07/12/12

Le Premier Pulsar Binaire Milliseconde Découvert Par ses Pulses Gamma

Les semaines se suivent et les découvertes se bousculent… C’est la revue américaine  Science qui cette semaine nous offre la description d’une belle découverte : le premier pulsar milliseconde binaire détecté par ses pulsations gamma. Cela mérite quelques explications.

Un pulsar est une étoile à neutron qui est en rotation rapide, résidu le plus souvent de l’explosion d’une étoile (supernova). Il faut imaginer une grosse boule de 10 km de diamètre constituée uniquement de neutrons. Les pulsars ont été détectés pour la première fois en 1967 par l’observation d’une pulsation dans le domaine des ondes radio. En effet, possédant un champ magnétique, qui n’est pas forcément aligné sur l’axe de rotation, l’étoile à neutron produit une émission d’ondes radio par interactions du champ magnétique avec le milieu proche.

Il suffit que l’axe de ces émissions coupe la ligne de vue depuis la Terre au cours de la rotation de l’étoile morte pour que nous percevions ces signaux périodiques. Les pulsars ainsi détectés ont été de plus en plus nombreux et également de périodes plus en plus rapides au fil des découvertes.
Les plus rapides sont appelés des pulsars «millisecondes » car ils tournent sur eux-mêmes plusieurs centaines de fois par seconde, avec donc une période de rotation qui peut être selon les cas de seulement quelques dizaines de millisecondes. 
Pulsar binaire (vue d'artiste, NASA)

L’existence de pulsars en rotation très rapide est connue depuis les années 1980, elle est assez bien comprise depuis de nombreuses années : il s’agit de vieilles étoiles à neutron assez lentes au départ mais qui sont ré-accélérées par le fait qu’elles accrètent de la matière d’une étoile compagnon, dans un système binaire. Le transfert de masse de l’étoile compagnon vers l’étoile à neutron produit un ralentissement de la période orbitale de la compagne en même temps qu’une accélération de la rotation de l’étoile à neutron.

Il se trouve que des pulsars peuvent émettre non seulement dans le domaine radio, mais aussi en rayons gamma, ce qu’avait montré A. Abdo et al. en 2009 déjà à partir de données obtenues avec Fermi-LAT. Le nombre de pulsars gamma observés peut se compter actuellement sur les deux mains. Et jusqu’à présent, les pulsars de type milliseconde avaient toujours été détectés par leurs pulsations dans le domaine radio. 

Mais il se trouve aussi que le télescope spatial Fermi-Large Area Telescope est toujours en activité et ses données exploitables!  Ce télescope spécialisé dans la détection des rayons gamma a déjà fait parler de lui dans ces colonnes. Cette fois-ci, la grande collaboration internationale qui signe ce papier cette semaine dans Science a recherché grâce à Fermi-LAT la présence d’éventuelles pulsations dans les flux gamma observés « en aveugle ». C’est de cette manière que les astrophysiciens ont pu mettre une identité sur une source gamma pulsée détectée (appelée 2FGL J1311.7−3429) et qui était une énigme depuis des années voire des dizaines d’années : il s’agit en fait d’un pulsar de période 2.5 millisecondes seulement, renommé d’un PSR J1311-3430 ! Cette étoile à neutrons fait ainsi 400 tours sur elle-même en une seconde…

Et ce pulsar se trouve bel et bien dans un système binaire, faisant une révolution autour de son compagnon en 93 minutes, soit la période orbitale la plus courte observée pour un tel pulsar.
Certes, des pulsars beaucoup plus lents émettant des rayons gamma avaient déjà pu être observés, mais la nouvelle prouesse relevée par Fermi-LAT est d’avoir pu faire de même sur des pulsations aussi rapides, ce qui semblait auparavant infaisable.
Taux de comptage gamma en fonction de l'énergie et du temps (Pletsch et al.).

C’est en fait grâce à l’observation d’une contrepartie optique de cette source gamma qu’il a pu être observé une variation de période 93 minutes correspondant à la période orbitale du système (observation optique de l’étoile compagne). Avec cette contrainte, la recherche informatique dans les données en fonction de cinq autres paramètres géométriques et dynamiques a permis aux astrophysiciens de finalement extraire la pulsation temporelle du signal gamma en utilisant des méthodes algorithmiques très avancées utilisées notamment pour la recherche d’ondes gravitationnelles, une méthode dite « semi-cohérente ».

Les astrophysiciens parviennent à reconstituer l’histoire qu’a dû être celle de ce système : l’image qui se dégage pour ce pulsar milliseconde est un système binaire qui aurait été composé initialement d’une étoile à neutron et d’une étoile d’environ 2 masses solaires ayant une période de révolution de 0,8 jours. Celle-ci aurait perdu au fil du temps à la fois de la matière et du moment cinétique à la faveur de l’étoile à neutron, sur une période d’environ 6 milliards d’années, pour arriver à ce pulsar binaire ultra-rapide tournant à 400 Hz, lié aujourd’hui à une étoile compagne pleine d’hélium complètement déplumée qui ne ferait plus qu’un dixième de masse solaire et tournoyant autour de son dévoreur irradiant en 93 minutes, soit l’un des pulsars binaires les plus compact jamais observés.

La réussite de cette découverte d’un pulsar milliseconde par une recherche en aveugle dans les données des flux gamma mesurés par Fermi-LAT laisse présager l’existence de nombreux autres cas similaires correspondant à des sources gamma qui sont cataloguées mais encore non identifiées à ce jour, et qui s’avèrent indétectables en ondes radio.

Réference : 

Binary Millisecond Pulsar Discovery via Gamma-Ray Pulsations
H. J. Pletsch et al.
Science Vol. 338 no. 6112 pp. 1314-1317 (7 December 2012)





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