Les galaxies peuvent perdre presque la totalité de leur gaz par "arrachement", c'est ce que vient de montrer une équipe internationale dirigée par des astrophysiciens français en étudiant la plus grosse galaxie de l'amas de Virgo, NGC 4569 (M90).
NGC 4569, en rouge: les queues de gaz arraché à la galaxie (CFHT) |
Il est connu depuis longtemps que les galaxies qui évoluent au sein de gros amas de galaxies subissent les effets gravitationnels de leurs voisines proches ou moins proches. On y trouve par exemple moins de galaxies spirales que de galaxies elliptiques ou lenticulaires, ce qui est dû aux multiples interactions qu'elles subissent, les transformant en cassant leurs beaux bras spiraux, soit par fusions, soit par effets de marée. Les galaxies elliptiques ont la particularité de contenir moins de gaz que les galaxies spirales. Mais les galaxies spirales situées au cœur de denses amas semblent elles-aussi contenir moins de gaz que leur cousines plus isolées, et contiennent donc moins d'étoiles jeunes.
Les mécanismes qui ont été proposés par les astrophysiciens pour expliquer cette raréfaction du gaz dans les galaxies spirales au sein des amas sont d'une part l'effet de marée, et d'autre part le phénomène appelé la "pression dynamique". Cette pression dynamique est la force que ressent le gaz de la galaxie lorsque celle-ci se déplace au sein de l'amas et doit traverser le gaz chaud de ce dernier. Le gaz galactique en rencontrant le gaz de l'amas, subit une force de pression dans la direction opposée au mouvement de la galaxie dans l'amas. Un troisième processus pour expliquer la perte de gaz galactique fait intervenir le noyau des galaxies les plus actives, qui pourrait "souffler" le gaz et l'éjecter dans le milieu intergalactique.
L'équipe dirigée par Alessandro Boselli du Laboratoire d'Astrophysique de Marseille (CNRS/Université Aix-Marseille) a utilisé l'instrument MegaCam installé sur le télescope CFHT (Canada France Hawaï Telescope) à Hawaï pour observer directement du gaz en train de s'échapper d'une galaxie spirale. Ils ont pour cela observé une longueur d'onde spécifique émise par l'hydrogène, la raie Ha sur la galaxie NGC 4569 (plus connue des astronomes amateurs sous le nom M90) distante de 60 millions d'années-lumière. Ils observent la présence d'une longue traînée de gaz derrière la galaxie dans le direction opposée à son mouvement au sein de l'amas. Cette queue de gaz fait environ 5 fois le diamètre de la galaxie.
Les chercheurs, par comparaison avec des modèles physico-chimiques d'évolution galactique montrent que le gaz émettant en Ha dans cette queue correspond à une large fraction du gaz qui a été arraché de la galaxie, ce qui indique qu'il a été ionisé au cours du processus d'arrachement. L'équipe de Alessandro Boselli montre enfin que le processus de la pression dynamique semble efficace dans les galaxies massives (plus de 100 milliards de masses solaires en étoiles) situées dans des amas en formation de masse intermédiaire (100 000 milliards de masses solaires).
Les chercheurs, par comparaison avec des modèles physico-chimiques d'évolution galactique montrent que le gaz émettant en Ha dans cette queue correspond à une large fraction du gaz qui a été arraché de la galaxie, ce qui indique qu'il a été ionisé au cours du processus d'arrachement. L'équipe de Alessandro Boselli montre enfin que le processus de la pression dynamique semble efficace dans les galaxies massives (plus de 100 milliards de masses solaires en étoiles) situées dans des amas en formation de masse intermédiaire (100 000 milliards de masses solaires).
Cette observation donne la preuve aux astronomes que le mécanisme de la pression dynamique est dominant sur NGC 4569 et qu'il est en train de la vider de tout son gaz. Ils ont en effet évalué la quantité de gaz arraché à la galaxie et arrivent au chiffre de 95%. NGC 4569 ne peut donc presque plus produire de nouvelles étoiles.
Cette observation est importante car elle montre que le processus de la pression dynamique est le processus dominant dans l'arrachement du gaz et donc dans la réduction de l'activité de la formation d'étoiles. Les astrophysiciens avaient plutôt privilégiés jusqu'alors l'effet des noyaux actifs pour jouer ce rôle, ils vont donc devoir ajuster leurs modèles.
Cette belle observation fournit une avancée dans la compréhension des interactions des galaxies au sein des amas et le rôle que joue leur environnement dans leur évolution.
Source :
Spectacular tails of ionized gas in the Virgo cluster galaxy NGC 4569,
A. Boselli et al.
Astronomy & Astrophysics 587, A68 (2016)
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