flux total observé, qui serait alors simplement dûe à des effets géométriques : les changement d'angles de vue et le beaming Doppler associé. Et cette précession du jet peut également expliquer la périodicité qui est observée non plus dans le domaine radio mais dans le domaine visible depuis plus de 100 ans, avec l'existence d'un rapport 1/2 dans les échelles de temps entre précession de l'axe du jet et variabilité de luminosité dans le visible. Les chercheurs suggèrent que l'émission dans le visible serait une émission de type synchrotron liée directement au rayonnement du jet.
Il faut savoir que, historiquement, l'origine des variations de luminosité des jets de trous noirs supermassifs était attribuée à des variations de la quantité de matière tombant dans le trou noir (une partie étant absorbée et une autre éjectée dans le jet avant d'avoir atteint la zone de non-retour). Des mouvements à l'intérieur de jets avaient aussi été attribués à la présence d'ondes de choc traversant les jets. Mais ces différentes hypothèses restaient quelque peu fragiles.
Silke Britzen et son équipe apportent aujourd'hui un panorama bien plus clair sur ce qui peut produire les variations qui sont observées.
Et en plus du mouvement de précession de l'axe du jet, les chercheurs pensent également avoir mis en évidence un léger mouvement de nutation. La modélisation des deux mouvements permet de coller encore mieux aux observations des variations de luminosité radio et visible.
Cette découverte va permettre de vraiment mieux comprendre les jets de trous noirs et leur origine, qui est toujours sujette à hypothèses. Quant à savoir maintenant ce qui est à l'origine du mouvement de précession de l'axe du jet, Silke Britzen et ses collègues proposent deux voies possibles : la première serait que le deuxième trou noir du couple perturberait le jet issu du disque d'accrétion du premier trou noir par des effets de marée gravitationnelle; et la seconde hypothèse ne ferait pas intervenir le second trou noir, mais juste le fait que le disque d'accrétion du trou noir générant le jet serait désaligné par rapport à lui.

Dans tous les cas, le jet du noyau actif de la galaxie OJ 287 apparaît aujourd'hui être le jet de trou noir le mieux caractérisé et il pourra à n'en pas douter être utilisé à l'avenir comme une sorte de pierre de Rosette pour comprendre et déchiffrer d'autres jets extragalactiques au comportement difficile à comprendre, et révéler les secrets de l'activité des trous noirs supermassifs.


Source

OJ287: deciphering the ‘Rosetta stone of blazars’
S. Britzen  et al.
Monthly Notices of the Royal Astronomical Society, Volume 478, Issue 3 (11 August 2018)


Illustration

Vue d'artiste de la région centrale de la galaxie active OJ 287 montrant les deux causes possibles de la précession observée de l'axe du jet. (Axel Quetz / MPIA Heidelberg).

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