mercredi 11 décembre 2013

Comment les Neutrinos Refroidissent les Etoiles à Neutrons

On peut parfois l'oublier, mais pour qu'une étoile à neutrons devienne effectivement une étoile faite presqu'exclusivement de neutrons, il faut que (presque) tous ses protons se transforment en neutrons, par la réaction nucléaire inverse de la radioactivité béta, la capture électronique. Et quand un proton absorbe un électron pour se transformer en neutron, un neutrino est émis.
En d'autres termes, lors de la formation d'une étoile à neutrons, le nombre de neutrinos émis est gigantesque, de l'ordre du nombre de protons contenus dans l'étoile!...
Mais cette formation d'une étoile à neutrons est tout sauf quelque chose de calme. Avant de ne plus posséder que des neutrons, les étoiles éponymes passent par un stade où elles sont formées de noyaux d'atomes très singuliers, très très riches en neutrons, et très instables.

Emission en rayons X de superbursts du pulsar PSR B1509-58 (une étoile à
neutrons de 19 km de diamètre) La zone d'émission X est large de 150 années-lumière.
Image obtenue avec Chandra X-ray Observatory (NASA/CXC/CfA/P. Slane et al.)

La radioactivité d'une étoile à neutrons en train de le devenir est assez inimaginable. Et d'autre part, il se passe quantités de réactions nucléaires à la surface de l'étoile à neutrons, des réactions qui sont en partie dues aux interactions avec la matière souvent en accrétion autour de l'étoile en effondrement gravitationnel.
Ces réactions violentes donnent le plus souvent lieu à d'intenses bouffées de rayons X. On parle de bursts et de superbursts. Les superbursts sont mille fois plus intenses que les précédents.
Jusqu'à présent, on pensait que l'énergie importante qui était émise dans ces superbursts était produite par la radioactivité béta très dominante dans les réactions à la surface des étoiles à neutrons. Des physiciens américains de Los Alamos ont complètement modélisé les phénomènes de radioactivité béta qui peuvent apparaître dans des noyaux d'atomes très exotiques, très très riches en neutrons.
Les résultats que H. Schatz et ses collègues obtiennent remettent en cause le modèle généralement admis : les antineutrinos qui sont émis en même temps que l'électron dans la décroissance béta emportent une quantité d'énergie bien trop importante, ne laissant à l'électron qu'une portion congrue de l'énergie d'excitation du noyau, ces derniers ne peuvent alors pas à eux seuls être à l'origine de l'énergie observée dans les superbursts.... Ce phénomène dans lequel les (anti)neutrinos extraient une importante quantité d'énergie hors de l'étoile est appelé le 'neutrino cooling', le refroidissement par neutrinos.

Vue d'artiste de superbursts à la surface d'une étoile à neutrons (LANL)
Il doit donc exister un autre phénomène physique à l'origine des superbursts de rayons X des étoiles à neutron... encore complètement inconnu.
Pour mieux comprendre ce qui peut bien se passer, les physiciens américains proposent de reproduire en laboratoire la surface de la croûte d'une étoile à neutrons, à plus petite échelle bien sûr. Ils veulent produire expérimentalement des noyaux d'atomes très déformés et très riches en neutrons. Le grand instrument proposé pour être installé à la Michigan State University s'appelle FRIB (Facility For Rare Isotope Beams).

Les physiciens (optimistes?) estiment que FRIB pourrait être mis en service dans les années 2020, de quoi laisser un peu de temps aux théoriciens de tout poil spécialisés en astrophysique nucléaire pour trouver une solution élégante pour l'origine de ces superbursts...

Référence :
Strong neutrino cooling by cycles of electron capture and β− decay in neutron star crusts
H. Schatz et al.
Nature (2013)  01 December 2013

Lire aussi : Plongée à l'intérieur d'une Etoile à Neutrons

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