Les semaines se suivent et les
découvertes se bousculent… C’est la revue américaine Science
qui cette semaine nous offre la description d’une belle découverte : le
premier pulsar milliseconde binaire détecté par ses pulsations gamma. Cela
mérite quelques explications.
Un pulsar est une étoile à neutron
qui est en rotation rapide, résidu le plus souvent de l’explosion d’une étoile
(supernova). Il faut imaginer une grosse boule de 10 km de diamètre constituée uniquement
de neutrons. Les pulsars ont été détectés pour la première fois en 1967 par
l’observation d’une pulsation dans le domaine des ondes radio. En effet,
possédant un champ magnétique, qui n’est pas forcément aligné sur l’axe de
rotation, l’étoile à neutron produit une émission d’ondes radio par interactions
du champ magnétique avec le milieu proche.
Il suffit que l’axe de ces
émissions coupe la ligne de vue depuis la Terre au cours de la rotation de
l’étoile morte pour que nous percevions ces signaux périodiques. Les pulsars
ainsi détectés ont été de plus en plus nombreux et également de périodes plus
en plus rapides au fil des découvertes.
Les plus rapides sont appelés des
pulsars «millisecondes » car ils tournent sur eux-mêmes plusieurs
centaines de fois par seconde, avec donc une période de rotation qui peut être
selon les cas de seulement quelques dizaines de millisecondes.
Pulsar binaire (vue d'artiste, NASA) |
L’existence de pulsars en rotation
très rapide est connue depuis les années 1980, elle est assez bien comprise
depuis de nombreuses années : il s’agit de vieilles étoiles à neutron
assez lentes au départ mais qui sont ré-accélérées par le fait qu’elles
accrètent de la matière d’une étoile compagnon, dans un système binaire. Le
transfert de masse de l’étoile compagnon vers l’étoile à neutron produit un
ralentissement de la période orbitale de la compagne en même temps qu’une
accélération de la rotation de l’étoile à neutron.
Il se trouve que des pulsars peuvent
émettre non seulement dans le domaine radio, mais aussi en rayons gamma, ce
qu’avait montré A. Abdo et al. en 2009 déjà à partir de données obtenues avec
Fermi-LAT. Le nombre de pulsars gamma observés peut se compter actuellement sur
les deux mains. Et jusqu’à présent, les pulsars de type milliseconde avaient toujours été détectés par leurs pulsations dans
le domaine radio.
Mais il se trouve aussi que le télescope
spatial Fermi-Large Area Telescope est toujours en activité et ses données
exploitables! Ce télescope spécialisé
dans la détection des rayons gamma a déjà fait parler de lui dans ces colonnes.
Cette fois-ci, la grande collaboration internationale qui signe ce papier cette
semaine dans Science a recherché
grâce à Fermi-LAT la présence d’éventuelles pulsations dans les flux gamma
observés « en aveugle ». C’est de cette manière que les
astrophysiciens ont pu mettre une identité sur une source gamma pulsée détectée
(appelée 2FGL J1311.7−3429) et qui était une énigme depuis des années voire des
dizaines d’années : il s’agit en fait d’un pulsar de période 2.5
millisecondes seulement, renommé d’un PSR
J1311-3430 ! Cette étoile à neutrons fait ainsi 400 tours sur
elle-même en une seconde…
Et ce pulsar se trouve bel et bien
dans un système binaire, faisant une révolution autour de son compagnon en 93
minutes, soit la période orbitale la plus courte observée pour un tel pulsar.
Certes, des pulsars beaucoup plus
lents émettant des rayons gamma avaient déjà pu être observés, mais la nouvelle
prouesse relevée par Fermi-LAT est d’avoir pu faire de même sur des pulsations
aussi rapides, ce qui semblait auparavant infaisable.
Taux de comptage gamma en fonction de l'énergie et du temps (Pletsch et al.). |
C’est en fait grâce à l’observation
d’une contrepartie optique de cette source gamma qu’il a pu être observé une
variation de période 93 minutes correspondant à la période orbitale du système
(observation optique de l’étoile compagne). Avec cette contrainte, la recherche
informatique dans les données en fonction de cinq autres paramètres géométriques
et dynamiques a permis aux astrophysiciens de finalement extraire la pulsation
temporelle du signal gamma en utilisant des méthodes algorithmiques très
avancées utilisées notamment pour la recherche d’ondes gravitationnelles, une
méthode dite « semi-cohérente ».
Les astrophysiciens parviennent à
reconstituer l’histoire qu’a dû être celle de ce système : l’image qui se
dégage pour ce pulsar milliseconde est un système binaire qui aurait été composé
initialement d’une étoile à neutron et d’une étoile d’environ 2 masses solaires
ayant une période de révolution de 0,8 jours. Celle-ci aurait perdu au fil du
temps à la fois de la matière et du moment cinétique à la faveur de l’étoile à
neutron, sur une période d’environ 6 milliards d’années, pour arriver à ce
pulsar binaire ultra-rapide tournant à 400 Hz, lié aujourd’hui à une étoile
compagne pleine d’hélium complètement déplumée qui ne ferait plus qu’un dixième
de masse solaire et tournoyant autour de son dévoreur irradiant en 93 minutes,
soit l’un des pulsars binaires les plus compact jamais observés.
La réussite de cette découverte
d’un pulsar milliseconde par une recherche en aveugle dans les données des flux
gamma mesurés par Fermi-LAT laisse présager l’existence de nombreux autres cas
similaires correspondant à des sources gamma qui sont cataloguées mais encore
non identifiées à ce jour, et qui s’avèrent indétectables en ondes radio.
Réference :
Binary Millisecond Pulsar Discovery
via Gamma-Ray Pulsations
H. J. Pletsch et al.
Science Vol. 338 no. 6112 pp.
1314-1317 (7 December 2012)
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