dimanche 4 décembre 2011

Quand les neutrinos d'ICARUS défient ceux d'OPERA sous l'oeil du Higgs

Ça se passe en Italie, dans le même laboratoire souterrain, cette grande cave creusée au milieu d'un tunnel routier du Gan Sasso.
L'expérience OPERA mesure l'oscillation des neutrinos produits au CERN en Suisse, et elle peut aussi mesurer leur vitesse apparente, en mesurant le temps qu'ils mettent pour arriver et en mesurant la distance qui sépare la source et le détecteur.
On connaît maintenant tous l'annonce qui a été faite en septembre dernier sur la mesure d'une vitesse supraluminique pour ces neutrinos muoniques.

Et ce laboratoire souterrain est un endroit vraiment propice pour l'étude des neutrinos, notamment ceux venant du ciel, et surtout du soleil, qui en est un très gros producteur. Les neutrinos ont le bon goût de pouvoir facilement traverser l'écorce terrestre, que ce soit "horizontalement" entre la Suisse et l'Italie mais aussi "verticalement" à travers l'atmosphère et une haute montagne. L'expérience nommée ICARUS (du mythologique Icare qui voulait s'approcher du soleil...) est située tout juste à côté de OPERA dans le laboratoire du Gran Sasso. Cette manip, initiée par un ancien prix Nobel (Carlo Rubbia, physique 1983) a pour but d'étudier les neutrinos "cosmiques".
Et les physiciens de ICARUS ont eu l'idée de mesurer non seulement leurs neutrinos solaires comme prévu, mais aussi ceux qu'étudient leurs copains d'à côté, ceux venant du CERN et qui apparaissent faire quelques excès de vitesse.
ICARUS est formé de détecteurs qu'on appelle des chambres à projection temporelle à l'Argon liquide.

ICARUS mesure non pas le temps de vol des neutrinos du CERN comme OPERA, mais il les détecte assez bien, comme toute autre particule, et mesure également leur énergie (cinétique+masse), ce que ne fait pas OPERA. Et c'est là que ça devient intéressant...

En effet, lorsque ICARUS mesure au Gran Sasso l'énergie de ces neutrinos suisses, et bien il trouve exactement la même énergie que celle qu'ils avaient au départ 730 km plus loin (l’énergie initiale n'est pas directement mesurée mais calculée par simulation).

So what ? vous entends-je dire.... Voilà qu'entre en scène un prix Nobel (Physique 1979) en la personne de Seldon Glashow, accompagné d'un collègue de l’université de Boston, Andrew Cohen. Ces deux théoriciens ont fait des calculs assez pointus (on n'est pas Nobel par hasard quand même), et selon ces calculs, si les neutrinos suisses étaient bien supraluminiques au départ de leur voyage, et bien ils ne le resteraient pas longtemps, ils perdraient énormément d'énergie par création de paires électron-positrons...
Les neutrinos, d'après ces calculs, s'ils étaient supraluminiques dans la proportion mesurée par OPERA, ne devraient pas du tout avoir les énergies qui ont été mesurées (avec précision) par ICARUS.
De plus ICARUS ne détecte que des neutrinos, et aucun électron ou positron additionnels.

Les résultats de l'expérience ICARUS, associés à l'interprétation théorique d'un effet Cherenkov d'interaction faible donnent ainsi une robuste contre preuve à l'existence de neutrinos supraluminiques, peut-être la plus robuste de toutes les solutions parfois farfelues émises depuis le 22 septembre.

Les données de ICARUS sont très robustes, la théorie de Glashow et Cohen repose elle sur le modèle standard de la physique des particules (théorie électrofaible).

Pour faire court, on pourrait dire ceci : si le boson de Higgs est découvert (dans les jours ou semaines qui viennent), le modèle standard est conforté, Glashow et Cohen ont donc raison et donc.., ICARUS apporte la preuve de l'erreur expérimentale de OPERA!

Le boson de Higgs pourrait tuer les neutrinos supraluminiques !!


Autant dire que si l'expérience MINOS montre un résultat similaire à OPERA dans 1 an (ou un peu moins espérons le), la physique aura vraiment de très très gros problèmes à résoudre...

- A. Cohen, S. Glashow, New Constraints on Neutrino Velocities       http://arxiv.org/abs/1109.6562

- ICARUS Collaboration, A search for the analogue to Cherenkov radiation by high energy neutrinos at superluminal speeds in ICARUS http://arxiv.org/abs/1110.3763v2


A lire sur le même sujet : http://drericsimon.blogspot.com/2011/12/ca-sent-le-sapin-pour-les-neutrinos.html


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4 commentaires :

Anonyme a dit…

Neutrinos opera
L'équipe d'Icarus ne fait que confirmer une vérité scientifique avec l'effet Cherenkov, qui prévoit effectivement ; qu'une particule allant plus vite que la lumière dans un milieu défini (ou la célérité de la lumière peut-être inférieure à 300 000 km/s), perd une partie de son énergie en émettant des paires d'électron-positron etc. Mais l'objectif que devrait avoir cette équipe serait plutôt la recherche du pourquoi de ces 60ns, dont l'équipe d'Opéra a bel et bien mesuré et qui est une mesure effective et réelle. Aucune théorie actuelle ne prévoit un phénomène nouveau, qui pourrait expliquer cela. Donc seul une nouvelle approche de la physique peut nous sortir de cette incertitude, sans mettre à défaut la relativité d’Einstein. Évidemment, la vitesse de la lumière dans le vide est, et sera pour longtemps une vitesse limite, d'ailleurs l'énergie fondamentale des particules élémentaire l'exige. Conclusion : l'équipe d'Icarus est hors sujet...
nap01

Dr Eric Simon a dit…

ICARUS montre simplement par l'expérience qu'il n'y a pas de Cherenkov dans ce phénomène, donc qu'il n'y a pas les 60 ns d'avance en réalité. Avec l'hypothèse que le modèle standard est valide, ce que vous semblez d'ailleurs admettre lorsque vous dites qu'il est évident qu'il y a Cherenkov pour des particules supraluminiques...
Il ne sont pas hors sujet, ils font de la science.

A C E a dit…

Merci pour votre réponse Dr Eric Simon, je retire les termes finaux de mon commentaire concernant l'équipe de l'expérience Icarus.
Néanmoins ces 60ns d'avance trouvé par Opéra devraient nous interpeller sur leurs origines.
Un article sur la question est sur internet,le titre de l'article:
"Additional delay in the Common View GPS Time Transfert, and the
consequence for the Measurement of the neutrino velocity with the OPERA detector in the CNGS beam"
Pourriez-vous me donner votre avis.
nap01

Dr Eric Simon a dit…

je n'ai pas trouvé cet article, mais ce qui est sûr, c'est que l'erreur (très probable tout de même) réside soit dans la mesure de distance soit dans la mesure du temps. Dans les deux cas le GPS est utilisé.
Il est possible que l'on découvre des effets intéressants dans les systèmes GPS à l'occasion de ces recherches de validité...