Les galaxies naines satellites des grandes galaxies ont souvent été considérées comme des réservoirs de matière noire, notamment à cause de la dispersion de vitesse de leurs étoiles. Et puis certaines galaxies naines sont apparues dépourvues de matière noire alors que d'autres semblaient au contraire constituées presque exclusivement de cette matière invisible mais agissant fortement sur la vitesse des étoiles. Aujourd'hui, une étude sur des galaxies naines satellites de notre Galaxie montre que les vitesses de leurs étoiles peuvent être tout à fait expliquées sans recours à la matière noire.
François Hammer (Observatoire de Paris, Université Paris Saclay) et ses collaborateurs français et chinois publient leur étude dans The Astrophysical Journal. Ils y montrent que les 17 galaxies naines peuplant le halo de notre Galaxie qu'ils ont étudiées ont leur grand axe qui est préférentiellement aligné perpendiculairement au disque galactique, et que leurs gradients de vitesse est également aligné de la même façon. Cette observation étonnante indique un fait : notre Galaxie exercerait une force de marée si intense qu'elle serait en trian de distordre les galaxies naines. François Hammer et son équipe démontrent que c'est l'accélération gravitationnelle de notre Galaxie qui produit la dispersion de vitesse des étoiles à l'intérieur des galaxies naines. Nulle besoin d'ajouter de la matière dans ces galaxie naines. On notera au passage qu'il n'est pas non plus besoin de théorie de gravitation modifiée.
Les chercheurs observent une forte dépendance entre la force gravitationnelle de notre galaxie et la dispersion de vitesses dans les galaxies satellites, et ce résultat est valide quelle que soit la masse de la galaxie naine en question. Hammer et ses collègues en concluent que la quantité de matière noire des galaxies naines, si elles en possèdent, ne peut pas être déduite de la dispersion de vitesse de leurs étoiles comme ce qui était fait classiquement.
Ce que ce résultat implique également, c'est que la plupart des galaxies naines qui se trouvent autour de notre galaxie ne seraient en fait pas en orbite depuis longtemps, mais viendraient juste d'arriver dans le voisinage, elles en seraient à leur premier passage et seraient en train de se faire déchiqueter par les effets gravitationnels de notre Galaxie.
François Hammer et ses collaborateurs concluent que l'accélération produite par notre Galaxie prédit très bien l'amplitude de la dispersion de vitesse des étoiles dans les galaxies naines. Ils précisent que cela ne signifie pas qu'il n'y a pas de matière noire dans les galaxies naines sphéroidales, mais que sa quantité ne peut pas être déduite de la seule dispersion de vitesse des étoiles qui est donc expliquée par un autre processus.
Par ailleurs, les chercheurs déduisent qu'il n'y a plus d'arguments valides pour annoncer des fractions de matière noire très importantes (très supérieures à 10) dans les galaxies naines les moins lumineuses, qui ne devraient donc plus être des cibles privilégiées pour la recherche de matière noire. Enfin, il ne serait plus justifié de dire que que les galaxies naines satellites de notre Galaxie doivent suivre d'une part la relation universelle qui a été construite entre la masse totale et la masse stellaire dans le régime des galaxies naines et d'autre part la relation décrivant leur accélération radiale.
Un effet colatéral de cette découverte apparaît : puisque les galaxies naines seraient largement influencées par les effets gravitationnels de notre Galaxie et non par leur contenu interne, la masse totale de la Voie Lactée pourrait être mesurée plus facilement et à plus grande distance.
C'est donc une découverte très importante que viennent de faire les chercheurs français et chinois, qui permet d'avancer dans la connaissance à la fois des galaxies naines entourant la Voie Lactée et plus généralement des relations entre effets gravitationnels de la matière classique et ceux attribués à la matière noire.
Source
Galactic forces rule dynamics of Milky Way dwarf galaxies
Francois Hammer, Yanbin Yang, Frederic Arenou, Carine Babusiaux, Jianling Wang, Mathieu Puech and Hector Flores
The Astrophysical Journal 860 76 (10 juin 2018)
Illustrations
1) Exemple de galaxie naine satellite (Fornax) faisant partie de l'échantillon étudié par Hammer et al. (ESO/Digital Sky Survey 2)
2) Distribution des galaxies naines en coordonnées galactique (Hammer et al.)
3 commentaires :
Et ce qui est particulièrement frappant dans cette découverte, c'est que son origine n'est pas une nouvelle observation astrophysique mais une réforme critique dans la manière d'observer. D'où son caractère fondamental.
"Par ailleurs, les chercheurs déduisent qu'il n'y a plus d'arguments valides pour annoncer des fractions de matière noire très importantes (très supérieures à 10) dans les galaxies naines les moins lumineuses":
Très supérieures à 10 masses de matière noire pour 1 part de matière visible, c'est bien ça ?
Oui Nicophil, on parle ici de fraction de matière noire par rapport à la matière baryonique
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