23/08/19

La surface de l’astéroïde Ryugu dévoilée in situ


Les premiers résultats d’analyse du sol de l’astéroïde (162173) Ryugu, exploré par l’atterrisseur européen MASCOT déposé par la sonde japonaise Hayabusa2 viennent d’être publiés. Ils montrent que ce qui apparaît comme l’un des objets les plus sombres du système solaire a une composition très proche des météorites de type chondrites carbonées mais avec deux types de roches très différentes. Une étude à retrouver dans Science aujourd'hui.



Le 3 octobre 2018 à 01h57 (temps universel), MASCOT (Mobile Asteroid Surface Scout) était largué par Hayabusa2 41 m au-dessus de la surface de Ryugu. Il atteignait la surface 6 minutes plus tard mais rebondit sur un gros caillou pour se retrouver 17 m plus loin dans un petit renfoncement (un peu à la manière de Philae sur Chury). L’équipe nippo-franco-allemande qui a exploité MASCOT a utilisé le temps de descente de l’atterrisseur pour prendre des images de la surface avec l’instrument MASCam, avant de continuer une fois posé et ce, durant 17 heures jusqu’à épuisement de sa batterie. La phase de descente et de rebond a permis d’enregistrer 20 clichés de la surface, à des distances différentes. Et parallèlement, l’imageur ONC (Optical Navigation Camera) de Hayabusa2 enregistrait en même temps l’atterrisseur et son ombre sur la surface de Ryugu. Ces images ont permis aux chercheurs de reconstruire avec précision la trajectoire de MASCOT.
Mais une manœuvre de remontée de l’atterrisseur l’a ensuite fait se retourner, avec ses imageurs pointés vers le ciel. Dans cette position, cinq images ont été enregistrées durant la nuit locale et les planétologues ont pu repérer trois points brillants qui bougeaient dans le ciel de Ryugu. Cela leur a permis de mesurer avec une très grande précision la période de rotation de l’astéroïde : 7,63262 ± 0,00002 heures. Les astronomes ont même pu identifier ces trois objets comme étant rien d’autre que Jupiter, Saturne et l’étoile σ Sagittarii (une étoile brillante de magnitude 2).
Le matin du deuxième jour (local), le système de mouvement interne de l’atterrisseur a été activé et il s’est enfin retrouvé en bonne position un peu plus loin, prêt à faire des images du sol. Des LED colorées ont été utilisées avec MASCam pour illuminer les roches et enregistrer des images en couleur de la surface, permettant l’analyse de leur composition.
Le matin du troisième jour local, les ingénieurs du DLR et du CNES ont fait exécuter à MASCOT un petit déplacement latéral de 5 cm de manière à pouvoir faire des images en stéréo, nécessaires pour une analyse de photogrammétrie. Le sol a ensuite été imagé sous différentes illuminations et angles de vue. MASCOT vécut moins de trois jours locaux sur la surface de Ryugu, sa batterie étant tombée à plat au bout de 17 heures et 7 minutes…
Les analyses approfondies des images obtenues, effectuées par Ralf Jaumann (DLR, Institut de Planétologie, Berlin) et ses collaborateurs, montrent ainsi que Ryugu paraît dominé par deux types de roches, et qu’aucune évidence de poussière de faible granulométrie n’est observée. La taille des cailloux imagés va de quelques dizaines de centimètres à plusieurs mètres.
Le premier type de roche apparait plus brillante, montrant des faces lisses et des arêtes vives, tandis que la seconde est sombre, avec une surface friable et des structures en « chou-fleur ». Les images rapprochées d'un gros caillou de ce dernier type révèlent des petites inclusions plus brillantes et spectralement différentes, pour lesquelles les chercheurs déduisent qu'elle n'a pas subi de modification aqueuse importante. Ces inclusions semblent en outre très similaires à celles des météorites à chondrite carbonée qu’on peut trouver sur Terre après leur chute. Les deux types de roches paraissent distribuées de manière homogène sur toute la surface de Ryugu.

Ryugu serait donc une sorte de grosse météorite de 502 m de rayon équatorial avec une masse volumique de 1,19 g cm–3 (il flotterait presque si on le mettait dans l’eau). Son albedo (son pouvoir de réflexion de la lumière) global est égal à 4,5 ce qui en fait l’un des objets les plus sombres que l’on connaisse dans le système solaire. Il subit une variation de température de l’ordre de 100 K entre le jour et la nuit et la radiomètre de MASCOT, nommé MARA (MASCOT RAdiometer) a montré que la roche avait une porosité d’au moins 28% et une faible élasticité. Les deux types de roches auraient une réponse différente à la fatigue thermique (lié au passage jour/nuit toutes les 3h et demie), qui expliquerait les différences de morphologie qui sont observées.
Les planétologues arrivent finalement à deux interprétations possibles pour expliquer cette double nature de la surface de Ryugu : Soit l’astéroïde est issu de la collision de deux corps de composition différente, qui se seraient complètement disloqués lors de l’impact puis dont les débris se seraient réaccumulés ; ou bien Ryugu se serait formé à partir d’un parent unique mais en plusieurs phases à des températures internes et des pressions différentes résultant d’une disruption catastrophique suivie d’une redistribution interne.
Concernant l’absence de poussière (des grains submillimétriques), les planétologues restent circonspects parce qu’ils s’attendaient à en trouver, ne serait-ce que par l’exposition continue de la surface à l’environnement radiatif. La poussière doit donc être enlevée par un processus physique. Les auteurs notent qu’un autre astéroïde, Itokawa avait lui aussi une absence de poussière, alors qu’un autre, Eros en possède…
Les grains de poussière ont donc dû disparaître soit vers l’espace, soit vers l’intérieur poreux, mais le mécanisme exact à même de surmonter les forces de cohésion entre particules, qui devraient être dominantes pour des grains de cette taille dans le cas de Ryugu, reste à encore à trouver, d’après les planétologues...


Source

Images from the surface of asteroid Ryugu show rocks similar to carbonaceous chondrite meteorites
R. Jaumann et al.
Science Vol. 365, Issue 6455 (23 Aug 2019)


Illustrations

1) Les différentes morphologies de roches présentes sur Ryugu (R. Jaumann et al.)

2) Reconstruction de la trajectoire de MASCOT (R. Jaumann et al.)

3 Images de roches de type 1 de jour et de nuit (R. Jaumann et al.)

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