La nébuleuse de l'Anneau Austral, (NGC 3132) est le magnifique résultat de l'éjection de matière d'une étoile massive il y a plus de 2000 ans. Et c'est aussi l'une des premières nébuleuses observées avec le télescope Webb. Aujourd'hui, une très vaste équipe de près de 70 chercheurs publie leurs découvertes sur l'origine probable de la complexité de NGC 3132 dans Nature Astronomy.
Les résultats issus d'observations avec le télescope Webb se suivent et même se bousculent en cette fin d'année, un an à peine après son lancement. Aujourd'hui, c'est vers la mort d'une étoile que les astrophysiciens se sont penchés grâce à la finesse d'observation du télescope Webb dans des longueurs d'ondes rarement explorées pour ce type d'objets.
L'étoile qui a produit la Nébuleuse de l'Anneau Austral était âgée d'environ 500 millions d'années lorsqu'elle a éjectée la plus grande partie de son enveloppe pour laisser derrière elle une naine blanche d'environ 0,6 masse solaire, à l'image de ce qui arrivera au Soleil dans 5 milliards d'années. Cette étoile a vécu moins longtemps car elle était trois plus massive que le Soleil. Elle a créé des nuages de gaz qui se sont étendus à partir du site d'éjection. Orsola De Marco (Macquarie University, Sydney) et ses collaborateurs ont réussi à trouver grâce à Webb des preuves de la présence de deux ou trois étoiles compagnes autour de l'étoile massive, qui auraient accéléré sa "mort" et une quatrième qui aurait aussi pu interagir. Les astrophysiciens n'ont pas exploité seulement Webb, mais ils ont aussi utilisé le Very Large Telescope de l'ESO, le télescope San Pedro de Mártir au Mexique, le télescope spatial Gaia et un peu du télescope Hubble aussi.
De Marco et ses collaborateurs décrivent le halo d'hydrogène étendu et structuré qui entoure une bulle centrale ionisée est empreint de structures spirales. Ces structures ont probablement été façonnées par une compagne de faible masse orbitant autour de l'étoile centrale à environ 40 à 60 UA seulement (non résolue par Webb). Les images révèlent également un excès dans l'infrarouge moyen au niveau de l'étoile centrale, qui est interprété comme un disque poussiéreux, ce qui indique une interaction avec une autre compagne plus proche. Les images de Webb permettent aux chercheurs de générer un modèle de l'illumination, de l'ionisation et de l'hydrodynamique du halo moléculaire, démontrant ainsi la puissance du télescope pour étudier les écoulements stellaires complexes. La masse de l'étoile centrale qui est responsable de l'apparition de cette jolie nébuleuse a pu être déterminée grâce à la présence de l'étoile compagne qui est visible, et avec une très bonne précision : 2,86 ± 0,06 M⊙.
Sur les images très résolues de Webb, on peut distinguer deux zones assez différentes. D'un côté des sortes de lignes droites, très lumineuses, qui percent les anneaux de gaz et de poussière autour des bords de la nébuleuse. Ces "rayons" semblent émaner de l'une ou des deux étoiles centrales, et marquent les endroits où la lumière traverse les trous de la nébuleuse. D'après De Marco et ses collaborateurs, ces lignes droites pourraient avoir été projetées des centaines d'années plus tôt et à des vitesses plus élevées que celles qui semblent plus épaisses et courbes. Et de l'autre côté, des structures beaucoup moins linéaires, que les chercheurs attribuent un mélange de matériaux qui aurait ralenti au cours de sa progression, lui donnant ces formes perturbées.
Les astronomes ont élaboré des modèles afin de reconstituer la façon dont l'étoile était morte et pour savoir comment jusqu'à cinq étoiles ont-elles pu créée la Nébuleuse de l'Anneau Austral ? On sait que tout le gaz et la poussière que nous voyons projetés un peu partout dans NGC 3132 proviennent de l'étoile centrale (l'étoile n°1) mais ils ont été projetés dans des directions très spécifiques par les autres étoiles du système. Les chercheurs montrent aussi qu'il existe une série de structures en spirale qui partent du centre. Ces arcs concentriques seraient créés lorsqu'une compagne tourne autour de l'étoile centrale alors qu'elle perd de la masse.
En regardant une reconstruction tridimensionnelle des données, l'équipe a également vu des paires de protubérances qui peuvent se produire lorsque des objets éjectent de la matière sous forme de jet. Ces protubérances sont irrégulières et partent dans des directions différentes, ce qui pourrait impliquer une interaction entre trois étoiles au centre.
De Marco et ses collaborateurs ont donc tout d'abord déduit la présence d'une compagne proche en raison du disque poussiéreux autour de l'étoile centrale, puis des partenaires plus éloignées qui auraient créé les arcs, la compagne encore plus éloignée étant quant à elle visible sur l'image de Webb. L'observation des jets indiquait en effet qu'il devait y avoir une autre étoile, voire deux, au centre, et ils arrivent finalement à la conclusion qu'il doit y en avoir deux.
Pour résumer : il y aurait 5 étoiles dans ce système dont deux seulement sont visibles. Parmi les 5 étoiles présentes à l'intérieur de la nébuleuse de l'Anneau Austral à la forme si particulière, l'étoile 1 est l'étoile centrale qui est devenue une naine blanche. Après s'être énormément dilatée, elle a éjecté un gros disque de poussière froide. L'étoile 2 assez éloignée et visible, n'aurait pas joué de rôle important. Les étoiles n°3 et 4 auraient toutes les deux émis une série de jets alors que l'étoile 1 se dilatait. Les vents stellaires correspondants auraient ainsi sculpté une cavité en forme de bulle dans ce gaz et cette poussière. Et l'étoile 5 qui doit être très proche de l'étoile 1 (entre 40 et 60 unités astronomiques seulement) interagit fortement avec le gaz et la poussière éjectés et "sculptés", après avoir été à l'origine même de la perte de l'enveloppe de l'étoile principale, générant le système de grands anneaux que l'on voit vers l'extérieur de la nébuleuse.
De Marco et ses collaborateurs peuvent donc concilier la masse de l'étoile actuelle et celle du modèle de photoionisation, tout en faisant correspondre les abondances chimiques et l'âge nébulaire, en supposant que l'évolution d'une étoile de 2,86 M⊙, a été interrompue par une interaction binaire qui a éjecté l'enveloppe. La masse de la naine blanche résultante doit être de 0,61 M⊙, car pour des valeurs plus grandes, le rapport C/O du gaz de l'enveloppe stellaire augmenterait au-dessus de l'unité (ce qui va à l'encontre de l'observation de grains de silicate cristallins), et pour des masses plus importantes, le rapport N/O augmenterait également au-dessus de la valeur observée de 0,42.
Cette belle étude d'archéologie stellaire ouvre la voie aux futures observations de nébuleuses par le JWST et permet de mieux comprendre des processus astrophysiques fondamentaux, notamment les vents en collision et les interactions entre étoiles binaires, avec des implications pour l'étude des supernovas ou autres fusions de binaires.
Source
The messy death of a multiple star system and the resulting planetary nebula as observed by JWST
Orsola De Marco et al.
Nature Astronomy (8 december 2022)
Illustrations
1. NGC 3132 imagée par le télescope Webb dans deux bandes spectrales différentes (De Marco et al.)
2. Schéma des interactions stellaires proposées pour expliquer les observations (NASA, ESA, CSA, E. Wheatley (STScI))
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