L’origine des GRB (Gamma Ray Bursts), ces énormes émissions de rayons gamma en provenance de trous noirs, est encore aujourd’hui mal comprise. Deux processus physiques sont en compétition pour l’expliquer, tous les deux sont issus du phénomène de disque d’accrétion apparaissant autour des trous noirs.
La première hypothèse fait intervenir une montée en énergie de photons gamma ou X par diffusion Compton inverse d’électrons très énergétiques, eux-mêmes accélérés par le champ magnétique monstrueux produit par le disque d’accrétion du trou noir : les électrons fournissent une partie de leur énergie cinétique aux photons par collision élastique.
La seconde hypothèse est fondée sur le phénomène de rayonnement synchrotron : les électrons tournant à des vitesses relativistes produisent dans leur trajectoire circulaire des rayons X très énergétiques.
Illustration du phénomène observé dans GRB 120308A (NASA's Goddard Space Flight Center/S. Wiessinger) |
Une observation singulière d’un GRB vient d’être reportée par une équipe d’astrophysiciens anglais, slovènes et italiens. Elle permet de connaître un peu mieux les fondements physique de ces émissions hors norme et de pencher fortement sur l’une des deux hypothèses…
Le point clé qu’il fallait pouvoir observer est la présence ou non d’un champ magnétique ordonné dans ce GRB dénommé GRB 120308A.
Le champ magnétique joue un rôle fondamental dans les phénomènes associés aux trous noirs. La matière qui s’accrète autour d’un trou noir dans une rotation extrême se trouve à l’état de plasma, électrons, protons, et autres noyaux séparés les uns des autres. Le mouvement rapide des charges électriques (un courant électrique) produit immédiatement un champ magnétique dans le disque d’accrétion lui-même, qui possède une haute conductivité électrique. Dans le cas d’un disque d’accrétion en rotation très rapide, le champ magnétique est dit « comprimé ».
Production de courant dans un disque de Faraday(http://www.ampere.cnrs.fr) |
Et ce type de champ magnétique, associé à un mouvement de rotation conduit à la réalisation du phénomène connu sous le nom de « disque de Faraday » : un générateur électrique délivrant un courant et une tension gigantesques, avec une polarité constante. Ce phénomène a été mis en évidence dès 2002 dans les trous noirs.
Des boucles de champ produites à grande échelle dans le champ magnétique hélicoïdal qui tisse le plasma peuvent ensuite créer des sortes de faisceaux étroits collimatés avec des angles d’ouverture de quelques degrés seulement, d’où vont pouvoir s’échapper les particules chargées, accélérées à des vitesses relativistes (99% de la vitesse de la lumière).
Quand le jet de particules chargées interagit avec le milieu entourant le trou noir (nuages de gaz principalement), vont apparaître deux ondes de choc : l’une vers l’avant et l’autre en rebond vers l’arrière.
Liverpool Telescope (R. Smith) |
Il se trouve que la seconde onde de choc de rebond, se situe en majorité dans le domaine des longueurs d’onde visibles. C’est en observant cette lumière particulière visible dans GRB 120308A que notre équipe européenne a pu déduire la présence de polarisation dans le champ magnétique. Ils ont pour cela utilisé le télescope robotisé de 2 m de Liverpool (situé aux Canaries, oui, parce qu'à Liverpool... ce serait un peu plus compliqué), sur lequel était monté un polarimètre spécial appelé RINGO2 (les liverpuldiens sont prévisibles…).
Mesurer la polarisation de la lumière permet de savoir si cette lumière est passée à travers un champ magnétique lui-même polarisé. J. Mundell et ses collègues ont mesuré une composante linéaire de polarisation de 28%. Cette valeur très élevée est proche du maximum de polarisation qui peut être produit par des électrons émettant un rayonnement synchrotron dans un jet relativiste transportant un champ magnétique ordonné.
C’est la première fois que l’on parvient à déterminer précisément une telle polarisation dans la lumière de décroissance d’un GRB.
Non seulement cette observation confirme le modèle du disque de Faraday pour les trous noirs, permettant d’expliquer la production de fins jets de matière, mais elle permet en outre de pencher fortement pour le processus du rayonnement synchrotron comme étant le processus à l’origine de l’émission des Gamma Ray Bursts.
Référence :
Highly polarized light from stable ordered magnetic fields in GRB 120308A
C. G. Mundell et al.
Nature 504, 119–121 (05 December 2013)
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