mardi 22 mars 2022

FRB répétitifs: La polarisation dépend de la fréquence des ondes radio


Lorsque l’année dernière l’équipe d’astrophysiciens menée par Bing Zhang a publié l’observation de plus de 1650 sursauts radio rapides provenant de la source FRB 20121102A, un élément était très surprenant : ces ondes radio n’étaient pas polarisées, alors que les FRB détectés jusqu’alors ont toujours montré des ondes fortement polarisées. Une nouvelle étude portant sur 5 FRB répétitifs comme FRB 121102 vient de lever un voile très important pour comprendre l’origine du phénomène FRB : la polarisation dépend de la fréquence des ondes radio… L’étude est publiée dans Science.

Les FRB produisent des ondes radio électromagnétiques, qui sont essentiellement des oscillations de champs électriques et magnétiques dans l'espace et le temps. La direction du champ électrique oscillant est décrite comme la direction de la polarisation. Bien qu'elle soit encore considérée comme mystérieuse, la source de la plupart des FRBs est aujourd’hui généralement considérée comme étant des magnétars (des étoiles à neutrons qui possèdent les champs magnétiques les plus puissants de l'univers) ou des étoiles à neutrons moins magnétisées. La polarisation de ces sursauts radio est généralement de près de 100 %. À l'inverse, dans de nombreuses sources astrophysiques qui impliquent des plasmas chauds, comme le Soleil par exemple, l'émission observée n'est pas polarisée : les champs électriques oscillants y ont des orientations aléatoires. L'angle de polarisation et la fraction de polarisation linéaire et circulaire peuvent en fait fortement contraindre les mécanismes d'émission des FRB. Par exemple, un angle de polarisation constant dans un sursaut est plutôt cohérent avec un modèle invoquant un choc relativiste ou une émission provenant de la magnétosphère externe d'une étoile à neutrons. Par ailleurs, l'angle de polarisation variable qui a été observé dans FRB 20180301A a été interprété comme provenant de la magnétosphère d'un magnétar… Yi Feng (observatoires astronomiques nationaux de l'Académie chinoise des sciences) et ses collaborateurs, ont analysé les propriétés de polarisation de 21 sources de FRB répétitifs dont 5 nouvellement observées à l'aide du radiotélescope FAST de 500 mètres et du Green Bank Telescope (GBT). Les 5 observés avec FAST sont FRB 20121102A (1652 sursauts), FRB 20190520B (75 sursauts), FRB 20190303A (3 sursauts), FRB 20190417A (23 sursauts), et FRB 20201124A (11 sursauts).


Les chercheurs ont étudié et observé les FRB dans plusieurs gammes de longueur d’ondes en mesurant à chaque fois le degré de polarisation des sursauts pour ces différentes fréquences. En faisant ça, ils ont découvert que plus la fréquence est basse, moins le signal est polarisé. Et mieux : il existe une fréquence en dessous de laquelle il n’y a plus de polarisation et cette fréquence seuil n’est pas la même d’une source à l’autre. Pour FRB 121102A, la polarisation est de 100% entre 3 et 8 GHz mais elle est nulle entre 1 et 1,5 GHz, la plage d’observation de FAST. Selon Feng et ses collaborateurs, pour expliquer une telle dépendance de la polarisation en fonction de la fréquence des ondes radio, il doit exister dans chaque source de FRB répétitif un plasma dense fortement magnétisé. C’est ce plasma qui peut produire une rotation différente de l'angle de polarisation en fonction de la fréquence radio, et les ondes radio que nous détectons proviennent de chemins multiples en raison de la diffusion des ondes par le plasma. L’image qui se dessine est une dispersion des ondes radio sur des structures complexes d'avant-plan telles que des restes de supernova. Ce comportement, modélisé comme une diffusion par trajets multiples, est caractérisé par les chercheurs par un seul paramètre, σRM, la dispersion de la mesure de rotation (rotation du vecteur polarisation). Les sources avec une σRM plus élevée ont une magnitude de mesure de rotation et des échelles de temps de diffusion plus élevées, ces deux paramètres apparaissant corrélés. Une telle corrélation entre mesure de rotation et temps de diffusion est cohérente avec l'hypothèse selon laquelle la dispersion de la mesure de rotation et la diffusion des impulsions proviennent d'un seul écran de plasma, tel qu'un reste de supernova ou une nébuleuse de vent de pulsar. Feng et ses collaborateurs montrent que σRM et l’amplitude de la mesure de rotation sont également positivement corrélées. Dans le contexte de leur modèle à diffusion multiple, cela indique qu'un environnement avec une intensité de champ magnétique plus forte a tendance à avoir une plus grande fluctuation du champ magnétique. Les FRB répétitifs qui ont une grande σRM pourraient être ainsi plus affectés par la turbulence, entraînant de grandes fluctuations de la densité électronique et donc du champ magnétique De quoi expliquer aussi la diversité qui existe parmi les FRB répétitifs.
Les chercheurs remarquent enfin que les deux sources qui présentant la σRM la plus élevée, FRB 20121102A et FRB 20190520B, sont associées à des sources radio persistantes compactes. Cette propriété conforte selon eux l’idée de l’existence d’un environnement complexe à proximité des FRB répétitifs : reste de supernova ou nébuleuse de vent de pulsar. Un environnement plus dense et plus magnétisé produit en effet probablement aussi un rayonnement synchrotron plus fort en provenance de la nébuleuse, ce qui donne lieu à une source radio persistante, et ce qui est compatible avec l'image de la diffusion multiple qui est proposée pour expliquer l’évolution de la polarisation en fonction de la fréquence des ondes radio des sursauts.

En résumé, les FRB répétitifs sont moins polarisés aux basses fréquences, ce qui peut être expliqué par un modèle de dispersion de la mesure de rotation lorsque les ondes radio traversent un plasma dense. La valeur de σRM dans ce modèle peut être utilisée pour quantifier la complexité des environnements magnétisés associés aux FRBs répétitifs. Des valeurs élevées de σRM indiquent des sources issues de populations stellaires jeunes (résidus de supernovas récentes). Ces nouveaux résultats sur les FRB répétitifs contraignent ainsi les théories du mécanisme d'émission de ces sources, qui sont peut-être très différentes de celles qui produisent des sursauts uniques.

Source

Frequency-dependent polarization of repeating fast radio bursts—implications for their origin
Yi Feng et al.
Science Vol 375, Issue 6586 (17 Mar 2022)

Illustrations

1. Le radiotélescope FAST (Liu Xu/AP/SIPA)
2. Degré de polarisation en fonction de la fréquence et en fonction de la dispersion de la mesure de rotation de polarisation (Feng et al.) 

Aucun commentaire :