21/08/15

Matière Noire : XENON100 exclut DAMA sur le terrain des électrons

Les WIMPs (Weakly Interacting Massive Particles, particules massives interagissant faiblement) qui pourraient former la matière noire, doivent produire de très rares collisions avec les noyaux d’atome (dans un détecteur par exemple) et montrer une variation périodique de l’intensité de ces collisions au cours d’une année, avec un maximum en été et un minimum en hiver, à cause de la rotation de la Terre autour du Soleil.



Le détecteur de XENON100 avec l'équipe de
l'Université de Zürich participant à la collaboration
 XENON100 (Universität Zürich )
L’expérience italienne DAMA/LIBRA observe avec son gros détecteur scintillateur, depuis des années, un signal, avec exactement cette modulation. Alors qu’ils clament mesurer des WIMPs depuis le début des années 2000, toutes les autres expériences de recherche directes fondées sur la mesure de collisions sur des noyaux d’atomes, avec des technologies différentes et toutes bien plus sensibles que DAMA, n’ont pourtant jamais rien vu de tel, excluant de fait les résultats de DAMA et leur jetant un certain discrédit suite à leur entêtement et à leur certaine opacité. Oui mais.
Oui, mais il n’y a pas que des noyaux atomiques dans un détecteur, que ce soit un scintillateur organique, un gaz liquéfié ou un semi-conducteur, il y a aussi des électrons, et beaucoup. Or le signal de DAMA peut aussi être interprété comme des interactions de WIMPs sur les électrons au lieu des noyaux… Et ça, les collisions élastiques ou inélastiques sur les électrons, les autres manips de recherche directe ne s’y intéressent pas, soit qu’elles ne peuvent pas y accéder pour des raisons technologiques (nécessité d’un seuil de détection très bas entre autres), soit que la structure électronique des atomes en jeu ne s’y prête pas. Oui, mais…
Oui, mais non loin du détecteur de DAMA/LIBRA dans le laboratoire du Gran Sasso, il y a celui de XENON100, qui cherche des WIMPs avec du xénon liquide, en cherchant des collisions sur les noyaux de xénon. Et le xénon possède exactement la même structure de couches électroniques que l’iode, qui serait l’élément prépondérant du détecteur en iodure de sodium de DAMA/LIBRA pour ce qui est des interactions WIMP/électron. Et XENON100 est une expérience très sensible, avec un bruit de fond (un signal parasite) bien maitrisé et très bas, bien meilleur que celui de DAMA. C’était trop tentant pour les physiciens américano-européens de XENON100 de ne pas regarder ce que cela donnerait si on analysait les mesures à l'aune des interactions WIMPs-électrons au lieu de celles sur les noyaux.  
La collaboration XENON100 publie ainsi aujourd’hui dans la revue Science les résultats qu’elle a obtenus en analysant les données prises durant un peu plus de 220 jours entre le printemps 2011 et le printemps 2012, couvrant donc une période entière de modulation du signal (le maximum d’intensité théorique a lieu le 2 juin, le minimum ayant lieu le 2 décembre), en se focalisant autour de la période du maximum. Les physiciens de XENON100 obtiennent alors un certain signal, qu’ils doivent comparer avec ce que trouvent leurs concurrents de DAMA. Pour cela, ils convertissent le signal de DAMA en ce qu’il donnerait dans le détecteur de XENON100 s’il s’agissait d’un certain type de WIMP, puis comparent les deux.

Signal mesuré par DAMA/LIBRA (en rouge) et celui de XENON100 (en bleu)
durant la même période (XENON100 collaboration)
La collaboration XENON n’y est pas allée de main morte sur cette étude, puisqu’ils ont évalué le signal d’interaction WIMP-électron pour trois différents modèles de WIMPs, dont notamment ceux qui auraient pu expliquer plus facilement le signal de DAMA : la WIMP « standard », la WIMP de type « électron miroir » et la WIMP de type « matière noire lumineuse » (une particule massive qui a la particularité d’émettre un photon gamma en se désexcitant lors de son interaction avec la matière, et pour laquelle serait détectée l’interaction du photon gamma de désexcitation plutôt que celle de la particule massive).
Bref, vous l’aurez peut-être compris, les comparaisons de XENON100 pour chacun de ces trois modèles indiquent une très nette incompatibilité avec les données de DAMA.

La conclusion de cette étude est que des interactions de matière noire sur les électrons sont fortement exclues comme explication au signal modulé mesuré par DAMA/LIBRA. Il va donc encore falloir chercher l’explication ailleurs… ou bien les physiciens de DAMA/LIBRA acceptent enfin de fournir les détails sur leurs bruits de fond à basse énergie, mais ça c’est une autre paire de manches…


Source :
Exclusion of leptophilic dark matter models using XENON100 electronic recoil data
The XENON Collaboration
Science Vol. 349 no. 6250 pp. 851-854 (21 August 2015)

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