Le pulsar de Vela est l'un des pulsars les plus connus, situé à un peu moins de 1000 années-lumière, et l'un des premiers à avoir été découvert, en 1968. Il est ainsi suivi de près depuis plus de 50 ans. Et en 2016, une anomalie dans sa pulsation radio a été observée par le radiotélescope Tasmanien de Mount Pleasant, un "glitch" comme l'appelle les astronomes, une occasion en or pour eux pour étudier ce processus étonnant et pour explorer l'intérieur de cette étoile à neutrons. Une étude parue dans Nature Astronomy.
Gregory Ashton (Monash University, Melbourne, Australie) et ses collaborateurs ont étudié l'évolution des pulses radio de PSR B0833-45, l'autre nom du pulsar de Vela, en appliquant un traitement par inférence Bayésienne. Leur logiciel avait été initialement prévu pour analyser des signaux d'ondes gravitationnelles, mais ils se sont rendu compte qu'ils pouvaient facilement généraliser leur algorithme à de très nombreux type de problèmes. Très vite, Ashton et ses collègues se sont penchés sur les données du glitch du pulsar de Vela de 2016, qui pouvaient permettre de tester un modèle d'étoile à neutron qui avait été proposé peu de temps avant par une astrophysicienne théoricienne de l'Université McGill au Canada.
Un "glitch" d'étoile à neutron est modélisé comme l'interaction entre sa croûte constituée d'éléments très riches en neutrons et son coeur superfluide où les neutrons sont quasi libres. Un réajustement brutal de la croûte sur le superfluide dû notamment à des effets magnétiques peut se produire, ce qui a pour effet de modifier très rapidement la rotation de l'étoile à neutrons et donc la pulsation des ondes radios que nous détectons.
De telles irrégularités de rotation peuvent en effet être produites par des vortex superfluides dans la couche interne, qui se désagrègent soudainement, transférant leur moment angulaire au réseau nucléaire formant la croûte. La conséquence d'un glitch est une brusque augmentation de la fréquence de rotation (mais d'une amplitude très faible), et donc des pulsations radio qui peuvent être observées, leur origine étant figée au niveau de la croûte.
Jusqu'à récemment, les seules observations radio de glitches étaient limitées aux phases juste avant ou juste après le glitch, mais jamais pendant le phénomène. C'est celui de 2016 observé sur le pulsar de Vela avec le radiotélescope de 26 m du Mount Pleasant à Hobart qui fournit pour la première fois un suivi pulse après pulse d'un phénomène de glitch.
Le pulsar avait initialement une fréquence de 11,186433 Hz (soit une période de 89,39 ms) et a augmenté sa fréquence de 16,11 µHz au cours de ce glitch, une variation infime mais détectable par des logiciel d'analyse adaptés, comme celui des astronomes australiens.
L'équipe de Ashton désirait en profiter pour vérifier si le modèle de l'étoile à neutrons ne pourrait pas être un peu plus complexe en introduisant trois composantes aux lieu de deux, avec un coeur séparé en deux phases distinctes, ce qui aurait pour effet d'induire un signal différent dans la variation de la pulsation radio du pulsar, dans son glitch.
Les données que les chercheurs avaient à leur disposition étaient les ondes radio pulse à pulse durant le glitch, qui dure très peu de temps (moins de 30 s) avant que la pulsation redevienne stable à sa nouvelle valeur, plus élevée.
Ce qu'observent Ashton et ses collaborateurs, c'est tout d'abord un temps de montée du glitch de 12,6 s, trois fois plus faible que les mesures du glitch précédent observé sur Vela en 2004, ensuite, ils trouvent la présence d'un "overshoot" dans le fréquence de pulsation, ce qui signifie qu'après avoir augmenté, elle décroit rapidement pour atteindre sa nouvelle valeur, plus élevée que la précédente. Et ce qu'ils observent aussi, et qui était tout à fait inattendu c'est un ralentissement détectable de la vitesse de rotation avant le glitch lui-même.
Alors que les deux premières observations ne semblent pas valider un modèle d'intérieur de l'étoile à neutrons constitué d'un coeur à deux phases comme le suggérait Vanessa Graber, qui co-signe l'article, le ralentissement qui précède le glitch, est considéré par les auteurs comme ce qui déclenche justement le phénomène en induisant un espacement critique entre le superfluide neutronique et la croûte, mais ils restent prudents étant donné qu'un tel comportement de ralentissement précédant l'accélération n'avait encore jamais été observé.
Source
Rotational evolution of the Vela pulsar during the 2016 glitch
Gregory Ashton, Paul D. Lasky, Vanessa Graber & Jim Palfreyman
Nature Astronomy (12 august 2019)
Illustrations
1) Le pulsar de Vela imagé par Chandra en rayons X (NASA/PSU/G.Pavlov et al.)
2) Variation de la fréquence de pulsation du pulsar de Vela en fonction du temps durant son glitch de 2016 (Ashton et al./Nature Astronomy)
3) Le radiotélescope de 26 m du Mount Pleasant en Tasmanie
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