16/10/18

Les disques protoplanétaires ne sont pas assez massifs pour former des planètes


Quelle idée de comparer la masse des exoplanètes et la masse des disques de gaz et de poussière qui sont censés leur donner naissance ! Une riche idée pourtant puisqu'on s'aperçoit que ça ne colle pas du tout, une nouvelle énigme en perspective...




Carlo Manara (ESO) et ses collègues Allessandro Morbidelli et Tristan Guillot de l'Observatoire de Nice viennent de montrer que les disques protoplanétaires ne contiennent pas suffisamment de matière pour produire les planètes que nous pouvons observer dans la phase juste postérieure à la phase d'agglomération du disque. Les trois astrophysiciens se sont intéressés à des systèmes très jeunes, qui ont entre 1 million et 3 millions d'années seulement, avant la formation présumée des planètes. Ils ont observé de nombreux systèmes protoplanétaires de ce type avec la réseau ALMA.  En cherchant à estimer la masse de ces disques de gaz et de poussière, ils s'attendaient à trouver des valeurs compatibles avec la masse des planètes qui sont observées dans un stade un peu plus évolué des systèmes planétaires. Car il était évident pour tout le monde que les systèmes planétaires se forment dans les disques protoplanétaires par agglomération successive de poussières, de gaz et autres petits cailloux. La matière du disque protoplanétaire doit être le résidu du nuage gazeux qui a formé l'étoile en question.

Les astrophysiciens mesurent en fait la masse du disque ou la masse des planètes relativement à la masse de leur étoile. La masse des disques protoplanétaires observés avec ALMA a notamment été réévaluée grâce à la connaissance beaucoup plus précise de la distance de ces systèmes obtenue par le relevé du télescope Gaïa (des mesures de parallaxes).

Carlo Manara et ses collaborateurs s'attendaient en fait à trouver des masses de disque beaucoup plus élevées que les masses des planètes, mais c'est l'inverse qu'ils trouvent. La masse des planètes mesurée est en moyenne plus de dix fois supérieure à la masse des disques et supérieure à la masse des disques les plus massifs... Et les chercheurs trouvent d'ailleurs un résultat similaire lorsqu'ils prennent en compte seulement le contenu en éléments lourds des planètes (le coeur pour des planètes géantes et toute la masse pour des super-Terres).

Les astronomes suggèrent quelques possibilités pour tenter d'expliquer cette différence importante : peut-être que la formation des planètes ou au moins leur coeur se serait déroulée beaucoup plus rapidement que ce que l'on pense (entre 0,1 et 1 million d'années), qui se serait donc passé avant la phase observée par Manara, Morbidelli et Guillot où les disques auraient été plus massifs, ou peut-être que les systèmes planétaires récupéreraient du gaz et de la poussière de leur environnement au fur et à mesure que les planètes se développent... Enfin, on ne peut pas non plus exclure d'après les chercheurs qu'il existe dans les disques protoplanétaires des cailloux trop gros pour être détectés par ALMA...

Cela fait beaucoup de "peut-être", et donc pour trier et tester les différentes hypothèses, il va falloir maintenant mesurer la masse de disques protoplanétaires encore plus jeunes (de moins de 1 million d'années). Ce qui est sûr, c'est qu'il va falloir résoudre cette énigme si on veut vraiment comprendre comment les planètes se forment.


Source

Why do protoplanetary disks appear not massive enough to form the known exoplanet population?
C. F. Manara, A. Morbidelli and T. Guillot
Astronomy & Astrophysics 618, L3 (2018)

Illustrations

1) Le disque protoplanétaire de HL Tauri imagé par ALMA (ESO)

2) Distribution des masses de disques protoplanétaires et des masses de systèmes planétaires en fonction de la masse de l'étoile centrale (Manara et al. A&A)


2 commentaires :

**** a dit…

Bonjour Dr Eric Simon,
Petite aide sur une coquille : censé et sensé, quand c est "supposé" c est "censé", "sensé" c est le sens, voire le "bon sens".
Passionnant ce hiatus sur les disques protoplanetaires ! Si on ajoute les bizarreries comme l énorme évolune on se dit que le modèle de formation des systèmes planétaires va beaucoup évoluer !
Merci encore

Dr Eric Simon a dit…

Merci, coquille corrigée.